Connaissez-vous le processus par élimination? C’est une méthodologie qui permet d’identifier un élément précis parmi d’autres éléments en éliminant tous les autres. En éliminant la traduction littérale de Tantei Bokumetsu parlant de destruction de détective, NISA s’inspire de cette méthodologie prisée dans le monde policier pour renommer le jeu d’aventure/stratégie de Nippon Ichi Software disponible au Japon depuis 2021. C’est presque 2 ans après sa sortie initiale que Process of Elimination arrive en occident sur Nintendo Switch et que nous avons pu nous atteler à cette méthodologie afin de faire ressortir un verdict sur cette production du studio NIS.
La vérité par élimination
Imaginez-vous rentrer de l’école ou du travail, allumer votre TV ou votre tablette pour regarder un peu de variété et juste oublier temporairement les soucis du quotidien. Puis d’un coup, vous faites face à une étrange émission avec ce qui semble être deux personnes déguisées en animaux puis une voix off vous énonçant une situation d’inégalité. Cette voix vous invite à prendre parti et à voter pour une situation à laquelle vous adhérez mieux. Imaginons que vous preniez part au sondage et que votre vote soit retenu, vous assistez ainsi en direct à une exécution, éliminant l’individu représentant le parti que vous n’avez pas soutenu.
Alors que la scène macabre se poursuit devant vos yeux sur l’écran, la voix off continue son discours psychologique et philosophique sur la même thématique en mettant progressivement en abîme le choix que vous aviez effectué. Vous assistez alors par la suite à l’exécution en direct du second individu. Alors que l’émission touche à sa fin et que la voix off se contente de saluer poliment son public, nous apprenons que cette scène fut le début d’une série d’incidents similaires provoquant la mort d’une bonne grosse centaine de personnes. Un chaos engendré par un nom qui résonne à travers le pays, le Duc Écartelé.
Pour mettre fin à ses actes ignobles, l’Alliance de Détectives est formée et rassemble les meilleurs enquêteurs et détectives du pays afin de lever le voile sur cette affaire. Hojo Wato n’est qu’un jeune lycéen travaillant en partie pour l’agence de détective Gunjoji, il rêve d’intégrer un jour la fameuse Alliance de Détectives puis travailler avec les meilleurs du pays. Alors que nous assistons à une petite enquête de notre jeune héros dans laquelle il suit le suspect dans la nuit à travers les ruelles d’une ville, celui-ci confronte notre héros puis se permet de juger les compétences et maladresse de notre jeune détective en herbe.
Le vieil homme se présente alors comme étant une légende parmi les détectives et reconnu sous le pseudo de “Ancien Détective”. Après avoir dressé le bilan sur notre jeune Wato, il reconnaît un certain potentiel dans le métier pour notre jeune ami. Il lui offre l’opportunité de travailler avec l’Alliance de Détective. Confus suite à la rencontre et l’offre du vieil homme, alors qu’il s’apprête à répondre, notre vieux Détective lui annonce qu’il n’a en fait d’autre choix que d’accepter. La seconde d’après, notre héros finit dans les pommes et c’est dans ses songes que nous assistons à une étrange scène de fuite tragique dans laquelle une mystérieuse jeune fille semble y trouver la mort. A peine le temps de comprendre la scène que nous nous retrouvons plusieurs jours après la rencontre avec le vieil homme. Wato se réveille à l’intérieur d’un genre de casier jeté à l’extérieur d’une île.
A côté de lui, une tablette répondant à son toucher et lui délivrant des explications pré-enregistrées par le vieil homme. Nous sommes apparemment sur l’île de Morgue sur laquelle sont bâtis 2 édifices. Nous sommes censés mener l’enquête sur le Duc Écartelé dans un manoir dédié aux membres de l’Alliance de Détective. D’ailleurs, il semblerait que nous devions rejoindre nombre d’entre eux pour faire la vérité sur cette affaire. Le vieux détective nous invite à rejoindre au plus vite le manoir sans s’arrêter sur le complexe situé à mi-distance entre la plage sur laquelle notre héros a échoué et le manoir. Le choix s’impose d’ailleurs à nous à mi-chemin et il vous appartient de faire une halte ou d’obéir aux instructions.
Une fois arrivés au manoir, nous sommes agressés et nous finissons à nouveau dans les vapes à l’entrée du complexe. A notre réveil, quelques étranges individus discutent sur notre cas. Nous apprenons qu’ils sont membres de l’Alliance, chacun ayant son pseudo et ils nous en trouvent d’ailleurs un. Wato devient ainsi le Detective Incompétent, un pseudo lui collant bien à la peau vu son background comparé à ses collègues. Nous découvrons rapidement que le manoir est le théâtre d’un meurtre et nous trouvons dans une pièce cachée le corps démembré de l’Ancien Détective. C’est ainsi que nous démarrons l’enquête aux côtés de nos collègues Détectives pour faire la lumière sur cette première affaire dont le coupable se cache peut-être parmi nous.
Le Processus d’Élimination du jeu débute dès le lancement de celui-ci puisque comme 80% des jeux édité par NISA seuls les habitués à la langue anglaise seront habilités à mener l’enquête. Une mauvaise nouvelle pour un jeu de style Visual Novel qui nécessite une maîtrise de la langue pour progresser confortablement dans le jeu. Ceux qui décideront de poursuivre auront un mystère à résoudre sur 6 chapitres d’une longueur variable pour une conclusion arrivant sur une vingtaine d’heures de jeu environ dépendamment de l’implication de chacun. Certains trouveront ça court et cher surtout que le récit n’a qu’un embranchement donc pas de rejouabilité. Puis l’écriture et le développement sont parsemés de rebondissements potentiellement attendus pour les amateurs d’enquêtes.
Les personnages ont des personnalités inspirées des classiques japonais mais pas moins attachants et bien développés dans la trame globale. Du moins pour nombre d’entre eux, certains autres tombent dans leur propre parodie et on se demande même ce qu’ils font dans notre groupe. Une progression de l’histoire prenant au début beaucoup de longueur puis arrive la conclusion plutôt ouverte sur l’avenir. Process of Elimination propose un récit de bonne facture qui se perd parfois dans ce qu’il veut raconter impliquant quelques incohérences et une fausse impression de longueur inutile. Toutefois, le récit saura vous tenir en haleine pour peu que vous passiez au-delà de sa non traduction et que ces quelques défauts d’écriture ne vous sortent pas de son propos.
Une enquête à mener avec stratégie
L’autre élément qui peut vous sortir du jeu c’est son originalité de gameplay. La progression dans le jeu s’articule entre trois phases de jeu: la phase de lecture sur un format identique au Visual Novel suivie de la phase d’investigation sous forme de tactical puis arrive la résolution sous forme de questionnement. Le tout résulte sur une note finale d’investigation. Si la première phase consiste à faire passer du texte, à lire et à faire des choix, la troisième phase consiste à utiliser ce que nous savons pour répondre aux questions qui nous sont posées. La seconde partie implique intelligemment le joueur sur une vue de dessus rappelant des Tactical-RPG comme Disgaea puisque nous parlons justement d’un jeu du studio Nippon Ichi Software.
Nous l’avions mentionné au début mais l’originalité de Process of Elimination vient de cette volonté de mixer un récit d’aventure format VN à un jeu de stratégie. Soulignons bien le fait que nous parlons de jeu de stratégie puisque Process of Elimination n’est pas un RPG. Nos Détectives ont tous un pseudo en lien avec leur spécialité mais également des points de stats sur plusieurs critères : Déduction, Analyse, Inspection, Assistance et Mouvement. Chacun possédant ses propres spécialités, les points de stats diffèrent ainsi également d’un personnage à l’autre. Ainsi, le Détective Techie étant un spécialiste des technologies, ses points d’Analyse sont bien plus hauts que d’autres de ses collègues. Cela lui permet une plus grande capacité d’analyse de pièces à conviction que vous récoltez sur les scènes.
Parlons justement des scènes, une fois sur la seconde phase de gameplay nous évoluons sur les décors où se déroulent les différentes affaires du jeu en vue du dessus. Nous y voyons notre casting de détectives affairés à leurs occupations dans différents lieux de la carte et nous devons ainsi diriger l’enquête en donnant les actions de chacun à chaque tour. 1 Tour étant égal à 1 heure d’investigation. L’objectif étant souvent de rassembler les éléments qu’il vous faut pour résoudre les problématiques données sur un temps imparti. Ainsi, nous avons quelques bases d’un jeu de tactique adapté ici pour l’expérience proposé par ce VN d’enquête. Nous pouvons par exemple déplacer nos Détectives sur la carte quadrillée dépendamment de leur point de mouvement.
Il n’y a pas d’ennemi comme dans un Tactical-RPG, mais plusieurs éléments avec lesquels nous pouvons interagir avec une action en déplaçant son unité à côté de cet élément. L’inspection d’une zone précise peut se faire à distance dépendamment des points d’inspection de votre Détective. De plus, chaque élément possède ce qu’on pourrait assimiler à des points de vie et ces points diminuent à chaque bonne action que nous menons selon les stats de nos personnages. Mettons que nous souhaitons utiliser les capacités de déduction d’un de nos personnages pour faire la lumière sur un élément qui nécessite que nous utilisions la déduction. Cet élément possède 10 points et notre personnage a 8 points de stat de déduction, cela signifie qu’à chaque tour (donc chaque heure d’investigation), nous déduirons 8 points de cet élément. Il faudra donc 2 tours pour que notre déduction soit complète.
Toutefois, malgré leurs personnalités diverses, nous avons des Détectives censés être la crème de leur profession. Ils sont plutôt du genre à avoir une certaine fierté personnelle mais si nous parvenons à les faire travailler ensemble certains miracles peuvent se produire. Ainsi, pour économiser des tours, essayons d’utiliser un détective ayant plus de points qu’un autre pour mener des déductions, des inspections ou des analyses. Si ce n’est pas suffisant, pourquoi ne pas en amener un à côté de l’autre pour utiliser l’assistance et ainsi booster vos points sur une action précise temporairement? La clé peut également se situer sur cette entraide simple. Notons que certains personnages peuvent être de mauvaise humeur et ne plus vouloir agir à certains tours de l’enquête.
Chaque action que nous commandons peut être activée en préliminaire à la conclusion d’un tour. Les bases sont données, à vous d’explorer les possibilités offertes par ce gameplay original et unique dans le genre. L’expérience proposée par Process of Elimination évolue juste légèrement en avançant puis se conclut avant que celle-ci ne puisse nous sembler répétitive et tourner en rond. Un gameplay original mais qui peut encore certainement être approfondi, peut-être sur un autre opus un jour. Autre défaut de l’expérience, une espèce de sensation de rythme haché entre les trois phases de jeu qui ne fera potentiellement pas l’unanimité. Certains auraient préféré juste avoir à lire sans jouer à un hybride tactique tandis que d’autres ne trouveront que le questionnement de fin d’investigation très sommaire et inutile.
Terminons sur la partie sonore et artistique du jeu. Les illustrations des environnements et des personnages sont propres et dans un style manga/anime japonais reconnaissable sans forcément que nous ayons des traits ultra-génériques. Malgré ses traits reconnaissables, une bonne partie du chara design en est inspirée à quelques personnages près. Des personnages soit très perchés dans leur design soit totalement issus d’un stéréotype dont on se serait passé. Le tout s’affiche très bien sur sa TV comme sur l’écran de la console en portable. L’interface est globalement propre et lisible avec diverses fonctions propres au genre VN notamment lors des phases de VN.
La possibilité par exemple de faire une sauvegarde ou un chargement rapide d’une pression sur la gâchette. Pas de fonction tactile en portable ce qui aurait pu être agréable sans être handicapant. En ce qui concerne la bande sonore, les musiques sont de bonne facture et accompagnent bien les différentes situations du récit. Quelques thèmes marquants les moments clés et quelques thèmes anecdotiques mais un doublage japonais toujours de très bonne facture et dépeignant bien chacun des personnages du jeu accompagnent notre progression pour nous immerger d’autant plus dans l’œuvre et pour mener l’enquête avec les différents protagonistes.
Conclusion
Après avoir procédé par élimination puis déterminé que ce qu’il vous fallait pour ce printemps 2023 était un Visual Novel avec des affaires à résoudre et que l’anglais n’était pas un problème, alors Process of Elimination est potentiellement sorti du lot. Le dernier né de Nippon Ichi Software tente d’apporter sa petite originalité de gameplay pour se démarquer des autres productions dans le genre. Une expérience plutôt rafraîchissante qui peut être approfondie et assumer sa direction tactique. Le tout sert un récit au dénouement potentiellement convenu, peut être court et que l’on range une fois terminé. Enrobons ça avec un casting de détective efficace et attachant malgré quelques exceptions que nous préférons oublier. Puis nous obtenons une belle affaire à vivre pour peu que vous choisissiez de donner sa chance à Process of Elimination.
LES PLUS
- Illustrations et chara-design globalement bon
- Une bande sonore en accord avec les situations
- Quelques musiques qui sortent totalement du lot
- Un doublage japonais de très bonne facture
- Un gameplay tactique original pour un VN
- Une durée de vie en soit suffisante
- Un récit entraînant avec de nombreux rebondissements
LES MOINS
- Quelques designs perchés ou très stéréotypés
- Quelques musiques que l’on oublie
- Le rythme potentiellement haché des chapitres
- Une originalité qui peut être approfondie
- On peut trouver le jeu court et un peu cher
- Pas d’embranchements ou de fins multiples
- Des raisonnements et résolutions attendus
- Un récit qui s'emmêle et parfois incohérent
- Uniquement en anglais!