Jeune dans le vent, branché et hirsute, notre héros conduit sa moto sur l’autoroute du désenchantement, comme Kaneda autrefois. Il est dans une phase de rédemption métaphorique, ce qui se résume à devoir se fritter à 5 boss mécaniques cerclés de droïdes, et bourrés aux stéroïdes.
Pour l’aider dans sa quête motorisée, il est secondé par son doudou, souvenir d’une enfance révolue, répondant au doux nom de Cat-Kit, qui fait office de mécanicien et de sidekick comique. Ce félin en peluche est en effet capable de jouer les tutos quand il le faut (avec en bundle la bonne blague qui va bien) ou d’ajouter à votre deux roues la dernière amélioration en date, et ce, dans le garage de la pampa…
Cyber Gripper
Dès le début, le jeu conseille au joueur (de passage) de mettre le casque sur les oreilles et de monter le son (en même temps qu’il monte sur sa moto). C’est la condition sine qua non pour entrer dans l’univers syncopé de Gripper : de la synthwave technoïde pour surligner au fluo sonore l’ambiance cyberpunk du jeu et pour cadencer notre combat, en BPM, contre l’ennemi empli de circuits imprimés corrompus. C’est le meilleur atout du jeu, n’en doutons pas une seule seconde. C’est ce qui permet d’espérer (pas mal) au début sur la qualité du jeu. Concernant l’aspect graphique, ce n’est pas dégueu, ça peut flatter le regard avec des aplats de couleur néons et pastels et des traits anguleux, taillés à la serpe, même si nous ressentons fortement les influences (Akira, Fury, Tron…) qui irriguent cet art.
Une fois les bons points évoqués, il est temps pour nous de parler des choses qui fâchent, et dieu sait qu’il y en a, des choses qui fâchent, et pas juste un peu. Passons sur l’histoire, prétexte à des courses et à des duels en moto. C’est une histoire de famille et d’introspection, de rédemption donc, qui pourrait être intéressante si elle n’était pas juste là pour combler la check-list : « alors, l’histoire, c’est bon… Je m’attaque au jeu ».
La grippe aviaire
Côté jeu, c’est la famine. Avant d’affronter les boss, nous aurons pour chacun d’entre eux une phase de tunnel où notre moto devra éviter, façon Hugo Délire, des colonnes de lumière. Ces phases-là sont frustrantes dans le sens où il n’y a aucune réelle sensation de vitesse (c’est même sacrément mou du genou pour une moto du futur). Et tout est fait, malgré cette lenteur, pour qu’on s’en prenne plein la tronche ! Oubliez le skill et les réflexes, tout se fait à base de par cœur, stupide, bête et méchant, les obstacles apparaissant devant nous au tout dernier moment.
Le gameplay est d’un basique à pleurer. Oui, il y a bien une pincée de QTE pour faire croire que nous faisons autre chose que d’appuyer sur droit et sur gauche. Mais ce sera bien tout. C’est la tristitude infinie, manette en main, dès les cinq premières minutes de jeu.
En toute honnêteté, ces phases n’ont aucun intérêt et nous ramènent à des expériences passées, il y a quatre ou cinq décennies, nettement plus agréables. Elles ne sont là, à notre avis, que pour rajouter de la durée de vie à un boss rush… qui ne compte que 5 boss.
Agrippe-moi si tu peux !
Les phases de boss sont, elles, illisibles, confuses, limite injouables. Nous ne voyons pas grand-chose à l’action, et souvent nous ne savons pas ce qui nous touche. La vue est très éloignée et les explosions et les ennemis pullulent à l’écran. Les éléments du décor, destructibles, sont également susceptibles de nous faire des dégâts, comme les tonneaux explosifs. Avec notre grappin qui part dans tous les sens, c’est le bazar total.
Mais ce qui est agaçant, c’est que même en comprenant ce qu’on doit faire, il n’y a aucun plaisir à en retirer : c’est répétitif au possible, et ce, d’un boss à l’autre. Le jeu nous oblige à abuser de prudence ; or, fuir le combat en permanence (notre barre de vie se vidant à vitesse grand V), pour conserver un brin d’espoir, finit par ennuyer passablement. Nous avons émis un bâillement dès notre premier combat… Attendez-vous, même avec toutes les améliorations possibles, à un boss final furieusement interminable !!!
Et sinon, vous entendez le cyborg cyclope, perfecto jean et crête iroquoise vermillon, accoudé à une table d’un sordide bar (le RED VEGAS 2149). Il se racle la trachée, crachant au passage poumons, œsophage et câbles d’alimentation et râle sur sa chope d’huile de vidange : « ça grippe PUNAISE la gorge, cte bisque au mercure ! «
Conclusion
Gripper n'est pas juste un rétropédalage incontrôlé (à moto) ou un ratage industriel (à roulettes), mais la négation même du médium. Les musiques et la direction artistique sont travaillées avec un minimum de talent, mais ce qui est censé nous divertir n'existe pas ici : Gripper s'avère injouable (absolument) et totalement ennuyeux. Son ambition à réduire à peau de chagrin toute espèce de joie finit même par être déconcertante.
LES PLUS
- Des références artistiques, lorgnant du côté d'Akira et de Tron, intéressantes
- De la synthwave, pas désagréable à nos oreilles
LES MOINS
- Phases de tunnels, à base d'évitement, à mourir d'ennui
- Phases de boss -et c'est un boss rush- interminables et illisibles
- La difficulté, pour cacher la misère
- Une histoire sans grand intérêt
- Sur l'échelle du plaisir, le zéro absolu