La plupart du temps, lorsque l’on évoque Arte, on pense à la chaine culturelle avec des passages en allemand… Mais Arte est aussi la chaine à qui l’on doit des émissions comme TRAKS ou la découverte de série TV (souvent nordiques) qui n’ont rien à envier à leurs homologues sur les plateformes de VOD. Mais revenons aux jeux vidéo ! Après une adaptation (réussie) du Frankenstein de Mary Shelley, Arte nous propose de (re)découvrir un autre classique de Vernon Sullivan, un auteur que l’on connait aussi sous le nom de… Boris Vian… !
Et on tuera tous les affreux.
To Hell With The Ugly est la seconde réalisation du studio français « La Poule Noire » (on avait déjà parlé de leur précédent titre, Edgar Bokbok in Boulzac, juste là. À l’origine, cette adaptation du roman de Boris Vian (Et on tuera tous les affreux, en version française) a fait l’objet d’une campagne kickstarter lancée en 2020… Malheureusement, celle-ci n’a pas aboutie, mais le projet a tout de même séduit les Productions numérique Arte, qui s’est alors engagé en tant que coproducteur du jeu. Nous voilà donc, 3 ans plus tard, prêt à arpenter les rues du Los Angeles des années 1950, dans une ambiance jazzy aux couleurs orangées.
Le jeu nous place dans la peau de Rock Bailey, un beau gosse de dix-neuf ans et demi, vivant à Los Angeles. Pour une raison qui lui appartient, il s’est promis de ne pas perdre sa virginité avant ses 20 ans, n’hésitant pas à éconduire régulièrement les jolies demoiselles entièrement sous son charme et qui lui font régulièrement la cour. Mais un soir, alors qu’il se rend au Zooty Slammer avec ses amis, il est drogué par le biais d’une cigarette empoisonnée (ça ne s’invente pas !) puis est enlevé et enfermé nu dans une chambre avec une jeune femme également dans le plus simple appareil et visiblement déterminée à lui faire rompre sa promesse.
Mais on ne la fait pas à notre Rocky, qui une fois encore résiste à la tentation et se retrouve finalement assommé par une décharge électrique et se réveille dans un taxi… Celui-ci le ramène au club où étaient restés ses amis, juste à temps pour découvrir qu’un meurtre y a été commis et que son enlèvement pourrait être lié à ce crime… Ni une, ni deux et bien décidé à découvrir la vérité, Rock fait équipe avec son ami Gary, un journaliste, qui voit également là l’occasion d’écrire un bon article. Et c’est ainsi que démarre l’aventure rocambolesque de notre ami Rock Bailey !
Ça commence en douceur
To Hell With The Ugly est donc un jeu d’aventure du genre Point and Click (même si ici, il faut déplacer notre personnage dans les différents tableaux à l’aide du stick gauche pour interagir avec certains objets ou personnages qui affichent alors une action lorsque l’on passe à côté d’eux). Mais au-delà du simple Point & Click, le jeu propose une dimension de type Visual Novel, de par les nombreux dialogues que vous pourrez avoir avec certains PNJ et les possibilités de réponses en fonction des situations (même si dans l’absolu, nos différentes réponses n’ont pas donné l’impression d’influer sur le cours du jeu).
Mais ce n’est pas tout ! Il faudra également faire preuve d’observation dans certains tableaux (pour retrouver un porte-monnaie égaré par exemple, ou encore des photos bien cachées…). Des énigmes sont également de la partie, demandant de combiner certains objets pour arriver à obtenir l’objet qui vous permettra de progresser (mais de manière générale, ces phases sont relativement évidentes et il est facile de déduire quelles sont les combinaisons à faire pour obtenir l’effet escompté).
D’autres, par contre, demanderont de faire attention à ce que vous lirez ou entendez pour arriver à compléter certaines énigmes (dont on n’en dira pas plus ici). Au programme, il y a également quelques phases « d’infiltration », mais encore une fois, d’une facilité assez déconcertante. Il suffira de se cacher au bon moment pour éviter qu’un ennemi ne vous voit (et ils voient assez mal). De manière générale, le jeu n’est pas vraiment punitif et favorise la progression et la découverte de l’histoire, un peu comme un film interactif.
Ce côté un peu « simple » tranche avec les phases de combat au tour par tour (qui de prime abord semblaient plutôt sympathiques). En effet, comme dans un J-RPG classique, les personnages jouent chacun leur tour, on choisit un soin, ou l’utilisation d’un objet spécial (comme du poivre pour étourdir un ennemi) et ensuite, on attaque ! S’ajoute alors un petit côté interactif, car pour qu’une attaque fasse le plus de dégâts possibles, il faudra presser au bon moment sur le bouton A. Il en est de même pour les soins. Pour ce faire, un cercle apparait à l’écran et un second se réduit autour de lui pour atteindre le bouton A qui clignote en son centre, il faut donc presser au bon moment (quand le cercle qui se réduit est au plus proche du A) pour réussir à coller le maximum de points de dégâts.
Il en est de même pour les contres, lorsque les adversaires vous attaquent, le système du cercle est à nouveau utilisé, sauf que vous devez presser au bon moment pour éviter de vous faire toucher. Dans les faits, cela semble plutôt simple une fois que l’on a trouvé le bon tempo, néanmoins nous avons ressenti par moment que la pression sur le bouton n’avait pas été prise en compte. Certains ennemis nous paraissaient aussi « trop en veine », lorsqu’il s’agissait de parer nos coups, générant de fait une certaine frustration.
Mais il est vrai que l’idée est franchement originale et dénote un peu avec le reste de l’aventure, en apportant une certaine diversité dans le gameplay. Au fil de l’aventure, certains personnages viendront même rejoindre, temporairement, votre équipe avec leurs capacités spéciales… Cependant, on réalise assez vite que cette histoire de combat au tour par tour est assez secondaire… Notre/nos personnages ne gagnent pas d’expérience au fil des combats, l’équipe est régulièrement différente et au final, une petite note nous informe que si on le souhaite, on peut zapper ces bagarres sans que cela n’influe sur l’histoire… Dommage, car l’idée était intéressante et le fait de devoir presser sur le bouton au bon moment donnait un côté un peu plus interactif aux affrontements… Mais encore une fois, on ressent bien là l’idée de nous faire profiter en premier lieu de l’histoire et de ses twists (parfois assez fous).
Vos cheveux blonds… votre peau orange… mmm… on en mangerait.
Parce que oui, l’histoire tient une place importante dans le jeu (normal pour l’adaptation d’un roman, nous direz-vous !), mais il est vrai que l’ensemble est joliment illustré pour nous en faire profiter avec une certaine délicatesse dans l’aspect graphique (tout dans des couleurs orangées, mais qui colle encore une fois parfaitement avec l’œuvre originale, cf : le titre de ce paragraphe tiré des premières pages du livre).
Il y a un joli travail sur le plan graphique et sur l’univers du jeu en général, les différents personnages ont une dégaine et une animation proche d’un dessin animé (pour adultes quand même).
Les différents tableaux que vous traverserez (même si certains ne sont pas immenses), baignent dans cette ambiance, qui de par ces couleurs tirant vers l’orange, lorgne entre l’aube et le coucher du soleil. S’ajoute à cela une bande son jazzy parfaitement dans le ton de l’histoire, qui sera d’autant plus plaisante à écouter avec un casque sur les oreilles. Les développeurs de La Poule Noire ont vraiment fait du chouette boulot pour imprégner le joueur de cette ambiance « Amérique des fifties ».
On regrettera néanmoins quelques petits bugs, comme certains boutons « suivant » qui ne s’affichent pas et nécessitant de mettre le jeu en pause pour le débloquer… Ou celui un peu plus gênant, qui nuisait à l’affichage lors des combats (les bandes noires du haut et du bas qui marquent la fin d’un combat lors d’un échec ne disparaissaient pas) qui nous ont obligé à quitter la partie et à reprendre notre sauvegarde en espérant ne pas avoir à souffrir du même problème (ouf, ce ne fut pas le cas). Autre petit bémol, l’écran tactile de la Nintendo Switch n’est pas utilisé…
Bref, on chipote un peu, mais il était important de souligner ces différents points. Il en va de même pour la durée de vie du titre (un peu plus de 4 h pour en voir le bout) et qui ne présente pas un réel potentiel de rejouabilité et donne l’impression que la fin arrive un peu trop vite…
Cela dit, c’est aussi un gage de qualité, car nous n’avons pas vu le temps passer. Gardons également à l’esprit que les développeurs nous proposent une aventure narrative interactive et que le tarif proposé (un peu moins de 20 euros) est celui que l’on retrouve pour un film en Blu-Ray… Au final, ça peut sembler cher, mais pas tant que ça, comparé à certains films moins intéressants et vendus au même prix…
Conclusion
En adaptant l’œuvre de Vernon Sullivan (Boris Vian), les développeurs de La Poule Noire étaient assurés de proposer une histoire pleine de rebondissements et il faut bien admettre que de ce point de vue-là, le pari est gagné ! L’histoire ne manquera pas de vous tenir en haleine durant les 4 petites heures qu’il vous faudra pour venir à bout du jeu… On regrette un peu les quelques bugs et les soucis de maniabilité (qui peuvent être corrigés) ainsi que la dimension combat au tour par tour qui aurait méritée d’être un peu plus creusée et s’avère au final dispensable. Toutefois, ce nouveau titre a toute sa place dans la logithèque des jeux Arte, que l’on pourrait comparer à des romans graphiques interactifs ! (Attention quand même, car celui-ci n’est clairement pas destiné aux plus jeunes, certains dialogues sont assez crus et certaines scènes sont parsemées d’un léger soupçon d’érotisme). On espère que le prochain titre sera du même acabit d’un point de vue histoire et environnement graphique et sonore, tout en allant plus loin dans les mécaniques des combats au tour par tour ! Dans son ensemble, cette adaptation bien que perfectible sur certains points, s’avère respectueuse de l’œuvre dont elle est inspirée tout en apportant sa propre « patte » (de poule), que nous avons apprécié !
LES PLUS
- L’histoire pleine de rebondissements.
- L’univers graphique et sonore du jeu.
- Les différents types d’énigmes.
- L’idée des phases de combat en tour par tour.
- La bande-son jazzy !
- Une façon ludique de (re)découvrir une œuvre littéraire.
LES MOINS
- Les phases de combat au tour par tour finalement secondaires.
- La durée de vie.
- Un Visual Novel très linéaire.
- Les quelques bugs (affichage, bouton suivant…)
- L’impression que les boutons ne répondent pas bien lors des phases de combat.