Les plus chanceux d’entre nous se souviennent, ou profitent encore, des heures passées sous une tente dans un camping perdu au fin fond de départements exotiques tels l’Ardèche ou la Dordogne. Des départements laissant passer, au sein de leurs paysages sauvages et magnifiques, les méandres d’une rivière accueillant des milliers de touristes l’été tout en réservant à ses connaisseurs de petits coins de paradis secrets qui nous laissent alors dans un état de paix absolu pour les quelques heures que nous passons en ces lieux. Est-ce dans le but de nous replonger dans ces souvenirs que les développeurs des studios Bordelais Umanimation et UnJeNeSaisQuoi nous proposent de découvrir leur dernier titre simplement nommé Dordogne ? C’est ce que nous allons voir dans les lignes qui suivent…
Les souvenirs vagabonds
Notre aventure commence en compagnie de Mimi, une trentenaire qui dans la même semaine vient de perdre son travail et sa grand-mère dont elle n’a quasiment aucun souvenir. Quelques jours après, elle reçoit un courrier de celle-ci lui demandant de passer outre les ordres de son père et de venir récupérer une mystérieuse boîte. Elle décide alors de se rendre sur la propriété de son aïeule pour retrouver la mémoire et comprendre pourquoi son père a coupé les ponts avec sa famille. Commence alors une aventure qui nous fera quitter la pluie, les bouchons et les couleurs ternes d’une grande ville, pour la lumière et la paix d’une maison perchée sur une colline en plein milieu de la Dordogne.
Notre histoire alternera entre passé et présent. Nous suivrons Mimi redécouvrant les lieux qui l’ont vue grandir tout en la suivant dans ses souvenirs d’enfance durant des phases de flash-back représentant la majeure partie de la narration. Ces moments passés en compagnie de la petite Mimi passant ses vacances chez sa mamie, découvrant les joies de la nature sauvage et des amis de vacances, sont un plaisir fait de nostalgie et de bonne humeur constamment renouvelé. Le récit est alors mené avec brio. La gloire de mon père n’est jamais loin et ce mélange fait de candeur et nostalgie est parfaitement maîtrisé.
Arrivé à la fin de Dordogne, il ne reste que peu de points d’ombre sur les événements qui ont amené la petite Mimi à être séparée de sa grand-mère. Les moments passés en sa compagnie ont été un véritable plaisir et notre seul regret concerne la différence de traitement à laquelle a eu droit Mimi désormais adulte. En effet pour celle-ci beaucoup de points restent complètement négligés. Les seuls contacts avec le monde extérieur pour notre héroïne se font via les messages de son téléphone portable. Nous pouvons alors choisir la réponse que donnera Mimi. Mais pourquoi mettre en place une telle mécanique si, une fois la fin du jeu atteinte, ces choix ne semblent avoir aucune importance, et pire, si nous n’avons aucune information sur ces personnages qui prennent le temps de nous écrire ?
Le traitement narratif fait sur la Mimi et sur les éléments présents de la vie est nettement moins poussé et même dans cette ligne temporelle, nous n’allons découvrir que des éléments du passé qui ont amené sa famille à se déchirer. Nous en sortons avec l’impression que la vie de Mimi n’a d’importance que via le prisme de son passé et aucune indication n’est donnée sur son avenir, nous laissant sur notre faim.
Trop simple pour divertir ?
Durant les deux/trois heures passées en sa compagnie, Dordogne nous a offert un gameplay simple fait de déplacements dans un environnement en 2,5 D dans lequel nous allons pouvoir, si nous le souhaitons, découvrir de petits objets cachés, prendre des photos ou enregistrer des effets sonores. Chaque partie de ce gameplay est très balisée et nous ne pouvons faire ces activités que dans des lieux bien définis, ce qui entraîne régulièrement un oubli complet de notre part, concentrés que nous sommes sur la narration. Il s’ensuit un gameplay qui consiste à diriger Mimi vers le prochain point d’intérêt et c’est tout.
À chaque fin de chapitre, nous pouvons utiliser l’ensemble de ce que nous avons récupéré pour réaliser une page de notre journal de vacances. Nous pouvons alors, sous la forme d’un pêle-mêle, écrire un poème grâce aux mots découverts durant nos déambulations tout en y ajoutant de la couleur avec des stickers et une photo, et peaufiner le tout grâce à un extrait sonore. Une page spéciale de notre cahier nous précise le nombre total d’objets ou extraits que nous avons loupés, de quoi satisfaire les complétionnistes.
De toutes petites phases viennent agrémenter ce gameplay trop sage. Nous allons pouvoir ainsi prendre en main un canoë sur les eaux de la Dordogne ou faire une plongée dans celles-ci pour récupérer des objets éparpillés par le vent. Ces moments apportent un peu de diversité bienvenue et nous transportent un peu plus dans le monde de Mimi sans être pénibles. Nous remarquons toutefois qu’au fur et à mesure que notre aventure avance, le nombre de ces moments diminue et nous sommes de moins en moins sollicités et nous suivons de plus en plus l’histoire sans avoir à vraiment intervenir dans celle-ci.
L’immersion par la beauté
Ce manque de profondeur dans le gameplay est contrebalancé par un aspect graphique incroyablement travaillé. Nous nous déplaçons dans des décors faits de multiples plans dessinés à la main, animés et superposés. L’impression de nous déplacer au sein d’une aquarelle représentant une nature vivante et sauvage est vite omniprésente. Mais encore une fois, si nos débuts sont éblouissants, nous déambulons rapidement dans les mêmes lieux déjà vus et revus et les huit chapitres ne concernent finalement que quatre lieux vraiment distincts.
La bande-son qui nous accompagne fait la part belle aux titres mélancoliques, mais elle sait aussi se montrer bien plus rythmée et angoissante dans les moments de tension. Tout comme pour la direction artistique, les petits effets supplémentaires viennent mettre en exergue certains aspects voulus par les développeurs. La superposition de ces sons, de la musique et des graphismes forment un tout cohérent très agréable à parcourir et qui ne lasse jamais. De plus le doublage en français est de qualité et les monologues de Mimi sont toujours inspirés.
Terminons avec la prise en main. Si celle-ci ne demande rien de particulier puisqu’elle consiste la plupart du temps à déplacer notre avatar pour appuyer ensuite sur le bouton A, certains passages nous ont toutefois semblé moins maîtrisé avec une Mimi qui a tendance à être bloquée par des murs invisibles ou des mini jeux aux contrôles plus glissants. Rien de bien méchant, mais ces petits défauts nous font sortir de l’expérience narrative mise en place.
Conclusion
Dordogne, des Bordelais de Umanimation, est une expérience narrative de qualité aux graphismes dessinés à la main d’une beauté indéniable. Malheureusement, sa durée de vie est très courte et son manque d’inventivité dans son gameplay nous fait vite tourner en rond. Enfin, le manque de renouvellement de ses graphismes et la différence de traitement entre la Mimi du passé et celle du présent rendent le tout frustrant. Un titre sur lequel nous aurions aimé passer beaucoup plus de temps tant il peut se montrer accrocheur, mais qui montre trop rapidement ses limites.
LES PLUS
- Les graphismes donnent l’impression de se déplacer dans une aquarelle
- La narration est maîtrisée et dévoile peu à peu l’histoire passée de Mimi et sa famille
- La bande-son s’adapte toujours parfaitement à la narration
- Les effets sonores sont variés et toujours opportuns
- Les variations de couleurs soulignent toujours la narration
- Le doublage en français est de qualité
LES MOINS
- Le gameplay est quasi inexistant
- L’histoire de la Mimi du présent est sous-exploitée
- La prise en main est parfois plus délicate
- Le nombre de lieux différents est assez restreint
- La durée de vie, un peu plus de deux heures, est assez courte
- La rejouabilité est faible