Un succès critique est-il toujours lié à un succès commercial ? Vous avez quatre heures ! Votre argumentation sera décomposée en trois parties, toutes étayées par des exemples pertinents. Pour commencer un tel devoir, une thèse prenant pour exemple les deux derniers Zelda serait bien évidemment la bienvenue et pour développer notre seconde partie, l’antithèse, il nous faudrait plancher sur des titres ayant connu les faveurs de la presse vidéoludique sans pour autant réussir à se vendre. Et pour illustrer notre propos, quoi de mieux que de parler de Ghost Trick : Détective Fantôme. Mais la Nintendo Switch étant cette machine à hits, il est temps de donner au titre de Shu Takumi une seconde chance et voici pourquoi.
Salut, les filles, comment ça se goupille ?
Initialement sorti en 2010 sur le territoire japonais puis en 2011 en Europe sur une Nintendo DS en fin de vie, Ghost Trick n’avait pas su s’attirer les faveurs du public malgré une note de Metacritic assez élogieuse de 83/100. Pourtant développé par Shu Takumi, déjà aux manettes sur la série des Ace Attorney, le jeu partait avec un capital sympathie énorme. L’arrivée de son remaster n’a donc rien d’anodine et c’est avec plaisir que nous avons pu découvrir les aventures rocambolesques de ce détective fantôme qui n’ont rien à envier à celles de la série des Ace et qui en plus renouvellent agréablement son gameplay.
Tout commence pour nous par une sombre nuit propice aux meurtres. Pour bien poser le décor, celui-ci se déroule dans une décharge et nous en sommes les témoins. Mais des témoins un peu particuliers puisque nous sommes déjà morts. Sous la forme d’un esprit, nous voyons se dérouler l’exécution d’une jeune fille par un tueur à gages engagé pour cela. Notre sang de gentleman ne fait pas un tour, puisque nous sommes à l’état de cadavre, mais ce n’est pas une raison pour ne pas chercher à modifier le destin de la demoiselle.
Et ça tombe bien, car nous nous découvrons alors des talents d’esprit frappeur. Chaque objet de cette décharge devient pour nous hôte dont nous pouvons prendre possession pour ensuite l’utiliser à bon escient et ainsi tenter de sauver la dame. Mais même la plus grande des volontés ne peut rien contre un destin qui semble s’acharner à vouloir la mort d’une jeune fille et celle-ci finit par être exécutée. C’est à ce moment précis qu’un nouveau pouvoir s’éveille en nous, celui de pouvoir revenir dans le passé d’un défunt pour ainsi avoir une chance de modifier son avenir.
C’est à partir de ce sauvetage rondement mené que débute alors une double quête. Beaucoup de questions se posent à nous. D’où nous viennent nos pouvoirs, pourquoi des tueurs en veulent à notre nouvelle amie et surtout, qui sommes-nous ? C’est avec beaucoup d’humour que nous avançons alors dans une narration qui enchaîne les révélations et qui ne se laisse jamais deviner à l’avance. Chaque personnage rencontré à sa propre histoire et sa propre place dans cette histoire mêlant les codes du film noir à des situations potaches qui réussissent, sans nous sortir de l’intrigue, à nous tirer un grand sourire.
La mort vous va si bien
Pour étayer ce scénario parfaitement maitrisé dont tous les éléments prennent petit à petit leur place, il fallait un gameplay à la hauteur pour nous maintenir sous tension durant la quinzaine d’heures nécessaire pour observer la conclusion. Et autant dire que nous ne sommes pas déçus. Tout en empruntant aux codes du point n’ click et de la série des Ace Attorney, ce Ghost Trick : Détective Fantôme réussi à renouveler agréablement le genre en nous offrant des phases de dialogues alternant avec des phases de puzzles toujours plus intelligemment pensées.
Dans un premier temps, notre esprit devra trouver le moyen de se déplacer en voltigeant d’un objet à l’autre. Pour cela, il faudra actionner les bons objets aux bons moments et ainsi réussir à entendre les conversations à même de nous faire progresser dans l’aventure. Mais il nous faudra aussi altérer le destin dans le passé des victimes. Nous observons alors les événements avant de chercher à en modifier un ou plusieurs éléments, grâce à nos pouvoirs, pour ainsi sauver nos alliés.
Tout au long des dix-huit chapitres qui composent notre histoire, nous allons apprendre de nouveaux trucs, qui nous permettront d’aller toujours plus avant tout en renouvelant agréablement les situations rencontrées. La difficulté va ainsi crescendo et il nous faut de plus en plus tenir compte des différents pouvoirs et éléments à notre disposition pour réussir à tout mettre en ordre et réaliser ces modifications de destin jusqu’à la conclusion finale.
La gestion du temps est elle aussi prépondérante. De nombreuses actions sont à réaliser dans un timing bien précis. Loin d’être tranquillement installés devant notre écran, nous sommes régulièrement sous pression pour comprendre les enchaînements que nous mettons en place et réussir à les poursuivre jusqu’à leur terme. Il nous faut sans cesse voir ce qui passe à l’écran pour ensuite passer dans le monde fantôme au bon moment et ainsi enclencher la pause tactique à bon escient. Il en résulte un gameplay très simple à prendre en main et dopé par l’intelligence de ses puzzles.
Le Switch de la Déesse
Une narration qui nous agrippe et un gameplay addictif, il ne reste à Capcom qu’à nous offrir un portage digne de ce nom pour être comblé. Et la vue du logo RE Engine au lancement du titre est à la fois étonnant tout en se montrant rassurant. Le même moteur faisant tourner le dernier Monster Hunter, aucun doute n’est permis sur la maîtrise de Capcom à nous offrir sa quintessence sur nos Switch. Mais un RE Engine pour un jeu proche d’un point n’ click, voilà de quoi surprendre.
Et là encore, après la claque Monster Hunter Rise, le RE Engine nous montre à quel point il semble à l’aise, peu importe le type de production. Nous avons le droit ici à des décors en deux dimensions, bourrés de détails, sur lesquels s’ajoutent des objets, modélisés en trois dimensions, que nous pouvons alors actionner. Le résultat est très propre et l’animation du tout ne pose absolument aucun souci à nos Switch. Les personnages, eux aussi en trois dimensions, sont parfaitement animés, avec une mention spéciale pour l’inspecteur Cabanela.
La bande-son a, elle aussi, été retravaillée, pour nous offrir des versions remix de chacune des pistes originales. Notons que nous pouvons passer d’une version à une autre très facilement en passant par le menu du jeu. Dans ce cas, sans aucun temps de chargement ni aucune reprise depuis du morceau, nous passons d’une version à une autre. Si les réorchestrations sont loin d’être énormes, les petites modifications de ces thèmes sont agréables à découvrir et n’enlèvent rien au charme de celles d’origine.
Du point de vue de la prise en main, le passage des deux écrans de la DS à un unique écran sur nos Switch s’effectue sans aucune difficulté. Terminé le stylet qui nous permettait de naviguer via l’écran tactile d’un objet à l’autre, nous pouvons soit utiliser nos doigts musclés soit les sticks de nos Joy-Con. Dans les deux cas, la navigation est optimale et la précision est toujours largement suffisante pour nous permettre de résoudre le plus efficacement les puzzles auxquels nous devons nous confronter.
Terminons avec le système de sauvegarde. Les sauvegardes automatiques nous renvoient toujours au dernier point de passage. Ceux-ci sont nombreux et il est rare d’avoir à recommencer une section de plus d’une minute. La sauvegarde manuelle fonctionne de la même façon, mais elle ne peut être remplacée que par nous-même, ce qui nous permet de revenir en arrière pour compléter les quelques succès sans que le jeu ne considère que nous sommes morts, un peu de la triche quoi…
Conclusion
Digne comparse des Ace Attorney, l’arrivée de Ghost Trick : Détective Fantôme sur nos Nintendo Switch est une formidable occasion pour le grand public de découvrir un titre toujours aussi plaisant. Si les ajouts de cette version se cantonnent à des pistes remixées et à une remise à plat du moteur graphique, force est de constater que le travail est sérieux et qu’il met parfaitement en valeur une narration prenante de bout en bout et des mécaniques de jeu parfaitement calibrées. Il faut espérer que le titre de Shu Takumi aura enfin le succès qu’il mérite pour qu’ainsi nous puissions bénéficier d’une suite.
LES PLUS
- Le travail de mise à jour sur les graphismes est très sérieux
- Les versions Remix des titres originaux ravivent les pistes originales sans les dénaturer
- Le changement de mode musical se fait à la volée sans aucune latence
- La narration est prenante de bout en bout
- La prise en main aux Joy-Con est optimale
- La durée de vie de 10-15h est correcte
- Le gameplay joue autant avec notre intelligence que nos réflexes
- L’humour des dialogues et des situations fait mouche
- La progression des énigmes est parfaitement calibrée
- Les petites aides s’intègrent parfaitement dans les dialogues
- Les sauvegardes automatiques sont nombreuses
- Les succès sont un petit plus agréable
- Tout en français
LES MOINS
- La sauvegarde manuelle nous renvoie toujours au dernier point de passage
- Maintenant nous attendons une suite…
- Les casse-têtes bonus sont inutiles