Les rouages du temps ont toujours fasciné l’humanité. Quoi de plus magique que de pouvoir entremêler les époques, les âges et les ères, afin de mieux comprendre le présent, afin de parfaitement appréhender l’avenir et toujours mieux assimiler le passé ? Avec une telle capacité d’analyse, de nombreux domaines seraient bouleversés… à commencer par le loto… euh non ! À commencer par le monde de la justice où la manipulation du temps serait à l’origine d’une collecte de preuves et d’indices à foison, jusqu’à envisager des arrestations en amont des crimes. Une recette particulièrement aguicheuse pour tous les détectives amoureux des nouvelles technologies…
Développé par Bad Seed, et édité par Just for Games et Merge Games, la simple présentation de l’univers de Crime O’Clock suscite curiosité et questionnements. Quiconque prend alors le temps de s’intéresser à son univers graphique particulièrement singulier ne peut que renforcer son intérêt pour un titre unique qui ose sortir des sentiers battus pour nous offrir une expérience singulière… et tellement réussie !
À la découverte des rouages du temps
La partie s’ouvre dans une atmosphère très originale, plaçant le joueur au cœur d’un logiciel d’enquête, chapeauté par une intelligence artificielle (IA) prénommée Eve. Celle-ci est dotée d’un nombre impressionnant de capacités, toutes reliées à une aptitude plus atypique encore : accéder aux flux temporels afin de pouvoir visualiser le passé et le futur, en sus des événements présents. Notre tâche auprès de cette nouvelle acolyte précieuse est à la fois d’une grande simplicité, mais aussi d’une complexité inégalable : détecter les anomalies au cours des époques et des âges afin de rétablir le cours naturel de l’histoire. Mais attention : il ne s’agit aucunement de se contenter de punir les criminels en amont des préjudices qu’ils s’apprêtent à commettre, les conséquences sur le présent et le futur seraient alors bien trop bouleversantes. Interférer outrageusement dans le passé provoquerait de nouveaux paradoxes et perturberait l’intégrité du flux temporel. Il est nécessaire d’être beaucoup plus subtil que d’arriver avec ses gros sabots de justicier afin d’incarcérer les voleurs, criminels, terroristes, avant la moindre attaque. N’ayez crainte, vous ne serez pas seuls pour prendre les bonnes décisions, Eve ne sera jamais bien loin et se révélera être pleine d’audace au fil des heures passées en sa compagnie.
« Où est Charlie ? » pour les détectives 2.0
Chacune des enquêtes s’ouvre sur un grand dessin richement détaillé, en noir et blanc (sommes-nous les seuls à avoir la fulgurante envie de passer en mode coloriage pour nous détendre ?). Cinq âges sont ainsi disponibles, et tous sont à l’origine de plusieurs énigmes à résoudre. Votre travail vous amènera en effet à repasser plusieurs fois sur les mêmes dessins, mais la grandeur de ces derniers permet de ne pas se lasser des quelques environnements disponibles. Aussi, ces différents allers-retours sur un minimum de cartes permettent de souligner davantage le fil rouge de l’histoire. En effet, un grand nombre d’enquêtes vous attend, mais la connexion entre ces dernières n’est pas des moindres…
Les prémices d’une enquête demandent dans un premier temps de découvrir la scène de crime. Par la suite, il convient le plus souvent de trouver l’arme avant de comprendre tout le cheminement qui a conduit au drame. Le joueur doit dès lors scruter avec grande minutie le vaste dessin qui se présente à lui afin de trouver chacun des détails et des indices nécessaires à la bonne compréhension de l’affaire. Tel un « Où est Charlie ? » immense, les recherches sont multiples et variées, avec tantôt des personnages à suivre, des objets à retrouver et bien d’autres énigmes à élucider. Le jeu ne se contente pas de vous proposer un simple dessin à retrouver dans la masse, mais véritablement de réfléchir à l’action qui vient de se dérouler sur les lieux. Ainsi, un voleur peut dès lors changer de tenue pour éviter d’être repéré, certains préfèrent utiliser les toits pour prendre la fuite tandis que d’autres sont plus discrets jusqu’à se masquer par quelques artifices. Les recherches se doivent dès lors d’être minutieuses : l’usage du zoom (via ZL et ZR) est particulièrement sollicité. Le mode tactile est aussi disponible et permet un focus plus sensible encore, comme vous en avez l’habitude sur téléphone ou tablette.
La partie ne serait pas bien rigolote sans quelques aides de notre adorable Eve. Ainsi, de nombreuses petites astuces peuvent être mises en place pour vous épauler dans vos recherches. De traditionnels indices, mais aussi un pseudo-jeu de « Chaud ou Froid » (Froid, l’indice n’est pas ici. Chaud, l’indice est à proximité !), ou encore quelques fouilles pas bien catholiques dans les caisses et bidons, mais aussi dans les sacs des personnages suspects. Le joueur n’est donc jamais laissé à l’abandon (mis à part quelques rares moments d’enquêtes où Eve s’avère incapable de vous aider), et les intrigues s’enchaînent avec bonheur et plaisir.
Afin de résoudre une affaire, de nombreux outils technologiques sont proposés par Eve à la moindre occasion : un logiciel pour déceler les composants d’un liquide pour s’assurer qu’il ne contient pas de poison, un logiciel de correspondance des données afin de connaître l’identité d’un protagoniste, un autre afin de tracer tel ou tel réseau notamment celui d’un téléphone, mais aussi de multiples outils d’analyses en tous genres. Vous aurez même quelques notes de musiques à reproduire pour manipuler avec aisance les mécaniques du temps. Tous ces programmes se résument à des mini-jeux reposant majoritairement sur une correspondance des images. Très faciles, la jouabilité de certains de ces petits jeux est assez rigide, nous obligeant parfois à faire preuve d’un peu de patience pour faire comprendre au logiciel ce que nous attendons de lui.
Lorsqu’une enquête est résolue, une vignette s’affiche à l’écran avec le temps qu’il a été nécessaire au joueur pour trouver la solution. Un petit retour sur l’écran principal s’effectue alors, tandis que Eve fait de son mieux pour faire progresser les données relatives à l’ensemble des enquêtes et ainsi comprendre le fil conducteur de toutes ces affaires… Grâce à vos yeux de détective de plus en plus expérimentés, mais aussi aux nombreux logiciels de votre IA fidèle et dévouée, vous avancerez de plus en plus vers la résolution de l’intrigue principale du jeu, permettant de comprendre le pourquoi du comment de tels chamboulements dans le flux temporel. Quelques confrontations avec les entités les plus puissantes du titre sont à prévoir… !
« Quand je dirai ça à ma femme… ! » Columbo
Crime O’Clock dispose d’une véritable identité, à la fois graphique et musicale. Le titre avance bien loin de ces compatriotes des jeux de détectives. Son approche en lien direct avec Eve s’avère particulièrement réussie, avec un squelette général sobre mais très efficace. Le joueur semble véritablement au cœur d’une enquête de grande ampleur, avec des post-its éparpillés un peu partout, des annotations, des symboles et des marques de couleurs qui rappellent sans mal quelques polars célèbres et classiques. Nous avions presque envie de prendre à notre tour un gros marqueur afin de souligner certains détails importants auprès de Eve !
La singularité du titre se développe avec sa manipulation permanente du temps. Le titre offre des voyages fréquents dans le passé, proche ou plus lointain, et des escapades dans le futur, où il est plaisant de s’interroger sur le devenir de notre criminel. Les détails sont tels qu’il convient d’être vigilant sur de nombreux aspects : la coupe de cheveux, la tenue, la démarche même de nos suspects afin d’en déduire où ils se dirigent ou simplement les intentions qui les animent. Ces voyages dans le temps sont rapides, les bouleversements sur la grande carte dessinée sont alors aussitôt visibles, avec des personnages et des objets qui disparaissent une seconde fois avant de reprendre leur place au moment étudié. Tout cela se réalise avec fluidité, et nous semble même cohérent malgré l’aspect incroyable de cette capacité à jouer avec le temps. Les développeurs ont eu l’excellente idée de laisser à disposition du joueur de nombreux indices afin de lui rappeler à quel moment de l’enquête il travaille : une ligne récapitulative du temps est visible au sommet de l’écran, et les différentes notes sont complétées d’un numéro en lien avec le moment exact où elles ont été repérées. Ainsi, la simple observation de la carte permet de rappeler les événements écoulés, et cela, quel que soit le moment de l’enquête. Un journal de bord est aussi disponible, appuyant toujours plus sur la parfaite compréhension de l’histoire.
Chacune des enquêtes s’avère plutôt accessible, avec toujours des surprises à découvrir, quelques nouvelles stratégies pour découvrir toutes les facettes de l’énigme. En revanche, quelques aspects nous ont semblés un peu lourds, notamment dans le sens même des histoires, avec des précisions parfois assez rébarbatives dont il était parfaitement possible de se passer. Nous avons apprécié déambuler au gré des époques, entre l’humide Atlantide et son ère dédiée, l’Âge de la Vapeur ou encore l’Âge Perdu, mais sans doute n’était-il pas nécessaire de noyer le joueur dans certains détails qu’il risque d’oublier aussi rapidement qu’il les découvre. Aucune importance véritable sur le déploiement du jeu, mais nous devons admettre avoir parfois zappé quelques anecdotes de Eve pour nous concentrer véritablement sur les actions à mener.
Comptez en moyenne entre 20 et 40 minutes pour chacune des enquêtes. Néanmoins, ce temps peut être particulièrement variable en fonction des aides sollicitées par le joueur mais aussi selon son sens de l’observation. Par ailleurs, la partie peut parfaitement faire l’objet d’une soirée en famille où chacun tente de déceler les moindres détails d’une enquête. Nous avons été agréablement surpris par le nombre conséquent d’affaires à résoudre : tandis que le titre est proposé pour moins de 20 euros sur l’eShop de la Nintendo Switch, le contenu s’avère très correct et devrait occuper les petits et grands détectives pendant plusieurs heures.
Le saviez-vous ?
Né en 1987, le célèbre personnage aux rayures blanches et rouges est ô combien reconnaissable avec une telle tenue. Surnommé différemment selon les contrées (Charlie chez nous !), sa popularité n’en demeure pas moins importante, jusqu’à la mise en place d’un festival dédié : en 2011, à Dublin, 3657 personnes se sont déguisées à l’occasion du « Where is Wally ? » et ont dès lors déambulé dans les rues de la ville. Un record à battre… et de belles photos d’événement à (re)découvrir sur la toile !
Conclusion
Crime O'Clock est un titre original, à mi-chemin entre la détection de nombreux objets cachés et autres personnages atypiques, et le titre de détective avec l'incorporation de quelques mini-jeux simples. Doté d'une démarche attractive sur la manipulation du temps, avec des allers et retours fréquents pour parfaitement comprendre le moindre cheminement d'une affaire, le moindre détail est passé au crible, et cela, sans jamais laisser le joueur esseulé dans une carte fourmillant de détails joliment dessinés. Accessible, malin, parfaitement bien réalisé avec notamment une belle identité graphique, de nombreuses enquêtes attendent le joueur. Des enquêtes qui viennent peu à peu s'imbriquer dans un fil rouge qui se dénoue progressivement au fil des heures passées sur le titre. Sans véritable fausse note si ce n'est des mini-jeux un peu trop faciles et pour certains une jouabilité discutable, nous avons pris grand plaisir à venir en aide à Eve pour l'aider à garder le parfait équilibre dans le flux temporel.
LES PLUS
- Véritable « Où est Charlie ? » astucieux et original.
- Une réalisation particulièrement propre et agréable.
- Accessible, avec de nombreuses astuces pour ne jamais perdre le joueur.
- Des nombreuses enquêtes à résoudre.
- Des mini-jeux pour varier les actions à mener par le joueur...
LES MOINS
- ... mais des mini-jeux trop faciles avec quelques-uns dotés d'une jouabilité discutable.
- Quelques détails un peu trop complexes dans les histoires.
Quelques points noirs : des musiques répétitives, des erreurs de traduction (un « mph » (soupir) traduit par « km/h » par exemple…), une maniabilité sur certains mini jeux déplorable (a la manette en tous cas), et aucune liberté sur les actions (si vous trouvez des éléments étranges, vous ne pouvez pas les suivre tant que le scénario ne vous l’a pas spécifiquement indiqué, tant pis si ces éléments interviennent dans 6 chapitres)