Un peu plus de deux ans après la sortie d’Anodyne 2 sur Switch, la nouvelle aventure métaphysique des développeurs Marina Kittaka et Melos Han-Tani arrive sur nos consoles hybrides préférées, et encore une fois, c’est à une expérience vidéoludique que nous avons droit. Est-elle pour autant réservée à une frange limitée de joueurs ? Eh bien, contrairement à ce que proposaient les deux premiers Anodyne, la partie gameplay est bien plus développée. Au détriment du reste ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.
Discuter, est-ce renoncer à la violence ?
Point de monde alternatif dans ce Sephonie, mais une introduction qui laisse toutefois ressentir son ADN puisque tout commence dans un train en compagnie d’une étrange créature. Ce train semble rouler depuis des dizaines d’années et notre personnage ne sait plus trop ce qu’il fait dedans. Nous apprenons bien vite que celui-ci n’est autre que la personnification de l’esprit d’une île sur laquelle se rendent trois scientifiques. Et c’est à ce moment précis de ces réminiscences que nous prenons le contrôle de l’un des chercheurs.
Malheureusement pour nous, cette arrivée sur l’île ne se fait pas sans heurts puisque notre bateau coule et que nous nous retrouvons avec un empoisonnement à gérer. Pour sauver notre ami, il nous faut étudier la faune et la flore de ces lieux pour comprendre cet écosystème. Si nous trouvons vite une solution pour soigner notre camarade, nous voyons aussi rapidement que cette île cache un grand nombre de secrets et qu’il va falloir nous enfoncer plus en avant dans ces recoins pour en sortir.
Si cette narration semble tout droit sortie d’un épisode de Tomb Raider, le traitement du récit est bien différent puisque régulièrement l’âme de l’île viendra faire le point sur notre avancée et abordera alors des thèmes bien plus complexes que ce à quoi nous a habitués Lara. Entre le rapport à la famille ou aux amis, mais aussi nos liens avec la nature et la surproduction ou la surconsommation, nous sommes sans cesse ballottés entre des réflexions profondes.
Sans jamais se montrer manichéen, il va de soi que le joueur habitué à du noir et blanc dans les sentiments véhiculés aura du mal à y trouver son compte, d’autant plus que l’ensemble des dialogues n’est disponible que dans un anglais d’un niveau soutenu qui laissera sur le carreau tous ceux ne maîtrisant pas convenablement la langue du chat qui expire. Pour les autres, les dialogues sont toujours très bien écrits et le récit nous emmène là où il le souhaite sans jamais marquer le pas avant de nous offrir, forcément, sa fin ouverte.
Sommes-nous responsables de l’avenir ?
Si du point de la narration, nous sommes dans la ligne droite des productions signées Marina Kittaka et Melos Han-Tani, le gameplay proposé par ce Sephonie est bien plus développé et réussit à se montrer touche-à-tout de manière efficace. Nous commençons par des phases de plateformes 3D durant lesquelles il nous faut utiliser intelligemment le saut et la course. Très vite s’ajouteront de la course sur les murs, du grappin ou de l’utilisation d’objets pour ainsi résoudre de petites énigmes.
De nombreux checkpoints sont disposés sur notre parcours et chaque chute nous renvoie directement au dernier activé. Dans le cas d’une erreur, un appui prolongé sur la touche B et nous revenons aussitôt à celui-ci. Le level design, s’il joue beaucoup sur la verticalité, est toutefois assez linéaire et nous ne sommes jamais perdus dans ces mondes étranges. De même, chaque pouvoir étant bien clair, il est rare de ne pas savoir quoi faire pour avancer.
Ces phases sont plutôt efficaces et elles savent se renouveler à chaque nouvelle mécanique ajoutée. Nous pourrons, une fois certaines plateformes atteintes, étudier ce qui nous fait face. Commence alors une nouvelle phase qui nous demande de jouer avec des tétrominos (mais si, les briques de Tetris !). Durant cette partie, trois carrés en lien commencent à nous apporter des points. Plus le nombre de ces carrés est grand et plus notre score sera important. Nous disposons d’un nombre limité de tours et nous devons atteindre un objectif fixé pour ne pas perdre une vie.
L’alternance entre ces deux phases et l’histoire est assez équilibrée. Il est rare de rester bloqué sur la même difficulté et le challenge proposé est à la portée de n’importe quel joueur. Des options d’accessibilité viennent toutefois s’ajouter. Elles sont surtout utiles pour les amateurs de complétions qui chercheront à atteindre tous les objets disséminés sur l’île tout en scannant l’ensemble des espèces présentes.
L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?
La prise en main pour effectuer toutes les actions nécessaires à notre progression est plutôt efficace. Le choix des touches pour courir, sauter ou lancer le grappin est bien pensé et nous n’avons jamais à nous faire des nœuds avec les doigts. Les seuls défauts concernent une caméra qui a tendance à se perdre dans les murs, cachant ainsi notre personnage, ainsi qu’une course qui a tendance à se montrer un peu savonneuse et qui notamment s’adapte assez mal à une caméra, encore elle, qui est très sensible.
Le point clivant de l’œuvre de Marina Kittaka et Melos Han-Tani concernera, comme pour le reste de leur production, les graphismes. Ceux-ci sont toujours à des années-lumière de la production actuelle. Alors certes, encore une fois, l’atmosphère mise en place, le design général des lieux que nous visitons, et leur constant renouvellement, viennent atténuer ce décalage, mais il n’en reste pas moins que les textures font trop mal aux yeux, même en même portable.
La bande-son est plus agréable. Les titres se renouvellent régulièrement, ils accompagnent parfaitement chacune des phases de jeu ainsi que les cinématiques. Ils savent se montrer mélancoliques durant les quelques phases de réminiscences tout en se montrant bien plus angoissants lors des moments de puzzle. Le tout ne lasse jamais et ajoute sa touche à l’ambiance générale durant les sept heures nécessaires à boucler notre aventure.
Conclusion
En nous offrant une expérience vidéoludique dans laquelle les phases de gameplay, sous la forme de puzzles et de plateformes 3D, sont bien plus prépondérantes, Marina Kittaka et Melos Han-Tani ne renoncent pas pour autant à nous offrir une narration prenante dans laquelle de nombreux thèmes matures sont abordés de manière fine et non manichéenne. Il n’en reste pas moins que les graphismes vont forcément diviser malgré une direction artistique maîtrisée et qui sait se renouveler. De plus si son level design nous permet de profiter intelligemment des phases de plateforme, sa caméra est vite pénible. Un jeu encore une fois inclassable qui ne laissera personne indifférent, en bien ou en mal…
LES PLUS
- La narration est toujours prenante avec des thèmes matures
- Les phases de plateformes se renouvellent régulièrement
- La direction artistique est maîtrisée et tempère la faiblesse des graphismes
- Les phases de puzzle sont prenantes
- La difficulté est à la portée de tous les joueurs
- Les options d’accessibilité sont intelligentes
- La bande-son colle toujours parfaitement à l’ambiance
- La prise en main est efficace, peu importe la situation
- La durée de vie de 7 bonnes heures est solide
LES MOINS
- La caméra peut vite se montrer pénible
- Les graphismes sont vraiment très loin en dessous de la production actuelle
- Tout en anglais