Nous allons guider Bill, un enfant en proie à la démence, dans ses rêves les plus sombres pour trouver une inespérée porte de sortie… Derrière ce titre « NightmareScape » (qui résume parfaitement le but du jeu), se cache « In Nightmare » paru initialement en 2022 sur PC et consoles Sony. C’est le même jeu avec deux titres différents. Ce changement de nom questionne (noyer le poisson suite aux notes moyennes – voire mauvaises – accordées par la presse à « In Nightmare » ? Ou juste un problème de droits ?), d’autant qu’avant de lancer le jeu, le menu de la Switch annonce un fier « In Nightmare – Director’s cut ». Mais que nous propose ce « In NightmareScape – Director’s Cut » ?
Le jeu du gros chat et de la petite souris
Artistiquement parlant mais aussi en termes d’histoire et de thématique (l’enfance sacrifiée avec sa farandole de traumas, lesquels se métamorphosent – mais c’est biensûr – en purs cauchemars sur pattes), le jeu fait penser à une longue liste de jeux [mode name dropping On] : American McGee’s Alice et sa suite Retour au Pays de la Folie, Evil Twin – Cyprien’s Chronicles, Fran Bow ou plus récemment Little Nightmares I et II… Les références à tous ces jeux sont communes (au hasard, Lewis Carroll et Tim Burton [mode name dropping Off]) et sur cette bonne base « Spooky », le développeur chinois Magic Fish Studio nous a concocté un jeu du chat et de la souris horrifique. Nous retrouvons bien entendu fantômes ricanants, monstres affreux à un oeil (ou plein d’yeux partout) et gros démons cornus.
Tout ce beau monde, griffes dehors et dents pointues, nous pourchasse dans de sombres couloirs en forme de dédales inquiétants et surréalistes. Et il va falloir prendre le rythme car ce jeu de cache-cache et de courses poursuites (quand la cachette ne suffit plus) représente facilement 70% du jeu ! Heureusement, les variations entre elles sont bien trouvées et bienvenues, même s’il peut arriver qu’elles se répètent d’un chapitre à l’autre.
Bien entendu, les phases d’infiltration et de poursuites sont tendues à souhait, voire bien crispantes, et c’est salutaire pour un jeu d’horreur qui emploie le « die-and-retry » comme étendard. Bill n’est pas armé (ou presque) et de santé très fragile (se faire attraper est synonyme de mort, sauf à de rares occasions). Nous allons tout faire pour survivre quitte à nous faire discret ou à courir à toute berzingue vers les objectifs. Nous pourrons également éblouir nos ennemis avec des orbes de lumière, histoire de les étourdir quelques secondes, jouer la furtivité dans les bosquets ou les conduits d’aération, abaisser les classiques leviers pour ouvrir des portes ou activer toutes sortes de pièges pour éteindre la menace qui pèse sur nous.
Crispant, vous avez dit crispant ?
La frustration ne vient pas forcément de la difficulté. Une fois que nous avons compris que l’échec sert la fois suivante à ne pas répéter les mêmes erreurs, la difficulté n’est pas si élevée.
Non, c’est surtout un petit agacement qui nous étreint, avec un léger sentiment d’injustice : un gameplay défectueux par moment avec des intéractions qui ne se font pas (punaise de bouton A qui ne répond pas !) ou cette 3D isométrique, certes le plus souvent inspirée et joliement détaillée (artistiquement, il y a une patte, c’est indéniable), mais aussi à des endroits, confuse et mettant à mal notre compréhension de ce qui sera un mur (surtout s’il est arbitraire comme ces murs invisibles bien relous) ou tout simplement de deviner ce sur quoi on marche. Quand ce n’est pas la technique qui s’en mêle : lags, freezes, ralentissements, définition de l’image défaillante (avec du gros pixel dedans). Lorsqu’il s’agit de faire précis, vite et bien, et que ces défauts interviennent, ça peut devenir pénible. Heureusement, ce n’est pas tout le temps. A vous de voir si vous vous accomodez de ces légers problèmes.
Pour nous permettre de souffler et de ne pas péter une durite, des passages plus calmes – et sympathiques – agrémentent l’aventure : des énigmes en mode détente, mais pas forcément évidentes pour autant et une pichenette d’exploration avec sa myriade de collectibles à dénicher comme ces notes de journaux ou ces objets révélant le parcours chaotique de ce jeune Bill, de ses jeunes années à son internement en hopital psychiatrique.
En trouvant en chemin des passages secrets menant à des stèles à activer, le jeu nous propose aussi du levelling avec des aptitudes à augmenter au fil de l’aventure. Notre endurance sera précieuse par exemple, et l’augmenter, un atout certain contre les monstres. En revanche, nous nous posons des questions sur l’intérêt d’augmenter notre capacité à transporter des fioles de potion car même sans en vouloir, elles pullulent dans les niveaux. Ou à améliorer notre petit familier, le papillon Bikti, d’une utilité (toute) relative. D’ailleurs ce papillon, il est temps d’en causer…
Papillon de lumière, sous les projecteurs
Preuve que les développeurs ont de l’idée, nous sommes accompagnés par un papillon de lumière. Avec la gachette gauche, il peut jouer les éclaireurs en voletant autour de nous – la caméra nous abandonne alors pour le suivre dans son exploration – ou avec le stick droit, user d’un sonar pour repérer les ennemis. Dans les faits, nous nous sommes très peu servis de ces deux capacités. La première rend l’action confuse en perdant notre personnage de vue (et c’est problématique lorsque il y a des ennemis partout). Et si le sonar peut s’avérer intéressant dans les phases de furtivité pures, il n’est pas primordial car au sol, la lumière change déjà régulièrement de couleur (le rouge, ça a de quoi alerter !), pour nous avertir d’une présence ennemie.
Avec la gachette droite, Bikti est nettement plus intéressant : le papillon jaune devient tout bleu et l’invisible devient alors visible : ouverture, porte ou échelle cachée, traces de pas fantômatiques qu’il faudra suivre pour dénicher bien des secrets. Une composante très sympa qui donne droit à quelques passages surprenants. Le jeu nous oblige même à nous servir de ce pouvoir sur certains objectifs.
Ce que nous évoquons au sujet de ce papillon résume un peu près ce que nous aimons dans le jeu et ce que nous lui reprochons dans le même temps. NightmareScape est en effet bourré d’intentions, généreux mais malheureusement avec des trucs et des machins dont on se demande l’utilité. Il est ambitieux artistiquement (la musique au piano est très belle, l’ambiance de cauchemar est vraiment excellente) mais limité par de terribles défauts de conception (jusqu’à finir sur des crédits de fin qui défilent en tremblotant).
Et pourtant, nous ne pouvons pas nous empêcher de trouver du charme à ce NightmareScape. Les 6 chapitres à parcourir sont copieux. La rejouabilité est possible avec tout ce qu’il y a à collecter pour obtenir les 3 fins possibles du jeu.
Nous avons vu notre intérêt augmenter au fur et à mesure de l’aventure, il y a un réel soin apporté à la mise en scène et à la narration. Nous avons perçu un vrai sens du rythme et un crescendo très réussi dans l’enchaînement des séquences. Nous sentons avec ce NightmareScape, une réelle et belle envie de nous mener d’un battement d’aile vers la lumière.
Conclusion
Comme notre personnage, perdu dans ses cauchemars, nous avons eu tous les sentiments possibles avec ce NightmareScape : un soupçon d'effroi devant ce cache-cache permanent, un petit frisson puis un léger agacement, une frustration devant des défauts de conception qui entâchent le gameplay. Puis un sourcil levé d'étonnement devant l'ingéniosité de certains mécanismes, l'émerveillement devant une ambiance de caroussel maléfique, avant de hausser les épaules devant un énième lag intempestif. Et pourtant, le charme de l'aventure opère pour en voir le bout, malgré tout ! Un "cauchemar" assez sympa au final.
LES PLUS
- Une très belle ambiance horrifique
- Des énigmes sympathiques
- La variété des scènes de cache-cache / courses-poursuite, pourtant omniprésentes
- Une suite de séquences bien rythmées et bien mises en scène
- 6 chapitres copieux, à rejouer pour tout collecter
- En français et c'est cool ! (même si c'est du Google Trad, avec une police de caractère générique au possible)
LES MOINS
- Des passages frustrants
- Le bouton A pour intéragir avec un élément du décor qui ne répond pas parfois
- De fréquents problèmes de lisibilité liés à la 3D isométrique
- Des baisses de framerate, des lags ou des freezes
- Définition en berne, comparée à celle du jeu "In Nightmare" (c'est le même jeu) paru sur les autres supports