« Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien », en voilà une bien belle maxime, attribuée à Socrate par Platon, et qui résume parfaitement notre sentiment au moment d’écrire ces quelques lignes sur Ghostpia Season One. Alors pourquoi une telle humilité ? Et bien, car pour écrire un test sur le titre de Chosuido, il ne faut rien avoir à faire avec le jeu vidéo, mais plutôt être capable de juger de la qualité d’une bande dessinée. Mais ce Ghostpia étant vendu sur l’eShop, il va bien falloir nous y coller, alors veuillez pardonner ce qui sera sans doute un point de vue qui ne rendra pas justement compte de l’œuvre présentée.
Appuie une fois sur Y…
Mettons les choses encore plus au clair pour les quelques indécis que cette introduction n’aurait pas suffisamment éclairé, Ghostpia Season One n’est pas un jeu vidéo puisqu’aucune interaction d’aucune sorte ne nous est jamais demandée. Aucun choix, aucune action, aucun déplacement, absolument rien n’est possible si ce n’est suivre l’histoire qui nous ait raconté. Notre seul mérite durant les sept heures nécessaires pour arriver à la fin de cette saison un a été d’éviter que la console ne passe en veille. Il n’y a absolument aucune mécanique de gameplay.
Ghostpia n’est pas une expérience vidéoludique, c’est une bande-dessinée légèrement travaillée dans laquelle nous suivons les aventures de Sayoko. Celle-ci vit dans une ville qu’elle nomme Ghost Town et pour raison puisque nous comprenons rapidement que ces habitants semblent tous être des fantômes. Nous découvrons petit à petit ces lieux dans laquelle la mort arrive dès l’aube et ne dure qu’une journée puisque, dès le crépuscule, ces habitants retrouvent la vie. Une absence de fatalité qui entraîne un rapport à la valeur de la vie bien limité.
Avec son groupe d’ami, Anya et Pacifica, Sayoko tente de savoir ce qui se trouve en dehors de cette ville perpétuellement sous la neige. Mais pour éviter cela, l’église, qui fait office de dirigeant dans cette ville, met tout en œuvre pour les en empêcher jusqu’au jour où un nouveau fantôme arrive. Voilà pour le pitch de départ dont il est difficile d’en dire plus sans en dévoiler les éléments importants.
Cette histoire alterne les moments légers avec de longues phases plus introspectives tandis qu’à d’autres moments la froideur de Sayoko face aux morts qu’elle inflige change complètement le ton du récit lui donnant un rythme extrêmement haché que nous avons eu beaucoup de difficulté à apprécier. En effet si les phases d’actions sont bien menées et surprennent par leur violence, les longs monologues qui ne font pas avancer le récit deviennent vite soporifique et les tentatives de rendre cette narration plus légère tombent souvent à côté.
… tu peux souffler maintenant
Alors que reste-t-il à ce récit ? Son univers et son histoire. Nous voulons savoir ce qu’est cette ville fantôme, pourquoi son nombre d’habitants est-il stable à 1024, en quoi l’arrivée d’un nouveau fantôme va bouleverser ce monde et enfin connaître ce qui se cache derrière l’amnésie collective qui semble toucher les protagonistes de cette histoire. Cela est-il suffisant pour passer outre les longueurs ? Tout dépendra du type de lecteur que vous êtes. Si l’anglais ne vous fait pas peur, et si les longues phases d’introspection sont votre tasse de thé, alors Ghostpia Season One, qui apporte plus de questions que de réponses avant sa saison deux, est sans doute fait pour vous.
La partie graphique mélange plusieurs styles dans des influences bien distinctes. La majeure partie du temps, nous avons le droit à des planches assez détaillées dans un style aux tons occidentaux. Chaque conversation est l’occasion de montrer des miniatures de personnages réalisés en pixel art. Là encore les détails sont nombreux et les variations sont les bienvenues pour ajouter de la variété. Enfin de très courts et rares moments d’animation rappellent alors ce que nous pouvons voir dans n’importe quel animé japonais, avec notamment le sempiternel passage dans le train, l’héroïne regardant les lumières défiler. Nous prenons plaisir à voir l’alternance entre ces différents styles qui n’engendrent jamais aucune lassitude.
La mise en scène est soignée, chaque planche bénéficie d’une composition travaillée et réfléchie dont les éléments apparaissent au fur et à mesure de la narration. Pour mettre en exergue cette ambiance particulière, nous pouvons activer un filtre CRT qui accentue l’effet de décalage entre la normalité apparente et le récit. Ce filtre n’altère heureusement pas les textes durant notre lecture, contrairement à ce que laisse penser un menu quasiment illisible une fois ce filtre activé.
La bande-son est plus sujette à caution. En effet, si les pistes changent à chaque nouvelle section du récit et s’adapte toujours à l’ambiance, les titres ont tendance à se répéter et au bout d’une heure de jeu. Nous tournons en rond et pouvons même prévoir quel titre va venir nous chatouiller les oreilles vu le ton des dialogues. Les variations entre les compositions chantées et celles purement instrumentales apportent une diversité bienvenue. Terminons ce test avec le tarif. Si le prix de 20 € pour un titre sans aucune interactivité peut sembler élevé, nous sommes loin du prix de cinq bandes-dessinées classiques. Toutefois, nous n’avons jamais l’objet bande-dessinée dans les mains et le puriste du neuvième art sera loin d’y trouver son compte.
Conclusion
Ghostpia Season One est une œuvre à part sur nos Nintendo Switch. Le joueur passera complètement outre arguant, avec raison, que le titre de Chosuido se contenterait tout autant d’un lecteur vidéo, tandis que l’amateur de bande-dessinée regrettera de n’avoir aucun objet entre les mains pour profiter de ce récit complexe et déroutant capable de passer de la mièvrerie à la plus grande violence décomplexée en quelques secondes tout en alignant de longues phases introspectives. Un titre que nous nous sentons complètement incapables de noter tant il est loin de notre domaine de compétence, mais que nous avons difficilement apprécié tant nous ne comprenons pas l’intérêt de le voir sur une console de jeu.
LES PLUS
- Les différentes couches de graphismes sont détaillées et soignées
- La bande-son s’adapte toujours à l’ambiance
- L’univers mis en place est prenant
LES MOINS
- Tout en anglais
- Absolument aucun gameplay
- Un unique appui sur Y, lecture automatique, et c’en est fini de l’interaction
- Très violent à certains moments, il ne convient pas à tout public
- La bande-son finit par se montrer répétitive
- Les longues phases d’introspection finissent par lasser