Il est rare de tomber, dans le monde du jeu indépendant, sur des studios qui ont déjà réalisé quelques petites pépites passées sous les radars. La plupart du temps, et notamment sur une Nintendo Switch qui n’est rien de moins que l’Eldorado pour les développeurs en marge des grosses sociétés, la moindre possibilité de porter un titre sur la console du plombier est bien évidemment saisie. C’est donc avec surprise que nous sommes tombés sur Burnhouse Lane, du studio Harvester Games dont nous n’avions jamais entendu parler jusqu’alors. C’est avec une surprise encore plus grande que nous sommes totalement tombés sous son charme malsain. Et la surprise fut encore plus grande quand, après quelques prises d’informations sur la fratrie qui compose cette équipe, nous avons découvert que leurs trois premiers jeux bénéficiaient déjà d’une solide réputation. Mais cessons là ces divagations et entrons dans le vif du sujet pour que vous aussi vous puissiez succomber.
Ça te dérange si je fume ?
La première chose à évoquer concerne le public. Le titre des frères Michalski n’est pas à mettre entre toutes les mains. Avec son esthétique gore et ses thématiques dérangeantes, il vaut savoir à quoi s’en tenir avant de mettre quelques sous sur l’eshop. La mort, le suicide, la maladie ou encore les addictions n’en sont que des prémices et bien d’autres thèmes tout aussi douloureux seront évoqués. Malgré tout, Burnhouse Lane ne tombe jamais dans le pathos et sa galerie de personnages est toujours incroyablement juste, ce qui rend son contenu étonnamment digeste et diablement accrocheur.
Dès les premières minutes, nous sommes happés dans le monde de Angie Weathers, une infirmière dont la vie est loin d’être facile et qui décide de partir effectuer un dernier travail pour avoir suffisamment d’argent de côté pour ainsi se payer un voyage longuement espéré. Entre les tâches simples telles que préparer le sandwich de son pensionnaire ou arroser ses plantes, elle va vite découvrir un monde parallèle, bien plus angoissant et dangereux, mais aussi plein de promesses et de surprise. Ce monde, c’est celui de Burnhouse Lane.
Le rythme est dicté par un découpage en sept chapitres. Chaque chapitre commencera dans la maison de George, notre patient, puis une bascule se fera à un moment ou un autre pour nous renvoyer vers ce monde étrange et létal. Nous ne nous rendrons jamais là-bas sans raison. Notre salut passe par la réalisation de cinq missions dont nous sommes mis au courant à la fin de chaque section. L’alternance entre ces phases nous permet de souffler régulièrement et de faire redescendre la pression avant que celle-ci ne remonte jusqu’à l’une des conclusions disponibles.
De la 2D qui surprend et fonctionne
Une fois les joycons en main, nous contrôlons Angie dans un monde en deux dimensions à défilement horizontal. Kewa ! Un jeu d’horreur qui ne cherche même pas à simuler une 3D en vue de haut ? Et oui c’est possible si, comme c’est le cas ici, l’horreur passe d’abord et avant tout par une ambiance particulièrement travaillée et dérangeante à souhait. Nous allons donc déambuler avec notre héroïne dans ce qui ressemble à un jeu d’aventure dans lequel nous allons pouvoir chercher des objets puis les utiliser pour résoudre ainsi de petites énigmes.
De temps à autre, de petits ajouts comme l’utilisation d’une esquive ou d’un pistolet pour venir à bout d’un monstre, ou de pouvoirs que récupérera Angie au fur et à mesure de nos déambulations, feront une apparition, mais ces phases sont assez rares et ajoutent de la diversité plutôt qu’être une composante prépondérante du gameplay. Nous avancerons ainsi avec l’aide si nécessaire d’un petit journal de bord qui nous indique les tâches que nous avons à mener. Nous ne sommes jamais perdus dans ce que nous avons à accomplir et les énigmes sont à la fois bien pensées et logiques pour nous permettre d’avancer sans trop de problèmes.
La dernière partie de ces mécaniques de jeu concerne les dialogues. Ceux-ci auront une place importante sur notre avancée et, en fonction de nos réponses, nous octroieront des bonus et nous entraîneront vers l’une des fins disponibles. Le système de pouvoir n’est pas en reste puisque l’un d’entre eux nous permet, une fois par jour, de détecter un mensonge. Une idée intéressante et parfaitement mise en place avec l’ajout d’une petite étoile pour nous guider. Entièrement traduit en français, c’est un plaisir d’avancer avec Angie dans ces dialogues très bien écrits et cohérents, même si quelques coquilles sont à noter dans la traduction.
Les détails qui subliment
Rien de bien méchant toutefois, ces petites erreurs de caractères ou d’absences de traductions de certaines lignes ne sont jamais prépondérants et ne nous font jamais sortir de cette ambiance parfaitement maîtrisée par les frères Michalski. L’ensemble du jeu semble d’ailleurs avoir été réfléchi pour accrocher le joueur à son siège. Si la narration tient un rôle important à notre attachement, avec une galerie de personnages importants dont chacun a son rôle et est parfaitement développé, beaucoup de détails supplémentaires qui n’en sont pas ajoutent une grande valeur à ce Burnhouse Lane.
Il y a d’abord un système de sauvegarde qui nous demande de nous approcher d’un cendrier. Voir notre héroïne s’arrêter quelques instants pour en griller une est l’occasion d’une petite animation qui à elle seule nous montre une Angie qui relâche quelques instants la pression, ce que nous joueurs, ressentons alors à ses côtés, augmentant ainsi notre implication dans ce récit. De même, nous sommes extrêmement faibles face à nos ennemis et le moindre contact avec eux nous sera fatal, augmentant ainsi la tension lors de nos face-à-face ainsi que le sentiment de réussite lorsque nous nous débarrassons de l’un d’eux.
La partie graphique n’est évidemment pas en reste. Si dans un premier temps, les animations très raides des personnages font penser au pire, bien vite ce sentiment cède la place devant le travail réalisé par le studio Harvester Games. En choisissant de mettre en place des décors aux couleurs ternes et passées dans la vie réelle, qui ne vont pas en s’arrangeant une fois passé dans Burnhouse Lane en se parant plus régulièrement de tons ocre rouge. Ces décors sont tous magnifiques et très travaillés. Les premiers, seconds et troisièmes plans regorgent de détails qui participent largement à notre plongée dans ce monde.
La bande-son n’est pas en reste. Les titres s’adaptent tous parfaitement à l’action en cours et à la déliquescence des lieux que nous parcourons, avec parfois des reprises inattendues qui touchent alors au divin tant nous ne les avons pas vus venir. Les bruitages sont eux aussi parfaitement réalisés et il est vivement conseillé de jouer avec un casque sur les oreilles pour ne rien rater et être encore davantage plongé dans cet univers angoissant.
Conclusion
Burnhouse Lane est un grand jeu d’horreur, non pas en mettant en place de trop faciles jump scare ou en nous faisant patauger dans l’hémoglobine et les tripes, mais plutôt en réussissant à mettre en place une ambiance très dérangeante et en abordant avec finesse des thèmes matures qui peuvent tous nous toucher dans notre vie. Notre implication dans ce récit et dans la vie d’Angie est immédiate et ne se dément jamais. Les graphismes, en dehors d’une animation rigide, sont vraiment magnifiques et jouent parfaitement avec les couleurs et les contrastes. La bande-son et les bruitages viennent toujours ajouter leur pierre à l’édifice et le gameplay, fait principalement d’énigmes, est toujours prenant. De plus sa localisation en français le rend accessible à tous les amateurs du genre. Notre coup de cœur de ces vacances.
LES PLUS
- La traduction en français est bien réalisée…
- Les graphismes des personnages et des décors sont magnifiques de détails
- La bande-son et les bruitages ajoutent beaucoup à notre immersion
- Les énigmes sont intelligentes et bien dosées
- Les petites phases de gameplay supplémentaires sont parfaitement intégrées
- Les dialogues sont intelligents et bien écrits
- L’ajout des pouvoirs ajoute des couches supplémentaires au gameplay
- La narration est prenante de la première à la dernière minute
- La galerie de personnages est grande, variée et très bien utilisée
- La prise en main ne souffre d’aucun défaut
- Le doublage en anglais des dialogues est très bien réalisé
- La durée de vie d’une dizaine d’heures de jeu est parfaitement adaptée à l’expérience de jeu
- Des moments inattendus touchent au divin
LES MOINS
- … en dehors de quelques coquilles grossières
- Les animations des personnages sont trop rigides
- L’utilisation des objets n’est pas optimale
- Nous regrettons l’absence de choix de chapitres pour la complétion