Le jeu vidéo est extraordinaire car, même après 40 ans, certains titres sont toujours capables de nous faire de l’effet. Pour moi, un Donkey Kong (1981), un Pac-Man (1980), ou un Missile Command (1980) sont des jeux rétro qui font clairement partie de cette catégorie et sont encore capables de m’accrocher dès que j’ai la possibilité d’y jouer. Mais pourquoi ces jeux sont-ils intemporels ? Qu’est-ce qui peut bien faire qu’un jeu passe à la postérité ou non ? Et bien pour l’humble rédacteur de ces quelques lignes, la réponse tient en un mot : gameplay. Mais ce mot se doit d’être détaillé : un gameplay, pour faire de son jeu un mythe, se doit d’être facilement compréhensible dès la première prise en main tout en proposant des capacités qui, une fois maîtrisées, transforme le joueur en un dieu de l’arcade. Et c’est tout simplement ce qu’aucun des jeux ne propose dans cette collection Taito Milestones 2…
Le prix de la honte
Pour rappel, Taito ce sont des licences cultes comme Space Invaders, Arkanoïd, Double Dragon, ou un peu moins cultes tels Operation Wolf, Chase HQ, Rastan et légendaire comme Bubble Bobble. Alors certes, nous n’avons pas été faire d’investigation pour savoir si ces licences leur étaient toujours acquises, mais après une première compilation, déjà vendue au tarif exorbitant de 40 €, qui ne comportait qu’un titre de vraiment intéressant, à savoir Qix, il fallait vraiment oser pour enchaîner dans la même direction, sans absolument rien changer.
Et oui, cette seconde compilation est toujours vendue au prix incroyable de 40 € et elle ne comporte toujours qu’un seul titre de vraiment marquant pour l’époque, à savoir The NewZealand Story. Et même si celui-ci avait su plaire en son temps, il n’a rien d’un Bubble Bobble ou d’un Space Invaders. Il a énormément vieilli et il n’est pas sûr que même les joueurs les plus convaincus de la toute puissance du rétro gaming le place en tête de gondole de leur classement personnel. Mais ne soyons pas mauvaises langues et allons faire un tour sur la fiche eshop du titre pour voir en quoi elle consiste.
Ah, ça ne va pas être facile non plus. Même la fiche qui est censée donner envie à l’acheteur de passer à la caisse ne détaille pas les jeux. Nous apprenons juste rapidement qu’au moins quatre sont des shoots’em up, qui se ressemblaient tous plus ou moins à cette époque et qu’un cinquième est The NewZealand Story. Pour les cinq derniers, soit 50 % de la compilation, nous n’avons que leur nom de cité, aucune explication. L’éditeur même ne fait pas l’effort de nous vendre son titre et pour un jeu à 40 €, c’est vraiment très mauvais signe.
Mais peut-être les ajouts faits à ces portages transforment notre expérience de jeu ? Et bien non. Là encore, c’est le degré zéro de l’amour pour l’arcade qui transpire dans cette compilation. Pas de galerie d’image, pas de présentation de la machine, n’importe quel tour sur les sites associés à l’émulation nous fournissent davantage d’informations. La communauté d’amateurs fait un travail de qualité dix fois supérieure à ce que nous trouvons ici. Là nous avons juste droit à un filtre CRT qui ne sert toujours à rien et nous pouvons configurer les boutons, YOUHOU, que de bonté.
Pour le reste, c’est le néant total : pas de sauvegarde à la volée et pas de rembobinage, il faut passer par le menu. Alors bien sûr nous pouvons ajouter des crédits comme nous l’entendons, mais pour rappel, la plupart des jeux de l’époque n’avaient qu’un but, faire cracher de la pièce aux joueurs et les courbes de difficultés étaient bien souvent pentues à l’extrême ; ce qui signifiait que chaque nouveau crédit inséré se faisait avec un avatar privé de ses augmentations et entraîner une mort encore plus rapide, d’où la nécessité pour ces compilations de laisser le joueur rembobiner. C’est un manque énorme que le partage de score en ligne ne vient jamais compenser.
Mais il est temps de présenter chacun des jeux succinctement et pour cela nous les avons catégorisés en trois catégories : les « biens à l’époque, mais ça a mal vieilli », les « ouais c’était déjà moyen dans le temps », et « les sérieux, ils ont osé ! ». Trois catégories qui ne laissent que peu de place à une qualité qui transcenderait les époques et qui montre bien à quel point le tarif de base de 40 € est largement excessif, sans parler de l’absence quasi totale d’ajout à ces portages.
Les jeux qui valent encore le coup d’œil :
The NewZealand Story : sorti en 1988, c’est le seul titre vraiment marquant de cette compilation et l’éditeur ne s’est pas trompé puisque c’est la mascotte de ce titre qui prend le plus de place sur l’affiche. NewZealand Story est un plateformer dans lequel nous incarnons Tiki le Kiwi – l’oiseau pas le fruit – pour l’aider à sauver ses amis. Notre arme de base est un arc que nous pourrons compléter avec le temps par des bombes ou des boules de feu. Les niveaux sont loin d’être tout en longueur. Avec des engins volants ou de la nage, le gameplay sait se renouveler et les graphismes sont vraiment mignons et n’ont pas pris une ride. S’il avait su sortir du lot à l’époque et qu’il n’a pas pris une ride, il est maintenant tellement typique des moules du genre qu’en dehors de l’aspect historique, il n’apporte pas grand-chose.
Liquids Kids : sorti en 1990, c’est un jeu d’action plateforme dans lequel nous incarnons l’hippopotame Hipopo qui voyage dans le pays de Woody-Lake pour sauver son date. Pour cela, il va falloir parcourir des niveaux armés d’une bulle. Mais cette bulle a le pouvoir d’étourdir nos ennemis, ne restant plus alors qu’à leur mettre une pichenette pour les envoyer valdinguer. C’est un plateformer classique adaptant le concept de Bubble Bobble dans des niveaux à défilement vertical. Il est toujours aussi mignon et se laisse toujours aussi bien prendre en main sans avoir pris une ride, mais là encore, la liste des jeux ayant le même concept est si grande qu’il peine à sortir du lot.
Les autres qui ont très mal vieilli :
Kiki Kakai : sorti en 1986, c’est un shooter multidirectionnel dans le japon féodal. Nous incarnons Sayo-chan qui combat des démons du folklore japonais. Nous avançons dans des niveaux au défilement vertical et utilisons nos attaques à courtes et longues portées pour atteindre la sortie. Si à l’époque le jeu était intéressant, notamment pour ses musiques chiptune reprenant des thèmes traditionnels japonais, nous ne pouvons que regretter des contrôles loin d’être efficaces, qui nous font regretter les twin stick incroyables que furent Robotron 2084 – sorti en 1982 – ou Ikari Warriors, sorti lui la même année que Kiki Kakai.
Ben Bero Beh : sorti en 1984, il est le doyen de cette compilation. C’est un jeu d’arcade plateforme rappelant fortement Donkey Kong. Nous y incarnons Dami-chan un super héros qui doit sauver sa dulcinée Nao-chan d’un immeuble en feu. Il dispose pour cela d’un extincteur et peut sauter au-dessus des trous. C’est extrêmement classique et son seul point intéressant vient de la présence de caméos d’autres titres de Taïto. Pour le reste, ça a très mal vieilli en termes de contrôles trop souvent pénibles, notamment pour descendre les escaliers.
The Legend of Kage : sorti en 1985, c’est un des ancêtres du run’n gun. Nous y incarnons Kage, un ninja qui doit sauver la princesse Kiri du méchant chef de guerre Yoshi. Pour cela nous allons courir à travers des niveaux et tuer à l’aide de notre katana et de nos shurikens tout ce qui tente de s’approcher de nous. Le jeu rappelle fortement le précurseur du genre, Kung-Fu Master sorti un an plus tôt ; et si pour l’époque le résultat était plutôt sympathique avec des changements de décors et de saisons, c’est sans doute le titre qui a le plus mal vieilli de cette compilation tant le genre a su évoluer avec le temps, avec notamment l’arrivée de Shinobi 2 ans plus tard.
Les shoot’em up génériques :
Cette compilation comprend, en réalité trois shoot’em up. Oui, le rédacteur de ces lignes considère que si l’on se déplace librement dans un niveau comme pour Kiki Kakai, ce n’est pas un Shoot’em up, mais un shooter. Nous avons donc droit à Darius II, datant de 1989, à Gun Frontier, débarqué en 1990 et à Metal Black, sorti en 1991. Seul le second est à défilement vertical tandis que les premiers et troisièmes sont à défilement horizontal. Et autant dire que ces trois titres n’ont rien fait pour faire progresser le genre, en tout cas sur consoles de salon.
Darius II aurait pu se montrer étonnant vu la largeur de sa borne en arcade qui embarquait en fait trois écrans mis côte à côte et qui offrait ainsi des dimensions impressionnantes pour un jeu de l’époque. Malheureusement et malgré nos écrans 16:9ème, le rendu sur nos télés actuelles est loin d’être à la hauteur puisque nous subissons des bandes noires en haut et en bas de l’écran pour compenser, ce qui réduit grandement le plaisir de jeu. De plus, pour le reste, c’est un shoot’em up classique qui n’apporte pas grand-chose au genre tant il se montre générique dans ces mécaniques.
Gun Frontier n’a lui non plus rien de révolutionnaire et rappelle fortement autant dans son gameplay que dans son design ce que propose la série des titres de Capcom : 1940. Basé sur le manga éponyme, nous retrouvons un style mélangeant steampunk et ouest sauvage. Si le gameplay est classique et agréable, c’est surtout son ambiance sonore qui ruine complètement notre expérience de jeu et semble toujours à côté de la plaque, rébarbative et grinçante.
Metal Black, enfin, est un shoot’em up qui va nous faire devenir épileptiques. Avec des effets de lumières à la limite de la prise d’acide ainsi que des premier et second plans souvent trop chargés, c’est un cauchemar pour les yeux. Pour le reste c’est un shoot’em up plutôt sympathique, mais à la courbe de progression imbécile qui fait qu’en cas de mort, c’en est fini de la tentative en cours.
T’es sérieux là ?
Solitary Fighter : sorti en 1989 et connu sous le nom Violence Fight au Japon, est à la croisée du Beat’m all et du jeu de combat. Un beat’em all, mais avec un seul, et très rarement deux, ennemis dans une arène fermée. Il va falloir jouer du pied, du poing et du saut durant trois rounds pour faire baisser la barre des cent points de vie de notre adversaire. C’est le concept qui a le plus mal vieilli. Le un contre un sans technique spéciale à maîtriser est vite ennuyant, ce n’est que l’équivalent d’une succession de sept combats de boss d’un beat’em all classique tel Final Fight sorti la même année.
Dinorex sorti en 1992 est sans conteste la perle à ne pas manquer de cette compilation tant il est mauvais. C’est un jeu de combat dans lequel nous incarnons une humaine peu vêtue qui contrôle un dinosaure qui combat contre un autre dinosaure contrôlé par une autre humaine peu vêtue. Sur le papier, on ne craint rien. Sauf que le gameplay est inexistant. Un coup de papatte, un coup de queuequeue et puis basta. Bon il y a bien de gros dinosaures et des décors qui se cassent la figure, mais à part ça c’est une catastrophe. Alors, pourquoi le mettre dans une compilation ?
Conclusion
Alors oui, le rétro gaming est quelque chose d’important. Il permet de retrouver les sensations des joueurs d’antan, sensations parfois intéressantes pour des expériences prenantes et addictives. Mais encore faut-il pour cela, comme pour la production actuelle, séparer le bon grain de l’ivraie. Or cette compilation Taito Milestones 2 est un fourre-tout hétérogène allant du bon, mais pas top à la catastrophe vidéoludique. Avec en plus un prix de base de 40 € et aucune information historique ni aucun ajout, ce titre n’a absolument rien à faire dans nos ludothèques, à tel point que The NewZealand Story et Liquids Kids se demandent encore ce qu’ils ont fait de mal pour en faire partie.
LES PLUS
- The NewZealand Story et Liquids Kids sont toujours plaisant à jouer
LES MOINS
- 40€ pour ça, c’est de l’extorsion
- Seulement deux jeux de potables
- Trois Shoot’em up sans aucune originalité
- Aucune galerie d’image ni aucune information historique
- Pas de rembobinage ni de sauvegarde à la volée
- Aucun travail sur les filtres graphiques ou sonores
- Aucun travail sur les filtres graphiques ou sonores
- Taito aurait-il vendu les licences de ses titres phares pour nous refourguer ceux-là ?
- Non mais 40€ quoi ! Pour ça !