Mediterranea Inferno (Nintendo Switch) – Le test

Lorenzo Redealli ? Son nom vous dit quelque chose ? À vrai dire, il ne nous parlait pas non plus avant de tester Mediterranea Inferno. Cependant, après l’expérience vidéoludique que nous avons vécu, c’est sûr, nous ne sommes pas prêts de l’oublier. Mediterranea Inferno est une œuvre viscérale, unique et bouleversante. Ce visual novel est disponible depuis le 5 mars 2024 sur l’eShop canadien au prix de dix euros.

Il y a une chanson de Kate Bush pour chaque moment de la vie

Avant de débuter le test, nous préférons vous prévenir que le jeu est réservé à un public majeur : il comporte des scènes de sexe ainsi que des moments de violence psychologique et morale.

Mediterranea Inferno est un visual novel, une vraie œuvre d’art qui est à la fois provocante, osée, singulière et excessive.

Dans ce jeu, nous suivons « I ragazzi del Sole », littéralement, les garçons du soleil. Ces trois amis, Andrea, Milda et Claudio, étaient inséparables. Ils brillaient dans la nuit de Milan, et dans la rue tout le monde remarquait ces trois garçons qui avaient terriblement la classe.

Sauf que, quelques années plus tard, I ragazzi del Sole ne se parlent plus. Le confinement a réussi à séparer les inséparables, et le temps passant, les amitiés se sont distendues.

Notre histoire débute au moment où Andrea propose à ses deux acolytes de se retrouver le temps d’un week-end. Tout le monde est ravi et les trois comparses décident de partir pour trois jours dans la maison du grand-père de Claudio.

Mediterranea Inferno est un visual novel. Il a un gameplay assez classique dans le sens où nous allons suivre l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Pendant ce voyage de trois jours, une quatrième personne, appelée Madama, va nous proposer un fruit un peu étrange qui va nous permettre, globalement, de planer.

Ce même Madama nous promet d’ailleurs que celui qui aura accumulé quatre mirages (qui aura plané quatre fois), aura le droit d’aller au paradis. Or, il n’y a bien sûr pas assez de mirages pour tout le monde et il faudra faire des choix.

All the love we should have given, all the love you could have given

Les trois garçons ne seront pas d’accord sur les activités à réaliser. Ce sera à nous de prendre les rênes pour choisir ce que nous allons faire. Allons-nous plutôt passer l’après-midi à la plage ou plutôt traîner dans la piscine ?

Ces décisions vont contrarier certains membres du groupe et en ravir d’autres. Les personnes qui verront leur activité sélectionnée auront le droit d’avoir un mirage.

Un mirage est un trip dans lequel notre personnage va pouvoir évoluer et apprendre des choses sur lui-même. Il va en tout cas réussir pendant ces moments à réaliser ses désirs et à s’approcher de son « nirvana ». Andrea, par exemple, va avoir un mirage dans lequel il pourra assouvir ses désirs sexuels.

Sans divulgâcher, le récit de Mediterranea Inferno est une véritable pépite. Le jeu réussit parfaitement à nous placer dans ce monde après Covid, à dépeindre cette jeunesse qui a perdu ses plus belles années sociales à cause du confinement.

Elle aborde de façon excessive et provocante les thématiques de cette génération, coincée entre le pessimisme, la recherche d’identité et bloquée par les réseaux sociaux qui brouillent les codes sociétaux établis.

Au début, les personnages de Mediterranea Inferno sont insupportables. Ils représentent cette jeunesse dorée née avec une cuillère en argent dans la bouche. Une jeunesse qui regrette de ne plus aller en boîte et qui est obsédée par son apparence physique.

Cependant, et c’est la grande force du jeu, nous finissons par nous enticher de ces personnages antipathiques mais terriblement humains. Car malgré la superficialité, malgré les apparences, I ragazzi del Sole sont comme nous, ils recherchent profondément l’amour de leur prochain.

He’s too busy hitting the Vaseline

Les personnages sont finalement excellemment bien écrits et apportent tous quelque chose au récit. Claudio a beau se moquer de tout le monde, en réalité, il a vécu dans une famille en échec et son seul rêve est que cette dernière retrouve la gloire de son grand-père.

Andrea, lui, est un addict du sexe et couche avec le premier venu. Cependant, ses pulsions cachent en réalité un profond besoin d’amour et d’approbation sociale. Milda, est depuis le confinement devenu un influenceur. Son snobisme et son attitude dédaigneuse cherchent à masquer le désir de vivre  une relation amoureuse avec Claudio.

Il est d’ailleurs persuadé qu’il y a une chanson de Kate Bush pour chaque moment de la vie, ce que nous ne pouvons forcément que valider.

Le récit est captivant, l’histoire est admirablement bien écrite. Nous sommes embarqués dans ce petit week-end innocent qui devient en réalité l’occasion pour les trois protagonistes d’aborder les problèmes qu’ils avaient délibérément cachés sous le tapis.

Quand l’histoire commence à perdre son souffle, il y a toujours un nœud dramatique qui nous relance et nous captive. Le climax est grandiose, effrayant, et nous avons été obligés de le faire d’une seule traite, quitte à manquer notre heure du coucher.

La réalisation est très réussie, donnant un aspect cinématographique à ce visual novel par son montage là où la plupart des jeux de ce genre se contente de nous donner une image fixe et des dialogues.

Stepping out of the page into the sensual world

Pour nous, Mediterranea Inferno est pour l’instant le jeu le plus marquant de ce début d’année 2024. On nous a soutenu récemment qu’un jeu vidéo ne pouvait pas être une œuvre d’art comme celles qui sont exposées dans un musée. Pourtant, ce jeu y aurait clairement sa place.

Mediterranea Inferno ne plaira pas à tout le monde. Le jeu pousse tous les curseurs au maximum pour créer un contenu singulier. Les mirages peuvent autant décontenancer que fasciner le joueur (nous sommes dans cette deuxième catégorie).

De plus, nous savons malheureusement que le contenu fortement homoérotique pourrait refroidir une partie du public. Sachez pour autant que nous avons adoré alors que le testeur est ce que nous pouvons appeler « un homme blanc cis-hétéro ».

Les habitués réfractaires pourront aussi dire qu’un visual novel n’est pas un jeu, que celui-ci manque d’interactivité. Forcément, ces personnes-là ne seront pas intéressées par Mediterranea Inferno.

Pour dix euros, le jeu offre une durée de vie pour une première run comprise entre trois à quatre heures. Il y a des cartes à récolter qui peuvent pousser certains joueurs à refaire le jeu pour découvrir la surprise une fois que nous possédons huit cartes. C’est un jeu à savourer à petites doses car son excessivité peut faire trop en une fois.

Le portage est assez classique. Il n’y a pas de tactile ce qui est parfois un inconvénient dans ce genre de jeu. Et, chose rare mais la traduction est parfois bancale. Des fautes grossières sur des verbes au présent nous frustrent et empêchent de lire paisiblement le récit, ce qui peut gâcher le plaisir.

Les graphismes de Mediterranea Inferno sont à l’image du jeu. Elles sont singulières, ont une patte unique fascinante qui réussit à nous embarquer dans cet univers à la fois provocant et relaxant. L’utilisation du portable pour montrer les vrais lieux dans lesquels nous nous baladons donne vraiment du sens à notre petite escapade.

Nous avons aimé la diversité des décors, de la plage au cimetière, ainsi que toute la symbolique déployée dans l’histoire mais aussi visuellement autour de la religion et de l’Italie qui donne une réelle profondeur au jeu.

La bande-son n’est pas notre style musical habituel mais elle a réussi à nous plonger dans l’ambiance à la perfection et à nous captiver autant que l’histoire.

Ci-dessous, une vidéo présentant un bout de gameplay et donc du récit.