Dans un appartement sombre qui semble abandonné, vous prenez le contrôle d’un personnage aux airs fantomatiques. Hésitant, errant doucement dans les pièces, celui-ci finit par s’allonger sur le matelas nu d’un lit. L’instant d’après, son esprit semble s’envoler et vous déposer dans un endroit inquiétant, étrange mais fascinant. Vous voilà dans le monde de DARQ.
Créé par Wlad Marhulets, DARQ est sa première – et jusqu’ici seule – expérience de développement de jeu. Cherchant à créer un univers mêlant élégance, fascination et trouble, le résultat est à la hauteur de ses espérances, et récolte de très bonnes notes et critiques. Mais qu’en est-il dans le détail ?
Un casse-tête en 6 dimensions
DARQ est un jeu à la 3e personne, qui se joue en deux dimensions dans un monde en trois. Nous incarnons Lloyd, jeune garçon qui, à chaque niveau, se réveille dans un nouvel endroit recelant d’énigmes. La particularité principale du monde dans lequel nous évoluons est qu’il se calme sur un univers de rêve : le champ des possibles est ainsi agrandi.
Lloyd a ainsi la possibilité de marcher sur les différentes surfaces de ce monde, que ce soit murs ou plafonds, permettant ainsi d’explorer de fond en comble chaque endroit du « rêve ». À l’aide de ce pouvoir, nous pouvons ainsi résoudre certaines énigmes du jeu de manière que nous n’aurions pas imaginé. En plus de pouvoir nous déplacer sur les murs, il nous faudra ainsi parfois activer des leviers qui changent notre environnement, se souvenir de certaines combinaisons ou positions pour les reproduire sans les voir, réessayer encore et encore des scènes de course-poursuite aux pièges parfois frustrants…
À plusieurs reprises, nous nous retrouvons ainsi à devoir réfléchir de manière inhabituelle, à visualiser non pas simplement l’écran qui nous fait face, mais aussi tous les chemins possibles à utiliser pour arriver au résultat escompté, travaillant ainsi notre capacité de déduction dans une gymnastique mentale inhabituelle.
Le développeur s’est d’ailleurs bien amusé avec les énigmes, celles-ci étant assez recherchées et nous donnant ainsi l’occasion d’avoir quelques moments d’ »eurêka » assez satisfaisants. Même si la moitié ne sera pas de taille face à un fan d’énigmes aguerri, elles ont néanmoins toutes des mécaniques sympathiques qui satisferont les joueurs.
Un véritable travail d’ambiance
Le principal point sur lequel le développeur de DARQ souhaitait appuyer était la création d’une ambiance qui soit à la fois étrange mais également fascinante. Le monde de Lloyd est ainsi un qui nous effraie, mais aussi que nous souhaitons explorer, découvrir et observer. En utilisant très peu de musiques – faites par Bjørn Jacobsen, directeur du son de Cyberpunk 2077 et d’Hitman – nous restons dans une ambiance sonore intradiégétique, qui nous permet de réellement avoir le sentiment d’être aux côtés de Lloyd. Bruits de pas et autres sons inquiétants rappellent les cauchemars qui peuvent hanter nos propres nuits et nous vivons ainsi avec lui cette terreur fascinée.
Tout comme lui, nous nous retrouvons dans un monde inconnu, qui n’est pas familier, et qui regorge de détails. Il n’y a pas une seule parole qui est prononcée durant l’entièreté du jeu, et la narration se situe ainsi principalement dans ce que nous n’observons pas les décors, les réactions du personnage et les indices visuels. Les niveaux sont au nombre de sept (cinq principaux et deux bonus), chacun présentant un monde précis, personnel et différent, aux thèmes spécifiques et ayant sa logique propre
Tantôt nous nous retrouvons à bord d’un train et ses wagons, fonçant à grande vitesse, tantôt dans un hôpital, tantôt dans un théâtre et ses coulisses… Les niveaux partagent la même ambiance mais se différencient dans la foule de détails qui les caractérisent, ainsi que les ennemis qui les habitent. Il n’y a ainsi pas d’impression de répétition ou d’ennui, chaque niveau étant recherché et preuve d’un renouvellement quant aux mécaniques et à la création. Même le décor de l’appartement, sorte de » hub » entre les niveaux, est détaillé, avec les carreaux craquelés de la cuisine et le papier peint tâché.
Souvent comparé aux œuvres de Tim Burton, rappelant celles de M.C Escher ou de Lynch, étant aussi doté d’un style comparable au mouvement brutaliste allemand qui a inspiré de nombreux films, DARQ possède indéniablement sa propre patte artistique et nous plonge avec brio dans l’univers qui est le sien. Vu par certains comme similaire à Little Nightmares, Limbo ou encore Inside, il partage certes cette ambiance macabre et dérangeante, mais apporte sa propre individualité à ce palmarès, réussissant à s’imposer comme sa propre création.
Immersif, onirique, monochrome, sa direction artistique précise et inventive en font un titre très intéressant.
Une histoire fascinante, mais malheureusement peu mise en avant
Nous retrouvant ainsi tête la première dans le jeu, l’histoire qui est derrière reste « opaque », ressemblant à l’impression de détails flous qui caractérisent un rêve, fait sde sensations et de sentiments plus que d’une ligne claire et distinctive.
L’histoire peut très facilement nous passer au-dessus si nous ne lisons pas la bande-dessinée qui peut être trouvée dans le menu du jeu, une touche agréable qui permet, pour ceux à qui le jeu aurait vraiment plu, de se plonger dans toute la richesse de l’histoire imaginée par le développeur. Bien que nous puissions faire des suppositions à partir de ce que nous voyons dans le jeu, nous trouvons tout de même dommage de passer à côté d’une aussi grande partie de l’histoire à moins de lire la bande-dessinée correspondante. Cela rajoute un charme certain, et permet de laisser libre court à l’imagination du joueur, mais ouvre aussi la porte à la possibilité que certains ne prennent pas le temps de s’y pencher.
Centré sur l’histoire d’une mère et de ses difficultés, la bande-dessinée explicite énormément d’éléments du jeu et nous permet de le voir d’une manière totalement différente. Nous l’avons personnellement lu après avoir joué au jeu, et la découverte de tout cela a eu l’effet d’une véritable révélation. Traitant de thèmes importants avec des personnages réussis et intéressants, le tout entouré d’un style visuel agréable et de quelques références aux reflets magiques, cet ajout permet d’en savoir plus sur Lloyd et sur qui il est réellement…
Une aventure angoissante
DARQ n’utilise pas la peur à outrance et sait garder les moments de stress et « jumpscares » précieux. Nous pouvons ainsi évoluer avec Lloyd dans les différents niveaux sans réelle crainte, en apprenant simplement à reconnaître les caractéristiques des ennemis croisés, après avoir été attaqués par eux une fois, ou simplement en réfléchissant avant de se lancer tête baissée.
Certains moments néanmoins nous feront sursauter l’espace d’un instant, rappelant ainsi au joueur la nature de DARQ et une autre de ses particularités : Lloyd est inoffensif. En effet, nous sommes incapables de nous défendre, et devons ainsi éviter que les ennemis ne nous repèrent ou rattrapent. Cela crée un sentiment d’insécurité et de stress assez fort, fait de telle manière que nous nous retrouvons réellement stressés, et à mettre en doute certains de nos choix et mouvements. Il n’y a ainsi pas tant de moments précis de peur mais bien des instants d’angoisse face aux ennemis, et le désir instinctif de ne pas se précipiter, par peur de ce sur quoi on pourrait tomber dans la suite du niveau. Nous devons parfois également nous cacher, sans bouger, pendant de longues secondes durant lesquelles l’inquiétude est à son comble.
Un gameplay instinctif
Comme nous l’avons dit, DARQ se démarque par ses énigmes intéressantes et souvent recherchées. Il nous faut alors noter que le jeu commence de manière abrupte, ne passant même pas par l’écran d’accueil à la première partie, n’expliquant aucune commande du jeu ou mécanique. La découverte est celle du joueur, ce qui rappelle le motif du rêve qui est celui désiré par le développeur. Comme lorsque nous dormons, Lloyd et nous-mêmes ne questionnons pas ce que nous voyons, et nous nous débrouillons avec les éléments donnés. Cela rajoute des points quant à l’immersion, mais peut rendre le jeu difficile à appréhender pour certains – même si les contrôles restent extrêmement simples, notamment sur Nintendo Switch.
Les objets ramassés pour répondre aux différentes mini-quêtes qui nous font avancer sont ainsi utilisés de manières tout à fait étonnantes. Ceux-ci peuvent ainsi changer de taille ou bien être utilisés d’une manière qui ne nous paraît pas logique, mais qui reste explicable dans ce monde sans queue ni tête. Cela donne lieu à des situations cocasses, comme par exemple un mini-piano qui en devient un véritable, et qui n’a pour seul but que de briser le niveau pour accéder à un autre endroit. On joue ainsi à imaginer les solutions farfelues qui pourront être créées, on reste étonné par l’inventivité déployée par le développeur et découvre tout cela avec plaisir, toujours avec un soupçon d’idées glauques qui rajoute du plaisir, et que nous découvrons au fur et à mesure des niveaux.
Un mauvais point cependant est qu’il n’est pas possible de sauvegarder pendant un niveau, nous forçant ainsi à le finir d’un coup sous peine de le recommencer entièrement. Pas très longs, cela reste néanmoins assez frustrant lorsque nous sommes bloqués sur une énigme qui nous empêche d’avancer sur la suite.
DARQ Ultimate Edition est disponible sur l’eShop au prix de vingt-cinq euros.
Conclusion
Certains adoreront DARQ, d’autres passeront très vite à autre chose ou ne l’aimeront simplement pas, mais ce qui est sûr est que ce ne sera pas la tasse de thé de tout le monde. Avec un style bien à lui, une ambiance macabre et certains moments de lenteur et de monotonie, ce qui est pour certains une exploration fascinante sera pour d’autres d’un ennui profond. Rajoutons à cela que le jeu possède une durée de vie assez faible, et un potentiel de ‘rejouabilité’ proche de zéro, et nous obtenons les principaux points faibles de DARQ. Pouvant être terminé en moins de trois heures facilement, DARQ bénéficie de quelques secrets à trouver, et aussi par la prise de conscience que ceci n’est le travail que d’un seul homme, qui nous propose ainsi une entrée dans son monde interne et son imagination. Le style visuel est ainsi poli, précis, les animations sont belles et réussies, le design des personnages original et recherché, et le niveau de fin incroyablement bien réalisé et changeant du rythme de tout le reste du jeu, poussant au maximum les connaissances accumulées précédemment. DARQ est donc un petit bijou artistique, une expérience plus qu’un jeu auquel vous pourrez longuement jouer, mais une expérience qui vous restera en tête un bon moment.
LES PLUS
- Une ambiance réussie avec brio
- Une immersion parfaite
- Un gameplay facile à comprendre
- Un renouveau dans les mécaniques de jeu
- Ingéniosité certaine quant aux énigmes
- Des visuels retranscrivant l’ambiance onirique recherchée
- Un véritable casse-tête sur certains points
- Un titre original avec sa propre patte
LES MOINS
- Rejouabilité inexistante
- Très très courte durée de vie
- Énigmes pouvant être frustrantes pour certains
- Impossibilité de sauvegarder durant un niveau
- Une histoire qui aurait pu être plus clairement accessible
- Des énigmes parfois un peu trop simples
- Un style ne plaisant pas à tous