Connue pour ses opus précédents, la série de jeux des Death Mark a créé son phénomène à partir d’un savant mélange : le folklore horrifique traditionnel japonais, une histoire bien ficelée et ancrée dans notre présent, des personnages attachants et des illustrations à couper le souffle — d’admiration ou d’horreur… Teinté d’angoisse, mystérieux, beau, Spirit Hunter: Death Mark II nous emmène dans un monde où les esprits sont monnaie courante et nos talents de résolveur de mystères recherchés.
Nous nous retrouvons, comme dans le premier opus, dans la peau de Kazuo Yashiki, un chasseur d’esprits porteur d’une mystérieuse marque. Contacté par son directeur, il est amené à enquêter sur les disparitions arrivant à l’académie Konoehara, liées à l’esprit du « Departed » qui hante l’école et semble très attaché à notre enquêteur… Chaque chapitre se base sur des lettres laissées dans l’enceinte de l’école, donnant des indices sur la prochaine cible, que nous nous efforçons – souvent en vain — de protéger.
Une ambiance stressante à souhait
L’atmosphère sonore est l’un des points qui nous a le plus marqué, le travail sur les sons étant très pointilleux. Lorsque l’on joue au casque – ce que nous conseillons, au fond de son lit, en pleine nuit, on peut ainsi se plonger véritablement dans le jeu dans son entièreté. Que ce soit des bruits angoissants, tels que le sifflement du vent qui ressemblerait à un rire au loin, d’autres sons plus alarmants, nous mettant sous tension et à l’affût du monstre qui ne doit pas être loin ou encore des bruits peu ragoûtants durant les scènes gores, tout est fait pour jouer avec nos nerfs et faire monter ce sentiment d’angoisse. Étant l’un des points les plus importants dans la réalisation de l’horreur, ce fut un plaisir de découvrir que le travail avait été fait sur cette partie.
La conception sonore rajoute donc encore au malaise du joueur, et rapidement, vous vous sentirez entourés d’une multitude d’esprits, grâce à un mix de mastication, de bruits de gouttelettes de liquides inconnus, de lames aiguisées et de chuchotements angoissants.
L’atmosphère sonore est ainsi très poussée, mais les thèmes musicaux ne sont pas en reste. Ceux-ci vous emporteront au creux des mystères de l’académie Konohera, toujours angoissante, mais souvent teintée d’un fascinant mystère. Les voix sont également bien trouvées, même si elles ne suivent pas réellement le dialogue, se contentant de le ponctuer. Elles ajoutent une dimension assez intéressante au jeu, rendant les personnages encore plus présents et réalistes, nous rapprochant d’eux et de leurs peurs, presque palpables.
Un univers précis et reconnaissable
Les illustrations sont toutes très belles et précises, nous plongeant instantanément dans l’univers de la série, entre poésie et macabre. Surprenamment détaillées dans leur niveau de gore, parfois très graphiques, elles pourront sans doute heurter la sensibilité de certains, mais ajoutent sans aucun doute de la profondeur à l’horreur de ce jeu. Les sprites des personnages sont également très expressifs, ajoutant de la personnalité au beau monde qui nous accompagne. Découvrir la série à travers ce jeu a personnellement été un plaisir, et donne réellement envie d’en savoir plus sur cet univers.
Au niveau bémol, nous noterons l’utilisation du fanservice, notamment dans ce contexte où nous incarnons une figure d’autorité masculine plus âgée. La présence de ce motif est assez désagréable – surtout au vu du nombre de sous-entendus pendant le jeu entre les étudiantes et le personnage principal. Il fallait s’y attendre, mais cela reste quelque chose d’assez déplacé, surtout lorsque les personnages représentés sont mineurs, et dans des moments qui ne semblent pas du tout faits pour cela – par exemple, la mort imminente d’un personnage important, mis pour une obscure raison dans une position aux sous-tons sexuels…
Le body horror est également fortement mis en avant dans cet opus, ce que nous trouvons très appréciable. Assumé, il apporte une véritable touche identitaire au jeu. Sans rentrer dans les détails, quelques mots-clés : champignons, ciseaux, insectes, visages enflés, noyés.. Plein de belles choses en perspective, quoi !
L’utilisation, notamment durant les affrontements, de l’animation, est intéressante et donne plus de vie aux personnages et esprits. Néanmoins, certains mouvements rendent quelques opposants un peu ridicules et cartoonesques, leur ôtant leur aspect angoissant, et elle aurait pu être plus précise pour éviter cela.
Une écriture qui tient en haleine
Étant donné que nous sommes face à un visual novel, il est évident que l’histoire est l’un des éléments les plus importants du jeu. Fort heureusement, celle-ci est intéressante et bien pensée, nous laissant deviner certains détails jusqu’au bout. Les chapitres, bien qu’indépendants, se rejoignent autour de la ligne directrice du personnage du « Departed », entité qui semble être derrière toutes les victimes. Le grand final de Death Mark II est ainsi fort par sa construction et sa manière insidieuse de s’installer en nous forçant à écouter et comprendre l’autre.
L’utilisation d’éléments connus du folklore japonais est un véritable plus, permettant aux joueurs de se familiariser avec certains de ses aspects avec, par exemple, les personnages de Hanako-san ou Kokkuri-san, dont on rencontre des versions revisitées. À travers les rumeurs courant l’école, où les étudiants essaient de faire sens de ce qu’ils voient par ce qu’ils connaissent, nous en apprenons plus sur ces grandes figures que nous ne connaissons la plupart du temps pas. Les créateurs ré-insufflent la vie dans ces légendes urbaines, ce qui ne manquera pas d’intéresser les plus curieux et de plaire à tous ceux qui connaissent déjà bien ces histoires.
L’écriture est également réussie dans l’ambiance qu’elle installe. On croit en effet à ces rumeurs courant les couloirs de l’école, et chaque esprit est un mélange intéressant entre légende urbaine colportée par les étudiants et le véritable sort de la victime, souvent aussi sordide. La narration est ficelée, chiadée, et on se sent surpris à vouloir en découvrir plus et élucider chaque mystère présenté.
Il n’est, en plus, pas forcément simple de deviner à l’avance l’identité de l’esprit vengeur principal, ou les motivations réelles de chaque entité, ce qui rend l’expérience encore plus intéressante. Les scénarios de jeu horrifiques sont souvent relativement simples à comprendre, ici la plupart pourront se poser des questions sur certains points jusqu’à la fin.
Avec son écriture réussie, le jeu n’est pas extrêmement long, mais cela reste raisonnable au vu de l’histoire qui nous est proposée, qui ne manque de rien et se suffit à elle-même. De nombreux sujets abordés sont d’ailleurs assez sensibles, donc faites bien attention à la liste des avertissements avant de commencer à jouer…
Les personnages, cœur de la narration
L’écriture se concentre également énormément sur les personnages, très bien écrits. Bien que l’on reste proche de stéréotypes pour une bonne partie d’entre eux, chacun se démarque par des dialogues permettant d’en apprendre plus sur leur histoire. La présence d’autres porteurs de la marque, issus du premier jeu, est à la fois une occasion pour les aficionados de la série de les revoir, mais aussi de pouvoir les perdre dans cette quête aux esprits. Il faudra faire preuve d’astuce et faire attention aux détails pour les sauver. Il y a nombre de références aux opus précédents et aux relations que chacun a tissé avec notre personnage, les rendant de plus en plus attachants au fur et à mesure de l’aventure, leurs petits commentaires et leur présence nous accompagnant. Attention toutefois à ne pas trop vous attacher, certains pourraient bien vous être arrachés si vous n’êtes pas irréprochables…
Les différentes histoires racontées sont souvent tragiques, bien écrites et sauront émouvoir la plupart des joueurs. On se sent au plus proche de l’histoire des esprits, souvent les véritables victimes des chapitres. Certaines morts, inévitables, sauront renforcer ce sentiment d’impuissance qui nous saisit pendant une bonne partie du jeu.
L’écriture ne tombe pas non plus dans un scénario trop manichéen : nous ne sommes pas les « gentils enquêteurs » contre les « méchants esprits », mais devons au contraire comprendre leur histoire et leur parcours avant d’avoir la possibilité de les affronter. Ces affrontements sont d’ailleurs dans le but de leur apporter la paix, de résoudre ce qu’ils n’ont su comprendre ou savoir de leur vivant, ou leur apporter justice, afin qu’ils puissent passer pour de bon dans l’au-delà. L’aspect humain et empathique est donc mis en avant dans ce jeu, et il ne faudra ainsi pas s’attendre à des combats mais plutôt à des tentatives de survie – jusqu’à arriver à la solution.
Un design parfaitement adapté
Le jeu est parfaitement adapté à la Switch. En jouant sur grand écran, les illustrations n’en sont que plus belles, et nous avons le loisir de regarder en détail chaque partie de cet écran qui nous est offert. En mode portable, l’ambiance peut être encore plus forte, rajoutant cette impression de peur par la solitude et l’intimisme de ce mode. La prise en main est intuitive et très agréable, laissant le loisir au joueur de jouer automatiquement les dialogues, sans avoir à appuyer encore et encore sur les mêmes touches. Le menu est accessible en tout temps, nous pouvons cacher l’interface pour observer plus en détail les illustrations, retourner à l’infirmerie en un claquement de doigts si nous le souhaitons, en bref, tout semble avoir été conçu pour faciliter l’expérience du jeu.
Nous pouvons également choisir de montrer les jumpscares ou non, ainsi que les éléments de gore, rendant l’expérience accessible et agréable pour un plus grand nombre de personnes. Cela est aussi très utile pour les streamers et autres créateurs de contenu, et bien joué de la part des développeurs…
Des nouveautés de gameplay
Là où les précédents opus étaient un mélange d’écrans fixes, propres aux visual novel, et de phases de point-and-click, celui-ci ajoute un autre élément : le déplacement en side-scrolling 2D. Ceux-ci sont fluides et permettent de créer un sentiment de liberté qui n’existait pas auparavant, que l’on apprend à apprécier. Néanmoins arrive assez rapidement un sentiment de répétition, notamment à cause des couloirs se ressemblant tous un peu…
L’utilisation de ces mouvements laisse donc une liberté au joueur mais éloigne aussi celui-ci de la tension présente à l’écran, là où le premier opus se passait à la première personne à tout instant. Par rapport aux visual novels classiques, il y a donc de nombreux moments d’exploration qui, malheureusement, n’apportent pas tant que ça au jeu, à part ce faux sentiment de liberté – liberté de vagabonder jusqu’à arriver à la salle de la suite des événements. L’exploration n’est pas l’un des points forts du jeu étant donné que nous sommes souvent sur les mêmes environnements. Parfois, nous serons amenés à quitter l’enceinte de l’établissement, ce qui est très appréciable, mais la majorité du temps sera passé à arpenter les mêmes couloirs. Cela dit, découvrir petit à petit différents recoins du lycée – piscine, salle d’art, toilettes et autres – le rend de plus en plus anxiogène. N’y a-t-il pas un lieu où l’on peut rester tranquille, qui ne soit pas hanté ?
Malgré tout, le fait de voir son personnage ne laisse plus de surprise quant au danger qui l’entoure. Là où l’immersion faisait partie des plus grands points positifs des premiers opus, la tension perd un peu de sa force par des décisions telles que celle-ci.
Pouvoir se familiariser avec l’environnement, allant même jusqu’à courir le long des couloirs, fait que le joueur ne se sent plus en danger dans le monde créé par les développeurs. Ceci, malgré les jumpscares, qui sont uniquement présents durant les écrans de chargement – et donc plus si surprenants…
Une autre nouveauté est celle des objets à trouver, les Lost Souls. Il y en a entre 5 et 10 par chapitre, et permettent l’achat de différents objets dans l’infirmerie – la base et le point de sauvegarde principal. Ces objets permettront de faciliter votre aventure, mais il vous faudra choisir ceux qui vous semblent être les plus utiles. Elles augmentent également les stats de nos personnages, ce qui se révèle crucial pour la suite des événements, les erreurs coûtant de plus en plus.
Des phases d’action haletantes… ?
Les différentes phases de combat comptent ainsi sur nos propres capacités de déduction. Le joueur est ainsi amené à utiliser d’une manière précise des objets trouvés durant l’aventure, en se basant sur ce que l’on sait de nos personnages et de leurs histoires.
Les combats sont en réalité des enchaînements de choix d’actions, qui ne trouvent leur logique qu’une fois que nous avons tous les éléments en main. Sans pour autant que cela soit trop difficile, certains choix pourront parfois nous prendre de court. L’utilisation, durant ces phases, de RNG pour déterminer la réussite ou non des actions est parfois un peu frustrante, mais permet également d’apprendre l’anticipation, et nous force à être toujours préparés, à la manière d’un RPG.
Les porteurs de marque qui nous accompagnent ont également chacun leur spécialité, de la dextérité à la force en passant par le charisme, permettant de nous débloquer de certaines situations. Il faudra ainsi créer un savant mélange de tous ces éléments pour mener à bien ces phases d’action, et réussir à calmer l’esprit vengeur du chapitre.
Petit à petit, le jeu perd un peu de son effet également. La formule qui nous surprend au début finit par être un peu redondante, et le système ne se renouvelle pas forcément – par exemple en donnant la possibilité de commencer les combats sans avoir tous les éléments en main, ou en laissant un temps de réflexion limité –, ce qui aurait pu mettre au défi le joueur et ne pas le laisser se reposer sur un système qu’il commence à maîtriser.
Là où les premiers opus sont réputés pour quelques énigmes difficiles, celui-ci a souvent été vu comme trop facile par rapport aux autres. Ne pouvant en attester, tout ce que nous pouvons affirmer est : en effet, il ne faut pas non plus trop se creuser la cervelle. Si l’on prend le temps de bien lire les informations récoltées, les conclusions se révèlent souvent être véritablement sous notre nez.
Il y a peu de difficulté également durant les Suspensive Acts, qui seront plus une source de frustration – à cause du manque d’HP – que de remue-méninges.
Une utilisation intelligente des choix
Dans ce jeu, la notion de choix est extrêmement importante. Mentionnée dans les différentes histoires, elle nous accompagne tout du long : des choix qui impactent nos relations avec les personnages, des choix pas toujours innés qui rajoutent un peu de challenge à l’action, des choix qui ont parfois de plus lourdes conséquences, qu’on ne connaîtra que plus tard.
Dans le scénario, les événements qui se déroulent auraient pu souvent être réglés par un choix : le choix d’écouter et de croire, de se rebeller ou celui de rester… Tout cela donne un goût doux-amer au scénario qui, au-delà d’une simple histoire d’horreur, devient une véritable leçon de vie. Quels choix faisons-nous au quotidien ? Quelles en sont les conséquences ? Les possibilités de lecture sont aussi nombreuses que les joueurs, en ce que chacun pourra y trouver ses propres échos et être touché différemment – ce qui, à nos yeux, fait prendre tout son sens à l’écriture.
Une durée de vie satisfaisante
Il faudra entre 12 et 20 heures pour terminer le jeu dans son entièreté. En plus des chapitres principaux, il en existe un bonus, qui permet de ficeler l’histoire et de vraiment avoir le sentiment d’avoir terminé, d’enfin connaître tous les secrets de l’académie. Les développeurs nous laissent tout de même une fenêtre de rejouabilité : trouver les objets manquants, mais aussi explorer d’autres combinaisons de dialogues, nous permettant – ou pas – de sauver un peu les meubles, pour ceux qui n’auraient pas réussi à garder leurs coéquipiers en vie.
Il y a plusieurs fins au jeu, contrairement aux opus précédents où chaque chapitre pouvait finir de différentes manières. Là, les seuls changements par chapitre concernent l’état de santé de vos coéquipiers…
Elles sont au nombre de trois : une mauvaise, une bonne, et une « véritable », qu’il est intéressant de découvrir par soi-même. Cette dernière recherche permettra à ceux ne se sentant pas satisfaits de, peut-être, avoir enfin l’impression de réussir à comprendre les secrets du « Departed »…
Attention, le jeu n’est disponible qu’en langue anglaise.
Conclusion
Death Mark : Spirit Hunter II est un jeu qui plaira à une grande majorité de fans d’horreur. Visual novel à la base, celui-ci se démarque néanmoins du genre par son rapprochement, dans cet opus, avec le monde des RPG. Brillamment illustré – sauf pour quelques animations un peu ridicules, avec un design sonore marquant et mettant assez mal à l’aise, ce jeu excelle par l’ambiance créée et l’angoisse qu’il procure. Très bien écrit, nous mettant au plus proche des sentiments des personnages, cet opus saura vous guider doucement mais sûrement vers les solutions. Parfois un peu trop facile, il ne plaira peut-être pas à tous les fans de la série originelle, mais reste, pour les néophytes, une excellente découverte qui donne envie d’en apprendre plus !
LES PLUS
- Magnifiquement bien illustré
- Un scénario bien ficelé
- Des personnages attachants
- Abordable même pour les joueurs ne connaissant pas la série
- Des éléments de gameplay bien pensés Une IU bien pensée
- Ergonomie parfaite pour la Switch
- Une ambiance sonore sans défauts
LES MOINS
- Des animations parfois un peu ridicules
- Souvent un peu trop facile dans la résolution de certaines énigmes
- Du fanservice non nécessaire (à moins qu’il ne soit là, lui aussi, pour rajouter de l’horreur !)
pourrait on annoncer les langues proposées en début de test ? Histoire d’éviter la déception en fin d’article.
Merci.
On vie quand même dans un monde d’assistés.
Wow. juste, wow.. Je n’ai pas été autant hypé par un jeu suite a la lecture d’un test depuis…FF9 dans le magazine Console Max! Vous avez un vrai talent d’écriture et on sent réellement que vous avez apprécié votre expérience !
Je vous félicite pour la qualité de votre article et merci de m’avoir fait découvrir ce jeu!