Mistwalker est un studio créé en 2004 par Hironobu Sakaguchi, connu pour avoir été le père fondateur de la célèbre série Final Fantasy après son départ de Square Enix. Il poursuit des projets de RPG sur consoles comme Blue Dragon, Lost Odyssey ou The Last Story. Le dernier cité sort en 2011, signe le retour de Sakaguchi en tant que directeur depuis 1992 et devient le dernier projet consoles du studio. Mistwalker se tourne alors sur le développement de jeux à plus petite échelle pour smartphones. En 2018, Mistwalker annonce Fantasian à l’attention du service Apple Arcade, projet qui sort en 2021 et marque le retour de Sakaguchi sur un RPG avec récit narratif majeur. Une version améliorée (proposée avec le soutien de Square Enix, une première pour Sakaguchi après 21 ans !) est annoncée bien après la sortie initiale. Le jeu sort sur plusieurs plateformes dont la Nintendo Switch et c’est ainsi que nous nous retrouvons à vous parler plus en détails aujourd’hui de FANTASIAN Neo Dimension.
Encore une ultime fantaisie par Sakaguchi ?
Un peu comme dans l’animation avec Hayao Miyazaki qui enchaîne les “derniers projets”, dans le jeu vidéo et dans le RPG nous avons Hironobu Sakaguchi. Alors celui-ci n’est pas aussi âgé et n’a jamais nécessairement parlé de prendre sa retraite après chaque projet qu’il fait naître mais nous ne sommes certainement plus très loin du compte. Après tout, son compagnon sonore qui l’a toujours accompagné sur ses projets de RPG annonce, lui, réduire son implication dans le jeu vidéo après FANTASIAN. Nous reviendrons sur la partie sonore et le compositeur Nobuo Uematsu plus tard. FANTASIAN est un retour de Sakaguchi à ses amours de RPG à récits narratifs après avoir passé 10 ans à faire des jeux de surf ou des hybrides de puzzle-RPG pour smartphones.
FANTASIAN Neo Dimension débute par une sublime cinématique qui nous présente un genre d’univers futuriste avec un jeune homme aux cheveux blancs, habillé de noir, parcourant joyeusement un chaos robotique avant de sauter d’une tour. Notre jeune homme se nomme Léo et nous le retrouvons après cette petite présentation, totalement amnésique et face contre sol. Il est accompagné par ce qui semble être des alliés non-humains qui nous encouragent à poursuivre notre avancée dans un complexe aux allures d’usine à robots de science-fiction. Nos alliés nous incitent à faire vite avant que “cette chose” ne nous rattrape. Ce début de jeu présente quelques éléments d’explorations de RPG basiques ainsi que les fondations de son système de combat au tour par tour sur lequel nous allons revenir. Toujours est-il que “cette chose”, un genre de gros robot très hostile qui semble vouloir notre mort, finit par nous rattraper et nous bloquer la route.
Les évènements se succèdent et Léo parvient à retrouver des fragments de souvenirs à un instant critique, lui permettant de se rappeler d’un lieu, d’une jeune fille et d’activer une machine le téléportant vers le lieu de ces souvenirs. Nous atterrissons alors dans un petit village en milieu aride à la recherche de nos souvenirs. Nous rencontrons des gens qui semblent nous reconnaître et nous mettent sur la piste d’un voyant qui pourrait nous en apprendre plus sur notre passé et notre futur. Par ailleurs, la toile de fond du jeu nous est présentée avec le phénomène de Mechteria : une maladie mécanique volant les émotions et la vie des humains. Un phénomène lié au malveillant Vam considéré comme une divinité maléfique par les habitants du monde et menaçant la vie de ceux-ci. Sur la piste du voyant, nous retrouvons Kina, la jeune fille de nos souvenirs.
Nous apprenons qu’elle a sauvé notre héros une première fois par le passé en usant de magie curative alors que celui-ci était en proie à un poison transmis par des fleurs. Le voyant Owen se présente comme étant le tuteur de Kina et lui apprend à maîtriser ses pouvoirs. Il a également instruit à celle-ci de cacher ces pouvoirs, ce qui nous amène à penser que Kina joue un rôle clé dans cette intrigue. Nous ne développerons pas beaucoup plus pour ne pas gâcher la surprise mais FANTASIAN Neo Dimension nous fait vivre une quête de souvenirs perdus à travers de nombreuses dimensions du monde accompagnée d’un casting de personnages attachants afin de mettre fin à la Mechteria. Une quête d’une vingtaine ou trentaine d’heures voire beaucoup plus selon l’implication de chacun sur le 100%.
Un rythme de jeu et une écriture assez linéaire en première partie puis assez décousus avec plein de quêtes en seconde partie. Une liberté bienvenue sur la deuxième partie de l’aventure rappelant simplement les classiques du JRPG. Toujours des inédits en suivant le fil rouge mais beaucoup de redite en s’attardant sur les annexes. Le scénario est globalement comme la progression : un classique fantastique du genre. Des rebondissements et des développements prévisibles mais le tout fonctionne et nous embarque sans trop d’efforts. Avec FANTASIAN Neo Dimension, le père de la série Final Fantasy arrive à nous faire passer des messages humains et émouvants comme il a su le faire à travers les fantaisies dans lesquelles il a été impliqué chez Square Enix. Osons même dire que FANTASIAN propose un récit que nous attendons d’un Final Fantasy et qu’il est cet opus majeur solo que nous n’avons plus eu depuis presque 20 ans.
Un soutien sans traduction et frustrant
Cette similitude a certainement motivé Square Enix à collaborer avec Mistwalker pour cette arrivée sur consoles. Pourtant, la collaboration ne semble exister que dans la forme puisque en s’attardant un peu dans le détail, nous constatons avec amertume que Square Enix ne va pas au bout des choses. Un soutien relatif à Sakaguchi qui porte encore les marques d’un passé douloureux entre l’éditeur et le monsieur, puis l’impression très subjective que Square Enix, ne sachant plus ce qu’est Final Fantasy, ne souhaite pas nécessairement mettre les moyens pour promouvoir pleinement des projets proches de cette vision plus authentique de la série afin de ne pas faire d’ombre à ce que l’éditeur considère comme étant l’avenir de Final Fantasy. Encore une fois, une impression très personnelle que nous ne faisons que partager tout en respectant les visions et les préférences de chacun.
Pour en revenir sur notre impression de soutien relatif, elle est principalement dû au constat dès le lancement du jeu de la traduction uniquement anglaise. Nous ne parlons pas d’un petit éditeur avec des moyens limités, mais de Square Enix ! Un jeu comme FANTASIAN Neo Dimension aurait dû avoir une traduction en plusieurs langues dont le français. Nous nous retrouvons donc avec une localisation similaire à la version initiale du jeu disponible sur Apple Arcade, la différence étant que cette version console se veut comme étant une version améliorée… sans traduction française ! Il nous faut donc parler des autres éléments pour comprendre les différences, le principal étant que sur Apple Arcade le jeu était sorti en différé et en deux parties. FANTASIAN Neo Dimension propose tout en un seul titre.
Cette sortie sur consoles s’accompagne également d’une résolution supérieure sur les machines capables de capacités techniques élevées. Sur Nintendo Switch, ne vous attendez pas à profiter de cette amélioration. Nous avons un jeu au moins aussi beau que la version originale, ce qui est déjà très bien sur Switch en portable comme en TV. Petites chutes de framerate tout de même à quelques occasions et quelques temps de chargement avant les combats un peu longs qui peuvent fâcher sans totalement gâcher l’expérience de jeu. Au-delà de ces petits désagréments, encore une fois, la version Switch reste très belle. Les cinématiques sont sublimes et le rendu des décors du jeu est magnifique.
Pour ceux qui n’ont pas suivi, les équipes de Mistwalker ont mis le paquet sur la réalisation et ont joué dans l’originalité. Les décors sont de véritables dioramas scannés par de toutes nouvelles techniques de photométrie. Un réalisme de beauté différent du photoréalisme et des œuvres FMV. Mistwalker se vante de l’utilisation de plus de 150 dioramas, produits par plusieurs grands artistes et spécialistes de cet art, (des créateurs ayant travaillé sur Godzilla par exemple), vous donnant ainsi une idée de la grande variété de décors que nous traversons dans FANTASIAN. Nous avons même apparemment la participation de feu Akira Toriyama. Les décors sont criants d’un réalisme unique dans le jeu vidéo et nous ne pouvons que saluer Mistwalker et leur collaborateur pour cet effort de réalisation.
Le tout ne se maîtrise pas en un jour et Mistwalker avoue avoir fait face à de nombreux obstacles de création. Mais les efforts ont payé puisque FANTASIAN Neo Dimension peut se targuer d’être un des plus jolis et plus propres jeux du catalogue de la Nintendo Switch. Nous parlons de beauté pure car encore une fois, globalement, le framerate fait quelques sursauts, quelques temps de chargement longs et des angles de caméra fixes certainement dû aux dioramas rendent nos déplacements sur les décors un peu confus. Autre probable défaut, le fait que les personnages et éléments graphiques intégrés sur ces dioramas puissent mal s’associer et faire buguer notre inconscient.
Passons la réalisation. Parmi les éléments d’améliorations de l’expérience FANTASIAN, nous avons désormais un doublage japonais ou anglais quasi-intégral. Les moments clés de l’histoire et même les dialogues de quêtes annexes bénéficient d’un doublage. L’histoire de FANTASIAN n’est pas uniquement développée à travers les cinématiques et scènes importantes mais aussi par des moments narratifs qui, associés au doublage, donnent un résultat proche des récits audios. Nous avons de temps à autres des passages dont la progression se fait tel un Visual Novel avec des écrits apparaissants, des petits effets d’animation et des visuels en arrière-plan. Des moments totalement inspirés et repris sur “Un millénaire de rêve”, un récit développé dans Lost Odyssey, ancien jeu de Mistwalker. Ces passages sont empreints d’une poésie et d’un lyrisme unique dans le RPG que nous avons adoré parcourir. Le doublage les rend moins monotones, plus “expressifs”. Ainsi, seules quelques petites conversations très mineures de PNJ ou des écrits de lore sont sans voix.
Le retour d’une fantaisie authentique presque sans faute
En continuant sur la partie sonore, nous l’avions très brièvement mentionné, mais Nobuo Uematsu accompagne encore une fois un projet de Hironobu Sakaguchi. Selon les dires, la composition fut difficile au vu de certains problèmes de santé mais le compositeur a su aller jusqu’au bout du projet en suggérant même légèrement plus de thèmes que Sakaguchi avait initialement demandé. Nous pouvons entendre des musiques de villes aux allures de Final Fantasy IX ou des sonorités proches de Lost Odyssey, certains chantés sont d’une beauté sans pareil et les paroles toujours liées au récit du jeu. Puis il y a aussi des thèmes uniques, expérimentaux et une abondance de synthétiseur, un peu comme si le compositeur voulait aussi se faire plaisir une ultime fois en tentant des choses jamais explorées pour terminer sa carrière en beauté.
Alors, Nobuo Uematsu n’a pas annoncé une retraite complète mais un éloignement de son implication sur une bande-sonore complète pour un jeu vidéo et une volonté de composer des choses qui lui tiennent à cœur. Il est probable que nous l’entendions encore après FANTASIAN. Si le travail original de Uematsu ne vous satisfait pas, Square Enix s’est permis une petite folie avec le budget relatif allié à FANTASIAN. L’éditeur propose ainsi de changer les musiques de combats à n’importe quel moment avec celles des derniers jeux Final Fantasy en date (Final Fantasy XIV, XVI, remakes du VII et même Pixel Remaster). Un bonus sympathique bien que nous aurions préféré que le budget alloué soit utilisé pour une traduction.
Autre option bonus ajoutée sur cette version consoles, un niveau de difficulté “Normal” pour rendre le jeu plus accessible à tous. FANTASIAN avait une réputation d’expérience de RPG très old-school et authentique avec une difficulté lors des combats qui a su faire rager énormément de personnes. Ce passage était l’occasion de rendre le jeu plus praticable pour les joueurs (une traduction aurait clos le dossier de l’accessibilité). Il ne nous reste désormais plus qu’à détailler le système de combat proposant une expérience traditionnelle, bien plus confortable que les expériences dite old-school et un soupçon de nouveauté sans faire dans le révolutionnaire.
Le système de combat est au tour par tour. Nous avons un historique indiquant l’ordre des tours de chaque unité. Un système de résistance et de faiblesse élémentaire puis l’absence de menu de commande lourd pour un système d’action rapide d’accès sur la pression d’une touche sur notre manette. Très bonne chose pour apporter plus de confort au jeu et une petite pincée de modernité. Parmi les nouveautés, selon les unités, nous avons en visuel une ligne ou une courbe indiquant l’ennemi que nous visons. Il est possible d’attaquer simplement la cible en face de nous ou alors, avec Kina, de courber sa ligne de magie pour faire un arc de cercle permettant d’atteindre un ennemi à l’arrière de la ligne de front. Puis au-delà de ça, certaines magies peuvent traverser et toucher plusieurs unités en une utilisation. Il s’agit ainsi de courber cette ligne de sorte que notre magie passe par plusieurs unités, ce qui apporte une dimension plus stratégique et interactive aux combats sans révolutionner les systèmes tour par tour.
Autre petit élément sympathique : nous débloquons rapidement la possibilité d’envoyer des ennemis que nous connaissons dans une autre dimension à l’aide d’un appareil, ce qui nous permet d’éviter intelligemment de se faire harceler par des rencontres aléatoires et de pouvoir explorer des lieux tranquillement. Attention cependant ! Si nous dépassons cette limite, les ennemis ressortiront d’eux-mêmes de l’autre dimension et nous devrons tous les vaincre en une fois. Nous avons le contrôle sur l’appareil jusqu’à 30 ennemis. A vous de décider de la meilleure manœuvre à suivre.
Il est même possible de désactiver la mécanique pour simplement jouer les rencontres aléatoires normalement. Une belle manière d’allier traditionnel et authentique avec modernité. Il manque cependant un petit quelque chose, présent sur la version Apple Arcade et théoriquement possible sur Nintendo Switch à défaut de ne pas pouvoir proposer les résolutions ultra-HD des autres plateformes : le tactile. Il aurait été logique de le proposer en mode portable sur Nintendo Switch. Nous avons peut-être loupé une option dans les menus et dans ce cas-là, toutes nos excuses, mais il nous a semblé impossible de jouer en mode tactile lors de nos sessions en portable. Cela aurait apporté sa petite touche de modernité, d’intuitivité et d’accessibilité.
FANTASIAN Neo Dimension est disponible en physique comme sur l’eShop au prix de soixante euros.
Conclusion
Le légendaire duo Nobuo Uematsu et Hironobu Sakaguchi nous délivre un ultime RPG de fantaisie d’une grande qualité avec FANTASIAN Neo Dimension. Si nous ne comptons pas la précédente sortie Apple Arcade, c’est également un retour sur du gros RPG consoles après plus de 10 ans d’absence et un retour “à la maison” avec la présence de Square Enix dans l’équation sur cette nouvelle version du jeu. Une collaboration qui permet à cette version de proposer une expérience tout-en-un, plusieurs bonus ainsi qu’un nouveau mode de difficulté pour rendre le jeu accessible au plus grand nombre de joueurs. Ces derniers peuvent alors découvrir un RPG traditionnel et authentique, un véritable “Final Fantasy” avec de magnifiques dioramas uniques à admirer et à parcourir partout sur Nintendo Switch. Le seul véritable problème de poids de cette proposition plus accessible, c’est de ne pas avoir su proposer un budget pour la traduction en d’autres langues que le japonais et l’anglais. Une expérience classique du RPG et de grande qualité prônant l’accessibilité sans traduction, un auto-sabotage très décevant et impardonnable d’un grand éditeur comme Square Enix.
LES PLUS
- La grande variété des dioramas et la réalisation incroyable
- De magnifiques cinématiques
- Une expérience très solide et confort du RPG tour par tour
- Quelques petites nouveautés modernes sympathiques
- Une durée de vie plus que convenable dans le genre
- Un scénario émouvant, des personnages attachants
- L’apport du doublage pour plus de vie et d’expressivité
- Les récits et souvenirs façon récits audios
- Des voix japonaises ou anglaises au choix
- Une ultime OST de grande qualité par Nobuo Uematsu
- Les OST de combat de Final Fantasy en bonus par Square Enix
- Une expérience complète incroyable en portable et en TV
LES MOINS
- Un framerate qui fait des caprices
- Les temps de chargement un peu longs avant les combats
- Déplacements confus à cause de la caméra
- Quelques éléments graphiques mal intégrés aux dioramas
- L’absence étrange du tactile en mode portable
- Les adorateurs de FF action vont faire la gueule
- Un récit convenu avec des dénouements attendus
- La traduction uniquement anglaise, une véritable honte