En 2018, un prototype voit le jour sous le nom de Soul Keeper: The Enslaved Witch, développé par un éditeur indépendant. Un jeu aux fortes influences telles que Mega Man ou Metal Slug. Puis, le temps passe, et après de nombreuses péripéties, le projet évolue tout en gardant ses fondations et devient Spirit Mancer. Nous vous proposons de découvrir le premier jeu du développeur thaïlandais Sunny Syrup Studio, édité par Dear Villagers. Voyons si les chasseurs de démons ont de beaux jours devant eux, ou s’ils préfèrent jouer aux cartes.
L’esprit avant les muscles ?
Dans une introduction en pixel art 2D du plus bel effet, voici les bases de l’histoire : il y a bien longtemps, les humains et les démons vivaient en harmonie dans le monde d’Inferno (le monde d’origine des démons et autres monstres). Mais la paix ne pouvait durer éternellement, et après que les démons aient trahi les humains, une guerre éclata entre ces deux peuples, conduisant les humains à sceller le monde d’Inferno et à revenir dans leur monde.
Bien des années plus tard, dans une époque futuriste, une milice nommée Soul Keepers a pour principale mission de protéger le monde des humains et l’équilibre entre les populations. Malgré tout, au cours d’une mission de routine, Sébastian (héros principal caractériel et indiscipliné) brise accidentellement le sceau d’Inferno, ce qui va propulser son équipe et lui-même au cœur de ce monde déserté par les humains depuis bien longtemps.
Coup de chance, une fois sur place, notre jeune effronté ne tardera pas à apprendre qu’il serait l’élu d’une prophétie, capable de maîtriser le Spirit Mancer et de mettre fin aux méfaits de la reine démoniaque. L’objectif est donc simple : retrouver vos amis, former une alliance avec les autochtones locaux pour retrouver la clé du portail entre les mondes et mettre un terme au règne de la vilaine méchante cornue.
Spirit Mancer est un jeu du type Action / Hack’n’Slash / Deckbuilding en side-scrolling avec un peu de plateforme. Oui, la mixité des genres peut sembler généreuse, mais c’est à l’image du jeu, qui l’est tout autant. Dans la pratique, Spirit Mancer n’oublie pas ses classiques et va proposer trois mécaniques essentielles au cours du jeu : alterner entre plusieurs effets pour briser les boucliers de vos ennemis, éclater la tête des monstres sur votre chemin puis les capturer, et enfin, créer votre deck de démons à invoquer en combat.
Avant d’aborder les mécaniques du titre, il est à noter que vous avez là un jeu, traduit intégralement en français, et de toute beauté. Le pixel art est soigné, autant dans ses animations que dans ses personnages et ses décors fourmillants de détails. Les développeurs proposent même des cinématiques animées assez bien faites, compte tenu du fait que les indépendants nous habituent de plus en plus aux scènes à plans fixes. Il est important de souligner et de féliciter cet effort. L’ambiance est résolument rétrogaming dans l’esprit, et ce jusque dans les musiques qui sont globalement très bonnes et bien rythmées.
La corne d’abondance
Une fois l’introduction et le tutoriel passés, vous arriverez assez vite au village, qui sera le HUB central. Le jeu, d’une durée de vie d’environ 15 heures, est découpé en une dizaine de missions principales et une vingtaine de missions annexes, qui vous feront parcourir des environnements non linéaires (parfois plusieurs embranchements sont possibles) et de bonne taille, avec leur lot d’ennemis, de coffres et de plateformes. Le titre est résolument tourné vers l’action. En effet, votre personnage peut attaquer et réaliser des combos au corps-à-corps, attaquer à distance avec son pistolet et/ou autres flingues aux munitions limitées que vous ramasserez en chemin, effectuer des roulades, réaliser des contre-attaques en faisant une parade au bon moment, et bien sûr, capturer et invoquer une panoplie de démons via un deck, le tout sans temps mort.
Chaque ennemi dispose d’une ou plusieurs jauges de bouclier qu’il faudra briser, et chaque bouclier est affilié à un type correspondant à une faiblesse (vert pour les attaques standards, bleu pour les armes secondaires/pistolet et violet pour les dégâts liés aux invocations de votre deck). À noter que même si vous n’utilisez pas le bon élément pour briser un bouclier, cela ne vous empêchera pas de faire des dégâts aux ennemis, mais ce sera juste moins efficace, et donc plus long pour les éliminer. Une fois le bouclier brisé, votre adversaire sera sonné l’espace d’un instant et complètement à votre merci pour soit les tuer, soit les capturer pour les réutiliser dans votre deck.
Il existe une centaine de cartes différentes dans le jeu, réparties dans plusieurs styles : dégâts, soins, effets de soutien (bouclier, augmentation de vitesse ou des dégâts critiques), etc. Également, le jeu propose une dizaine d’armes aux munitions limitées (lance-roquettes, mitrailleuses, et autres).
Pour traverser les niveaux, il serait parfois tentant d’avancer en laissant en chemin quelques ennemis, qui d’ailleurs ne prennent pas toujours la peine de vous poursuivre, mais vous êtes fortement encouragé à faire un maximum de combats pour glaner de précieuses pièces d’or et trois types d’orbes d’expérience correspondant aux couleurs des faiblesses citées plus haut (vert, bleu, violet). Les pièces d’or vous permettront de faire quelques achats auprès des multiples marchands que vous croiserez en chemin, tandis que les points d’expérience, eux, seront à répartir dans des arbres de talents pour améliorer votre personnage, vos armes, ou votre deck (capacité de deck ou amélioration de cartes).
Dans le village, vous avez également accès à différentes activités annexes, qui ont le mérite d’exister pour certaines (comme le jardinage), et pour d’autres, un véritable potentiel de fun et d’intérêt. Vous pouvez, par exemple, gérer une guilde qui sert à faire évoluer le village et à récupérer des ressources, en recrutant des villageois et en les envoyant en expédition. La pêche est également une activité sympathique, permettant d’obtenir des cartes avec différents niveaux de rareté pour votre deck.
Ajoutez à cela la possibilité de changer de personnage dans le village, si vous souhaitez incarner Mary, ou même de jouer en coop locale, et vous aurez déjà un bon aperçu global de ce que propose Spirit Mancer. Mais vous l’aurez compris, le titre est dense en contenu, et cela donne la sensation que le développeur a réalisé ce premier jeu comme si c’était peut-être le dernier. Mais n’est-ce pas un peu trop ?
Le sage connaît la mesure
Spirit Mancer est plein de bonnes intentions, et le jeune studio n’a pas ménagé ses efforts pour proposer un jeu qui fourmille d’idées. Mais tout ne fonctionne pas, et aller à la simplicité est parfois une meilleure solution. Il y a un système d’achat de vies supplémentaires via un contrat, qui n’est clairement pas utile ou intéressant. Le jardinage n’est pas très amusant et le bénéfice est très relatif. La boutique de potions pour créer des cartes n’est pas non plus la mécanique la plus attractive.
Les missions secondaires, elles, viennent débloquer quelques éléments importants du jeu, mais rien n’est indiqué. On ne connaît aucune des récompenses des quêtes que l’on choisit, ce qui est très dommage pour les joueurs qui passeraient à côté en se focalisant sur l’histoire, ou si un joueur choisit de prioriser certaines quêtes plutôt que d’autres.
Aussi, le système global de gestion de deck nous pose également question, car on construit un deck de cartes et donc d’effets qui nous convient, mais utiliser les cartes les rend inactives et ne peuvent être réactivées que depuis un checkpoint, en payant une recharge avec l’argent collecté. Du coup, une fois utilisées vos meilleures cartes en combat, vous vous retrouvez à capturer les créatures environnantes pour continuer votre chemin. Se pose donc finalement le choix suivant : utiliser nos cartes préférées et être frustré si on croise un gros vilain, ou ne pas les utiliser et faire avec les bestioles qui traînent pour économiser au cas où, en se frustrant donc sur le gameplay.
Au niveau des combats, nous avons aussi pu constater, par moments, qu’il y avait des ralentissements. Lorsque plusieurs ennemis et/ou effets s’ajoutent à l’écran, la fluidité en pâtit légèrement. Rien qui n’empêche de jouer ou de profiter du jeu.
Spirit Mancer est disponible depuis le 22 novembre 2024 sur l’eShop de la Nintendo Switch au prix de 19,99 euros, en français. Il est également publié en édition physique par l’éditeur espagnol Tesura Games, en version Standard à 34,99 euros et Collector à 69,99 euros, sur PlayStation 5 et Nintendo Switch à partir du 31 janvier 2025.
Conclusion
Pour un premier jeu, Spirit Mancer est surprenant à bien des niveaux. Le fait qu’il soit le fruit du travail d’un jeune studio avec autant de qualité ne laisse augurer que du bon pour les futures productions des développeurs de Sunny Syrup Studio. Bien sûr, il existe des faiblesses dans le titre ; sa générosité, notamment, est à la fois un atout et son défaut majeur. Mais c’est un excellent titre, qui propose des mécaniques de gameplay innovantes et intéressantes, même si perfectibles. L’action et le dynamisme sont au rendez-vous. De grandes qualités sont à souligner dans le design et l’animation, tout comme dans les compositions et l’ambiance musicale. Un effort de localisation a également été fait pour proposer le jeu dans plusieurs langues, ainsi qu’une sortie physique en boîte.
LES PLUS
- L’humour dans les dialogues ou situations
- Gameplay innovant action / deckbuilding
- Plusieurs activités annexes différentes…
- L’arbre des talents
- Le jeu est très joli
- Les musiques pêchues
- Difficulté bien dosée
- Jouable à deux en local
- La traduction française
- Une version boîte
LES MOINS
- Quelques ralentissements par moment
- Le système de deckbuilding perfectible
- ... Mais certaines activités sont franchement inutiles ou intéressantes
- La frustration d’utiliser ses cartes parfois
- Manque d’indication dans les quêtes annexes
- Des ennemis qui vous oublient vite
- L’abondance d’idées donne un côté brouillon, ou de trop