La série Dungeons s’est imposée comme une héritière moderne de Dungeon Keeper, mariant gestion de donjon, stratégie en temps réel et humour débridé. Avec Dungeons 4, développé par Realmforge Studios et édité par Kalypso Media, les joueurs endossent à nouveau le rôle d’un seigneur des ténèbres déterminé à corrompre un monde dominé par la lumière. Cependant, si le jeu brille sur PC et consoles next-gen, la version Nintendo Switch souffre de problèmes techniques rédhibitoires qui transforment l’expérience en un calvaire. Plongeons dans les tréfonds de ce portage pour en explorer les forces, les faiblesses, et répondre à la question ultime : vaut-il mieux jouer les méchants sur Switch… ou fuir ?
Basé à Munich, Realmforge Studios s’est forgé une réputation grâce à la série Dungeons, dont il a peaufiné la formule depuis 2011. Spécialisé dans les jeux de gestion et de stratégie, le studio a su capitaliser sur l’héritage de Dungeon Keeper pour créer un univers à la fois familier et original. Avec Dungeons 4, Realmforge promet une expérience plus aboutie que jamais, en intégrant des leçons tirées des précédents opus, notamment Dungeons 3 dont le portage Switch avait déjà suscité des critiques mitigées. Malgré ces efforts, la version Switch de Dungeons 4 semble reproduire certaines erreurs du passé, tout en introduisant de nouveaux problèmes.
Un Mal nécessaire ?
L’histoire de Dungeons 4 reprend là où celle de Dungeons 3 s’achevait : après avoir failli conquérir le monde, votre alter ego maléfique, l’Être Suprême du Mal, est trahi par son acolyte Thalya, qui utilise un gant magique (clin d’œil transparent à Infinity War) pour vous affaiblir. Capturée par son frère Tristan, un héros charismatique, Thalya vous force à reconstruire votre empire depuis zéro. Le scénario, simpliste, sert avant tout de prétexte à un humour décomplexé, entre références pop-culture (Marvel, seigneur des anneaux, Warcraft), clichés fantasy, et brisures constantes du quatrième mur. Les dialogues, entièrement doublés en français, sont portés par des voix charismatiques et un ton résolument parodique, même si l’humour tombe parfois à plat, rappelant le ton parfois forcé de Borderlands 3.
Dungeons 4 repose sur deux piliers : la gestion souterraine et la stratégie en surface.
Sous terre, le jeu emprunte à Dungeon Keeper : vous creusez des tunnels, construisez des salles (cuisines, casernes, trésoreries) et gérez les besoins de vos créatures (nourriture, salaire, distractions). La Méchanceté, une ressource clé, s’obtient en commettant des actes diaboliques (tuer des licornes, piller des villages), permettant de débloquer des améliorations et unités plus puissantes. Les nains, nouvelle faction ennemie, ajoutent une couche tactique en construisant leurs propres bases souterraines, qu’il faut infiltrer ou détruire.
À la surface, le jeu bascule en RTS : vous dirigez vos troupes dans des batailles chaotiques contre les forces de Tristan. Les missions varient entre la destruction de villages, la protection de convois, ou l’élimination de héros. Le système de compétences activables (soins, buffs) et la personnalisation des troupes (niveaux, apparences) apportent une touche de profondeur, même si les combats restent souvent désordonnés, privilégiant la quantité à la stratégie pure.
Le mode coopératif, (en ligne ou local), bien que divertissant, est miné par des plantages récurrents sur certaines cartes (Storming of Dollaran), obligeant à relancer le jeu de façon répétée. La gestion partagée des ressources et la division des tâches (un joueur en surface, l’autre dans le donjon) fonctionnent bien, mais le manque de défis adaptés à deux joueurs en début de campagne limite son intérêt.
Maniabilité sur Switch : Entre pratique et frustration
La version Switch de Dungeons 4 souffre d’une optimisation défaillante qui impacte fortement l’expérience de jeu.
Les temps de chargement sont insupportables, surtout en début de partie, avec des écrans figés durant régulièrement entre deux et trois minutes, ce qui casse totalement le rythme et l’immersion.
Les performances varient selon le mode de jeu. En mode portable, la résolution chute drastiquement, rendant les textures floues et les interfaces difficilement lisibles. Les chutes de FPS sont fréquentes dès qu’il y a plus de trente unités à l’écran, transformant les affrontements en véritables diaporamas. En mode docké, l’expérience est un peu plus stable, mais les ralentissements restent présents lors des phases chargées, notamment en fin de campagne ou lors des invasions de héros.
De nombreux bugs viennent également ternir l’expérience. Les freezes surviennent régulièrement pendant les dialogues ou les transitions, tandis que les plantages en mode coop sont fréquents, notamment sur les cartes complexes. L’aspect sonore est lui aussi touché, avec des dialogues parfois coupés et des effets sonores absents lors des chargements.
Bien que l’interface soit bien adaptée à la manette, ces problèmes techniques rendent les longues sessions de jeu particulièrement éprouvantes.
C’est Catastro-Switch ?
Dungeons 4 adopte un style cartoon coloré, avec des designs de créatures expressifs (allant des gobelins grotesques aux démons imposants) et des environnements détaillés. La corruption visuelle des villages envahis (végétation pourrie, bâtiments délabrés) est une touche réussie.
Cependant, la version Switch sacrifie la finesse graphique :
- En docké : Les textures sont passables, mais les effets de lumière et les particules (feu, magie) sont simplifiés (voir la vidéo plus bas).
- En portable : La résolution dégringole, rendant les menus flous et les unités difficiles à distinguer en groupe.
Les cinématiques en bande dessinée, bien que stylisées, contrastent avec le reste du jeu et manquent parfois de dynamisme.
Le jeu brille par son doublage français intégral, d’une qualité rare, avec des répliques savoureuses et une narration teintée d’ironie. Les voix des personnages (notamment Thalya, tantôt sarcastique, tantôt maladroite) sont impeccables, portant l’humour parfois potache du script.
La bande-son, alternant entre mélodies médiévales et thèmes sombres, s’adapte dynamiquement à l’action (ex : une musique épique lors des batailles, un air sinistre dans les donjons). Cependant, les bugs audio (sons étouffés, dialogues désynchronisés) gâchent l’immersion, notamment lors des transitions entre les différentes phases de jeu.
La campagne principale demande environ 25 à 30 heures pour être complétée. Les missions sont variées, bien que parfois répétitives, et les objectifs bonus, comme éliminer un certain nombre d’ennemis, ainsi que les défis de difficulté supérieure apportent un peu de challenge supplémentaire.
Le mode escarmouche propose des cartes personnalisables et des défis à débloquer, offrant une rejouabilité théoriquement infinie. Cependant, les nombreux problèmes techniques nuisent aux sessions prolongées et peuvent décourager les joueurs.
Les extensions annoncées, dont une campagne Wild West, seront disponibles sur Switch. Leur intérêt dépendra néanmoins des correctifs apportés au portage, qui peine actuellement à convaincre.
Pour quelques euros de plus ? Ou de trop
À noter que le jeu est sorti avec un DLC dès son premier jour The Good, the Bad and the Evil, qui entraîne Thalya et l’Absolu Mal dans un univers inspiré du Far West, rempli de vastes déserts, de villes caricaturales et surtout… de nains. Armés jusqu’aux dents – mitrailleuses, fusils de précision, barils explosifs – ces cowboys nains sèment le chaos à bord de trains en mouvement perpétuel, prêts à défendre leurs terres avec une haine féroce.
Dès le départ, Thalya dispose de toutes les améliorations, sorts et pièges, permettant aux joueurs de se concentrer pleinement sur la conquête du monde sans devoir bâtir leur donjon de zéro. Le rythme est plus libre, sauf dans certaines missions où le scénario impose des défis corsés, exigeant d’exploiter pleinement les mécaniques du jeu.
Le DLC introduit un biome Far West richement détaillé et de nouvelles options de défense, dont des canons à dragons crachant de la lave ou de l’eau, ainsi que des grilles permettant de modeler des chemins enflammés. De quoi rendre la vie des héros bien plus compliquée !
L’humour satirique, marque de fabrique de la série, est toujours omniprésent. Entre références à Netflix, Les Tortues Ninja et bien d’autres, dialogues sarcastiques et situations absurdes, The Good, the Bad and the Evil ne manque pas de piquant. Des moments forts comme la course-poursuite en train et la revanche sur la Reine des Nains et sa réserve de bière ajoutent une touche d’extravagance au scénario.
Cependant, cette extension reste dans la continuité du jeu de base, avec surtout les mêmes défauts. Pas de nouvelles unités ni de bâtiments révolutionnaires, seulement quelques pièges supplémentaires pour renforcer la défense du donjon.
En début d’année, Kalypso a proposé sur cette version Nintendo Switch de Dungeon 4 un nouveau DLC intitulé Not Another Multiverse. Ce contenu additionnel représente le dernier chapitre des aventures de Thalya et de son demi-frère Tristan, toujours aussi opposés dans leurs valeurs, mais forcés de collaborer. Tristan mettra à profit ses unités héroïques et sa capacité à construire dans le monde extérieur, tandis que Thalya mobilisera ses minions maléfiques pour affronter des donjons souterrains.
À un peu plus de 15€, Not Another Multiverse renverse Dungeons 4 (littéralement) pour offrir une expérience de jeu vraiment unique qui vous permet d’être bon pour la première fois dans la série. C’est amusant, frénétique, et cela offre des moments de franche rigolade avec des blagues qui se moquent des autres franchises, et surtout de la licence elle-même. Bien qu’il n’y ait que 3 missions principales et 1 mission coopérative supplémentaire, il y a beaucoup de gameplay et de possibilités de rejouer en voyant comment l’autre moitié vit.
Conclusion
Dungeons 4 est une expérience solide pour les amateurs de stratégie et d’humour noir, réussissant à moderniser l’héritage de Dungeon Keeper avec panache. Cependant, la version Nintendo Switch est entravée par des problèmes techniques inacceptables pour un jeu au prix plein (50€). Entre les temps de chargement interminables, les plantages aléatoires et les performances médiocres en portable, l’expérience ressemble trop souvent à une punition divine. Optez pour les versions PC/PS5/Xbox. Pour les joueurs qui n’ont pas le choix, le jeu reste jouable… si vous supportez ses démons techniques.
LES PLUS
- Gameplay riche
- Humour décapant avec un doublage français de qualité
- Contenu généreux
- Style visuel charmant
- Options d’accessibilité : personnalisation de l’interface, réduction des effets visuels / sonores et ajustement de la difficulté
LES MOINS
- Temps de chargement interminables (2-3 minutes)
- Performances désastreuses en handheld
- Bugs récurrents en coop comme en solo
- Crashs aléatoires obligeant à redémarrer le jeu
- Prix élevé pour un portage bâclé
- Combats en surface trop chaotiques
- Gestion des ressources simplifiée à l’excès