Il y a des jeux étranges, un peu comme des inclassables, comme The USB Stick Found in the Grass, Her Story, ou Buddy Simulator 1984, qui ne ressemblent à aucun autre et qui détonnent dans le paysage vidéoludique. Techno Banter, développé par les Berlino-Hambourgeois de Dexai Arts, fait définitivement partie de cette catégorie. Est-ce que le jeu, sorti le 30 janvier 2025 sur l’eShop au prix de dix-huit euros, arrive à être une expérience inoubliable ?
Avant de commencer le test, nous tenons à préciser que le jeu ne propose aucune traduction française. Un niveau courant en anglais est nécessaire pour jouer à Techno Banter.
Une expérience singulière qui détonne
Techno Banter est une aventure narrative aux faux airs de Papers, Please. Nous incarnons Nil, un videur ambitieux qui travaille pour le richissime patron Bidenhander. Cependant, alors que nous croyons vivre le plus beau jour de notre vie, où nous allons réussir à vendre notre incroyable projet à notre employeur, nous sommes injustement virés à la suite d’improbables imbroglios.
Nous retournons alors dans notre ancien emploi où nous officions en tant que videur d’une boîte de nuit miteuse située en centre-ville. Le changement est radical : au lieu d’éconduire gentiment les personnes à l’interphone, nous voilà obligés de gérer les rebuts et les déviants de la société.
Le gameplay est à la fois atypique… et classique en même temps. Nous sommes dans une aventure narrative avec une quête principale (aller au travail) et une multitude de quêtes annexes que nous récupérons en discutant avec les gens sur la carte.
Notre emploi de videur se déroule un peu à la manière d’un Papers, Please. Il y a des gens qui viennent nous voir afin d’entrer dans la boîte de nuit. Nous devons les observer pour voir s’ils n’ont pas de red flags. Les red flags, ce sont des traits de caractère qui gâcheraient l’ambiance de la soirée. Avoir un égocentrique ou un violent sur le dancefloor n’est clairement pas l’idéal.
Après avoir observé le client, nous allons pouvoir l’accepter ou l’éconduire. Si les clients acceptés sont très heureux de pouvoir danser toute la nuit, les rejetés, en revanche, ne vont pas se laisser faire.
Ils vont commencer à nous insulter, à essayer de nous frapper, et nous devrons, en tant que videur, les forcer à quitter les lieux sans utiliser la violence physique (qui nous coûterait trop cher en paperasse juridique).
Un gameplay à la Papers, Please prometteur…
Nous devrons alors réussir à répondre à leurs injures… en lançant des punchlines bien senties. Chaque fois qu’un client éconduit nous provoque, nous devrons trouver la bonne réponse parmi les six propositions, le tout dans un temps limité.
La réponse est souvent la plus évidente : si le client trouve que « personne ne peut nous sentir », peut-être faut-il lui répondre quelque chose sur son hygiène douteuse.
D’autres clients voudront nous frapper, et à l’aide d’un mini-jeu assez simple, nous esquiverons leurs coups avant d’insulter la faiblesse de ces derniers. Chaque client possède une barre de vie. Une fois la barre de vie passée à zéro, il partira de son plein gré.
Nous avons un objectif d’étoiles à chaque soirée en fonction de la qualité des clients que nous avons acceptés. Cet objectif permettra d’améliorer la réputation de la boîte de nuit, et donc, notre salaire.
Il y a aussi une multitude de quêtes annexes qui nous amèneront à connaître un peu plus les habitants des bas quartiers. Nous aiderons une collègue poursuivie par une secte, une autre qui veut notre expertise en mots pour écrire une chanson, mais aussi un cuisinier très japonais qui a perdu l’âme de sa soupe ou encore une femme mystérieuse qui cherche à retrouver qui elle est.
Toutes ces quêtes nous rapporteront de l’argent qui nous servira plus ou moins… À la fin de la partie, nous avions seulement dépensé une trentaine d’euros sur les plusieurs centaines que nous avons accumulé.
En revanche, les quêtes nous rapportent aussi de l’expérience qui permettra d’augmenter notre personnage. Ce dernier pourra améliorer ses capacités en manipulation, intimidation, etc. qui seront utiles à la fois pour les joutes verbales mais aussi pour certaines missions.
… Mais un jeu inégal qui se perd parfois en chemin
Techno Banter est un jeu avec de véritables intentions artistiques et scénaristiques qui diviseront le public. Nous le voyons un peu comme le Animals de Pink Floyd : une œuvre singulière, engagée, intrigante et inégale qui pourra autant vous séduire que vous rebuter.
Il y a quelque chose de particulier dans cette histoire, que ce soit dans la structure même du récit mais aussi dans la façon dont les nœuds dramatiques sont traités. Les influences sont multiples et Techno Banter passe de l’univers dystopique à la Brazil / Papers, Please à la parodie du film noir en quelques secondes.
Toutes ces intentions, cette créativité et ce trop-plein d’idées sont captivants et inspirants. Il est rafraichissant de voir un jeu vidéo qui tente, même s’il se casse parfois les dents en papillonnant un peu trop.
Nous aurions tellement voulu recommander Techno Banter tant celui-ci a de la personnalité, mais malheureusement le jeu, malgré de véritables qualités, a aussi des défauts marqués qui l’empêchent d’atteindre les hauteurs qu’il pouvait prétendre.
Le jeu pêche dans son gameplay qui se révèle être répétitif. Les joutes verbales sont amusantes au départ… mais elles deviennent très rapidement ennuyeuses.
Plus généralement, le gameplay n’est pas très poussé et toutes les implémentations RPG et gestion du jeu n’apportent pas de plaisir pour le joueur. Augmenter les capacités de notre personnage n’est pas si utile, se fait très rapidement et nous avons été frustrés d’atteindre le niveau maximum dans chaque compétence au milieu du jeu.
Une expérience tout de même intéressante… si vous maîtrisez l’anglais
Le gameplay donne vraiment l’impression d’un jeu à la durée de vie plus conséquente et nous aurions même préféré une expérience purement narrative plutôt que de fausses promesses de gameplay décevantes.
Techno Banter n’a pas non plus la maîtrise de Papers, Please ou même plus récemment Lil’ Guardsman. Son gameplay ne se mélange pas bien au scénario ce qui crée de longues phases d’attente où nous voulons vider au plus vite la file d’attente afin d’avancer sur l’histoire.
Finalement, certaines quêtes sont inégales en termes de qualité. Il est par exemple très amusant de démasquer la femme-sandwich qui annonce la fin du monde alors qu’inversement, aider notre collègue à « pousser de la fonte » est long… trop long.
Cela reste une expérience particulière, intéressante à bien des égards, avec des passages aussi amusants que tristes, une interactivité de qualité (avec des choix difficiles à prendre), des idées à foison et une vraie personnalité qui font de ce jeu vidéo une œuvre à part entière. Nous avons affaire à un jeu réalisé avec passion et celle-ci se ressent manette en main.
Le prix de dix-huit euros est intéressant, avec une durée de vie de 4 à 6 heures (en fonction de votre investissement sur les quêtes annexes) et une certaine rejouabilité dans le titre (afin de voir les différentes fins). Attention, le jeu n’est disponible qu’en langue anglaise ou allemande. Il faudra un niveau courant dans une de ces deux langues pour profiter pleinement de l’expérience.
Les graphismes sont particuliers. Cet univers dystopique en pixel art qui mélange humains et animaux anthropomorphiques peut dérouter. Certains adoreront la créativité alors que d’autres en seront totalement hermétiques.
La bande-son techno / trance est réussie et se mêle bien avec l’univers. Notons que certains passages sont assez répétitifs notamment lorsque nous devons rester longtemps dans la boîte de nuit. Les personnages parlent un peu à la Animal Crossing mais de façon un peu étrange.
Nous vous joignons une vidéo de presque trente minutes. Plus que d’habitude, nous vous recommandons d’y jeter un œil pour voir si cette expérience peut vous correspondre.
Conclusion
Techno Banter est un jeu singulier qui peut autant vous plaire que vous rebuter. Malgré un gameplay poussif, nous avons là une œuvre unique, intrigante et engagée qui ne vous laissera pas de marbre. Le jeu regorge d’idées (de bonnes comme parfois de mauvaises) et nous ressentons la passion des développeurs pour leur jeu. C’est une expérience à essayer… si vous adhérez à l’univers très étrange et que vous acceptiez les défauts assez marqués du jeu. Attention, le jeu n’est pas traduit en français et un niveau courant en anglais ou en allemand est requis pour profiter de l’expérience.
LES PLUS
- Une expérience unique en son genre
- Des idées et de la créativité de partout
- Une patte graphique qui détonne
- Une interactivité et des choix intéressants à prendre
- Une bande-son techno réussie
LES MOINS
- Aucune traduction française
- Un gameplay à la Papers, Please mais bien moins abouti
- Des quêtes à la qualité inégale
- Un gameplay pas assez fourni
- Peut autant vous séduire que vous rebuter
- Une bande-son parfois répétitive