Les adaptations en jeux vidéos de l’œuvre de J.R.R. Tolkien ne datent pas d’hier mais du premier âge du jeu vidéo (1982 pour être exact), même si le succès de la trilogie de Peter Jackson aura nettement accéléré leur nombre, avec du (Bil)bon et du moins bon. Beat-em-All, stratégie, aventure ou jeu de rôles, Le Seigneur des Anneaux se sera essayer à différents genres du paysage vidéoludique. Il y en a pourtant un qui n’avait pas encore succombé au pouvoir de l’unique (ou de l’argent, on ne sait plus), le jeu de cartes. Inspiré des versions physiques à collectionner, elles-mêmes tirés du roman et des films, et probablement du succès de Hearthstone, The Lord of the Ring : Adventure Card Game débarque sur consoles après une sortie PC en août dernier. On imagine la Switch parfaite pour ce style de jeu, encore faut-il que le matériau de base soit, comme du mithril, de bonne qualité. Alors à l’instar de Sauron forgeant l’anneau au cœur de la montagne du destin, plongeons-nous sans plus attendre dans le test pour vous aider à vous forger une opinion.
En Terrain de Milieu connu
Les fans de l’œuvre originale ne seront clairement pas dépaysés. Tout l’univers de la Terre du Milieu sera présent, du Hobbit jusqu’à la trilogie du Seigneur en passant par le moins connu Silmarilion, sorte de génèse de ce monde fantastique. Il y avait donc de quoi faire pour créer une aventure inédite, ce qu’ont essayé de faire les développeurs. L’habillage est satisfaisant avec des illustrations correctes, tout comme le design des cartes avec des citations dans leur description. La bande son reprendra des accords qui évoqueront les musique des films avec des voix en anglais (mais traduit dans le texte en français) en guise de narrateur essayant de reprendre les intonations des acteurs d’origine. Malheureusement, cela donne une impression d’adaptation bon marché, d’autant que l’histoire « originale » ne fait que reprendre des scènes bien connues n’ayant rien à voir les unes avec les autres en y ajoutant des personnages qui ne sont pas censés se connaître. On se retrouve avec quelque chose d’incohérent, d’absolument creux et d’inintéressant. Il était sans doute moins risqué, moins difficile et moins cher de reprendre des éléments déjà créés, mais cela est fait tellement grossièrement que cela en est ridicule. C’est clairement dommage mais ce n’est peut-être pas si grave après tout, les jeux de cartes ne s’illustrent pas forcément par ce qu’il raconte mais plutôt par le système qu’ils proposent.
A kind of Magic : The Gathering
Ce ne sont pas les amateurs de jeux de cartes, de Magic en particulier, qui en perdront leur latin, elfique ou toute autre langue non plus. Il faudra affronter votre adversaire via votre deck de 30 cartes composé de 3 héros au maximum, personnages phares de la saga, donc puissants avec des capacités uniques, de cartes alliés, d’équipements et enfin de sorts à usage unique. La partie commence avec vos héros déjà en jeu, leur mort signifiant la défaite. Pour jouer une carte, il vous faudra des point d’énergie que vous recevrez à chaque tour (3, sachant que les non-utilisés se cumulent au tour suivant) dont le coût variera d’une carte à l’autre en fonction de sa puissance ou de sa rareté. D’autre part, la plupart des cartes appartiendront à une classe (Noldor, Dùnadan, Nain…) et à une faction de héros définissant le type de jeu (offensif, défensif, magie ou soin), et si celles de base ne demanderont qu’un seul héros du même type, les plus spécifiques en nécessiteront jusqu’à 3. Chaque combattant aura des points d’attaque et de défense mais aussi des points de spécial représentés respectivement en bleu, rouge et jaune. Évidemment, certaines cartes auront des effets spécifiques fixes ou lors de leur arrivée en jeu. Même s’il n’y aura rien de surprenant pour les connaisseurs, cela représentera énormément d’informations à retenir pour les néophytes, pour le coup bien accompagnés dans un long didacticiel qui a l’intelligence d’être optionnel.
Big eye is watching you
Les combats ont la particularité de se dérouler en plusieurs phases et vous pourrez voyager, car les combats sont scénarisés, vers la suivante en accomplissant une action particulière, allant de la destruction de cartes spécifiques (cartes d’objectif) à l’élimination de monstres en passant par de la survie. Si les points d’attaque attaqueront un monstre, les cartes d’objectif ne pourront être touchées que par vos points de spécial. Votre adversaire et vous jouerez une action à tour de rôle. Il vous sera alors possible à chaque tour de jouer une nouvelle carte ou de faire agir chaque personnage une fois pour attaquer, défendre, ce qui oblige l’adversaire à le cibler en lui infligeant des dégâts en retour, mais aussi charger une barre à hauteur des points de spécial.
Cette dernière et celle de votre ennemi seront le seul véritable élément inédit par rapport au jeu de cartes originel. En effet, l’œil de Sauron observant le combat de son serviteur sera matérialisé par une jauge augmentant à chaque tour en fonction du nombre de héros en jeu et des effets de certaines cartes. L’atteinte de différents paliers conférera à votre opposant des cartes puissantes ou très gênantes, et ce sera la défaite si elle devient pleine. Heureusement, la vôtre aussi pourra vous apportez une aide appréciable une fois un niveau précis franchi, fixe ou contextuel, avantages qui seront souvent précieux (calme-toi Gollum) et décisifs. Une fois l’objectif atteint, l’option voyage vous est proposé pour passer à l’étape suivante et même si certaines cartes ennemies ont la possibilité de vous suivre, il ne faudra pas s’attarder sous peine d’attirer d’avantage le regard du suppôt de Morgoth.
Cette optimisation de la Mor(ia)
Adapté d’un jeu de carte physique qui a d’abord été développé sur PC avant d’arriver sur Switch, le titre a perdu beaucoup en route. Les menus sont les premiers à en faire les frais. Parfois difficilement lisibles, surtout en mode portable, la navigation y sera peu claire et pas vraiment intuitive. La création de decks pourtant primordiale en deviendra presque un calvaire. Autre preuve de l’optimisation pour la portable de Nintendo digne d’un troll des cavernes, la connexion Internet requise par défaut : une partie commencée à la maison avec Internet que la console détecte automatiquement sera perdue si vous la reprenez autre part sans connexion. Une aberration pénible et frustrante d’autant que rien ne justifie cette nécessité en solo (tout cours d’ailleurs) et qu’il n’y a pas d’option pour mettre le jeu hors connexion. Tiens, ce n’est pas sans rappeler les jeux mobiles free-to-play…
En jeu, c’est heureusement un peu mieux sans pour autant être exempt de tout reproche. Si la jouabilité à la manette ne pose pas de problème en tant que telle, l’enchainement des tâches ne se fera pas sans heurt. Il existe une certaine latence dans l’exécution des vos manipulations et lorsque les actions s’enchaînent un peu trop vite, la fluidité va en pâtir, ce qui est non seulement désagréable mais aussi source d’erreur de sélection. Il en sera de même lorsque vous souhaiterez accélérer certaines phases répétitives, notamment en cas de défaite dans la dernière phase et qu’il faudra tout recommencer : en voulant passer les différentes animations de cartes, souvent trop longues inutilement, vous en viendrez à valider une action non voulue. Enfin, on ne peut pas dire que les graphismes soient extraordinaires mais le jeu trouvera le moyen de souffrir un peu plus lorsque les effets seront un peu trop nombreux, toutes proportions gardées puisque l’on parle de un ou deux bruitages et autant d’effets visuels.
Vous, ne piocherez pas…longtemps !
Jusque là, l’ombre du Mordor plane sur le jeu, et ce n’est pas son contenu qui va briller davantage. Pourtant vendu 25€, le titre a des airs d’accès anticipé pas particulièrement généreux. Il proposera tout d’abord les missions Campagne, découpés en 5 quêtes, au nombre total et incroyable de 2… Avec les possibilités qu’offrait la licence, on pouvait s’attendre à ne serait-ce qu’un peu plus. Ce ne sera pas beaucoup mieux du côté des 3 missions rencontres, combats uniques, certes plus difficiles même dans la difficulté de base parmi les 3 proposées. Et c’est tout ! Le menu des quêtes représenté par la carte de la Terre du Milieu vous semblera vide, incomplète, avec ses 6 petits marqueurs (en incluant le didacticiel) condensés au nord de part et d’autre des Monts Brumeux. On a vraiment le sentiment que le jeu n’est pas complet… On peut se dire alors que c’était du bonus, que le véritable intérêt du jeu se trouve dans la construction de jeu et l’affrontement entre joueur, « mais n’ayez pas trop d’espoir, c’est peine perdue sur ces terres » (Éomer, fils d’Éomund, les Deux Tours). En effet, le multijoueur se limite à la possibilité de rejoindre la partie d’un joueur et d’en héberger une dans un mode coopération. Et il n’y aura finalement aucun intérêt à se construire de nouveaux decks vu qu’il n’y aura rien pour les tester. Le menu principal vous proposera un peu de personnalisation dans la section coffre qui s’avère complètement inutile, mais le comble reste la case « extensions » qui vous propose d’aller sur le Nintendo eShop pour voir la fiche du jeu… Mais même l’arrivée de contenu supplémentaire, payant évidemment, ne pourrait rien pour celui de base, vide à faire pâlir un Nasgûl.
Conclusion
« Fuyez, pauvres fous ! » Voilà le dernier conseil que prodiguait Gandalf le Gris avant de disparaître dans les bas-fonds de Kkazad-dûm. En l’état actuel des choses, le même conseil pourrait être donné à ceux tentés par ce Lord of the Rings : Adventure Card Game. Le riche univers de Tolkien est mal exploité, le portage mal pensé et le contenu dérisoire. Il n’y a guère que son système de jeu, sympathique mais finalement pas très original qui sauve le titre de la désolation...de Smaug.
LES PLUS
- Système de jeu
- L’univers de Tolkien...
LES MOINS
- ...très mal exploité
- Contenu ridicule
- Interface à la rue
- Techniquement pas fou
- Pas de multijoueur
- Rythme des combats
merci pour ce test, et au final la vraie question : à quand Hearthstone sur Switch ??? Le jeu existe sur mobile, ça ne devrait pas être compliqué de le porter sur Switch…
Complètement, je me pose la même question depuis un moment !