Quelques jours après avoir sorti Along The Edge sur notre bien-aimé Switch, le petit studio bordelais enchaîne avec un autre de ses visual-novels : Seers Isle. Si la recette générale est la même, les différences entre ces deux opus sorties initialement en 2016 et 2018 sont assez notables. Oubliez le côté réaliste de leur précédente production, le titre s’oriente désormais vers le médiéval fantastique. Est-ce en bien ou en mal, Seers Isle magnifie-t-il le déjà très bon Along The Edge, c’est ce que nous allons découvrir ensemble dans les quelques lignes qui suivent….
Une technique encore plus aboutie ?
Comme sa grande sœur Along The Edge, Seers Isle est une bande dessinée interactive, les graphismes vont forcément être le premier point sur lequel le lecteur averti que vous êtes va nous interroger. Toujours confiées à Nicolas Fouqué, artiste indépendant bordelais, les illustrations sont bien plus détaillées et les personnages y sont intégrés directement. Les planches sont aussi bien plus nombreuses, variant les points de vue ou la distance. Si le plus grand nombre est une amélioration, elle se fait globalement au détriment du style, là où les planches d’Along The Edge sont dans un style impressionniste, celle de Seers Isle sont bien plus génériques. Elles restent très jolies, mais elles peinent à dégager la même force. Les décors s’enchaînent : la plage, la lande, la forêt, mais ils peinent à nous marquer comme avait su le faire ceux d’Along The Edge.
Il en va de même pour les personnages : bien plus nombreux, toujours dans un style graphique rappelant la BD française et toujours aussi variés. Leurs expressions faciales sont, elles aussi, plus variées, mais elles peinent à s’adapter toujours à la situation (nos personnages proches du naufrage en début de jeu sont finalement assez souriants…). Rien de catastrophique, mais quitte à vouloir faire plus, autant soigner les détails.
Si la partie graphique a perdu son effet wahoo au détriment du nombre, la partie musicale n’a pas souffert du même problème. Faisant toujours appel à des indépendants Bordelais, Nova Box s’est tourné cette fois vers le studio Illustrason, fini le piano mélancolique d’Along The Edge. Les compositions tout en cordes (ouais comme le piano, je sais…) et en instruments à vent sont bien plus diverses. Elles s’adaptent parfaitement aux grands espaces de l’île sur laquelle évolue notre intrigue. Elles ne lassent jamais et ne coupent jamais la narration de manière impromptue. Elles savent se faire discrètes quand nécessaire et sont plus présentes dans les moments de tension.
Et l’histoire là-dedans ?
Comme l’histoire est le point principal du jeu, vous saurez juste en lisant ce test que vous dirigez un groupe de jeunes. Ils vont en pèlerinage sur une île pour y rencontrer des esprits et obtenir d’eux des pouvoirs chamaniques. Pas de bol, pas encore arrivé, ils sont pris dans une tempête et … c’est à ce moment que vos premiers choix décideront de leur sort.
Comme pour le reste, en ce qui concerne l’écriture, Nova Box a voulu faire plus. La narration est bien plus détaillée que dans leur premier titre. Les descriptions des lieux et des actions de nos personnages prennent bien plus de place. On sait toujours parfaitement ce que peuvent faire ou penser nos héros. C’est un bien pour un mal : la place laissée à l’imagination est bien plus restreinte. Les descriptions finissent par lasser, et surtout pourquoi tout décrire quand c’est censé être le rôle de la partie graphique ?
Pour son scénario aussi, le plus est de rigueur. Nos actions influencent non pas un personnage, mais tout un groupe de 7 héros. Si la rejouabilité s’en trouve grandement améliorée : chaque choix ayant des conséquences importantes sur la suite de notre histoire, l’identification à un personnage est complètement perdue. La déambulation de notre équipe qui avance et se déchire nous semble bien lointaine et il n’y a que très peu d’empathie qui se dégage du tout.
D’autant plus que le système d’alignement est encore plus abscons que dans Along The Edge. Dans Seers Isle, les alignements sont toujours au nombre de quatre, mais on a bien du mal à deviner à quoi ils correspondent : un œil, une main, un totem et un cerf. Leur signification s’éclaire avec le temps, mais elle reste tout de même trop obscure pour être anticipée lors des choix.
Les dialogues sont quant à eux bien écrits et loin des stéréotypes du genre. Nos personnages sont tous très différents avec une histoire qui leur est propre. C’est d’ailleurs ce qui augmente la durée de vie de Seers Isle. La qualité de l’écriture de chaque personnage donne envie de tenter d’autres embranchements pour connaître la vie de chacun d’entre eux.
Enfin, dernier détail, Nova Box a ajouté un compteur de chapitre affichant dès le début leur nombre total. Ce qui peut sembler une bonne idée n’en est pas une du tout. La fin de l’histoire ne nous prend pas du tout par surprise. Le plaisir de la découverte, de la sensation de faire partie du récit n’arrive déjà que trop tard et en plus le jeu nous indique lui-même qu’un chapitre plus loin, il va s’éteindre.
Conclusion
Et au final c’est bien ? La réponse est ça dépend : si vous êtes fan d’héroic-fantasy ou de livre dont vous êtes le héros type Loup Solitaire, Seers Isle vous plaira sûrement. Avec beaucoup de contenu, les parties, d’une durée de trois heures chacune, se suivent et ne se ressemblent pas. Chaque new-game permet de découvrir une nouvelle facette de l’île et de privilégier un nouveau personnage. Ce titre de Nova Box est toujours très bien écrit et les illustrations sont toujours aussi soignées. La musique est, elle aussi, parfaitement adaptée à l’ambiance. Il est toutefois regrettable que ce qui faisait la force d’Along The Edge (la touche impressionniste et l’attachement instantané à l’héroïne) ait disparu. Quoi qu’il en soit, Seers Isle porte haut les couleurs du visual-novel à la française et il vous permettra de passer un bon moment à la recherche des esprits.
LES PLUS
- La multitude de planches...
- La musique adaptée aux paysages
- Tous les embranchements de scénario
- Les dialogues assez justes
LES MOINS
- … mais assez génériques
- Les alignements toujours flous