Le développeur Kemco inonde l’eShop de nombreux JRPG inspirés des œuvres d’une ancienne époque. Souvent des portages de jeu déjà sortis depuis bien longtemps sur 3DS et d’autres supports de jeu. Il lui arrive cependant également de travailler sur d’autres genres comme le Visual Novel. Raging Loop, dont nous allons vous parler aujourd’hui, en est un exemple. Cela n’empêche pas ce dernier d’être un énième portage de jeux Kemco sur Switch, Raging Loop étant déjà disponible depuis 2015 sur d’autres supports. Mais trêve de bavardages, entrons dans les mythes de ce récit ténébreux.
Une mystérieuse histoire à débloquer soi-même
Le récit nous emmène aux côtés du mystérieux Haruaki Fusaishi, un jeune homme rejeté par sa petite amie qui traverse tout le Japon à moto pour se changer les idées. Un de ces voyages l’amène au cœur de la campagne et des montagnes japonaises. Il arrive sur une grande montagne, objet d’un culte inconnu de notre héros et pratiquée par les habitants des villages de Kamifujiyoshi et de Yasumizu. Ce culte se base sur un sombre mythe de loup mangeur d’homme et d’animaux gardiens.
Egaré dans la montagne avec sa moto accidentée sur un des sentiers étroits de cette mystérieuse campagne, notre héros fait la rencontre d’une jeune étudiante appelée Chiemi Serizama. Après quelques échanges avec la jeune femme, il apprend qu’elle a été élevée dans ces contrées rurales mais effectue désormais ses études à Tokyo. Elle se révélera ainsi être une alliée de poids pour notre héros venu des villes grâce à sa connaissance des règles mystiques du village de Yasumizu.
Après nous avoir hébergé une nuit en nous offrant à manger et quelques bières, elle nous incite le lendemain à fuir le village de Yasumizu. Chiemi insiste sur le fait de limiter nos échanges avec les quelques habitants du village qui ne semblent de toute façon pas apprécier la présence d’un étranger sur leur territoire. Ceux-ci semblent même très enclins à nous aider à réparer le véhicule afin de nous faire partir au plus vite. Alors que nous faisons brièvement connaissance avec la petite quinzaine d’habitants et de deux journalistes étrangers arrivant tout juste à Yasumizu, une étrange brume rouge commence à envelopper le village en début de soirée.
Les habitants semblent comprendre la situation, en interprétant cette brume comme annonciatrice du pire et en se passant le mot afin de survivre la n uit maisles étrangers ne comprennent rien à ce qu’il se passe. Chiemi ne peut que nous accompagner vers ce qui semble être une mini-habitation aux toilettes délabrées du village en nous demandant de nous y enfermer et de n’en sortir sous aucun prétexte jusqu’au lendemain. En larme, elle nous promet de nous expliquer les événements si nous survivons à la nuit.
En plein milieu de la nuit, nous entendons un hurlement à glacer le sang. Le choix s’offre à nous entre sortir voir ce qu’il en est ou une action inconnue grisée et insaisissable. Le jeu étant scripté à ce moment-là, nous ne pouvons que sortir aller voir ce qu’il en est et faire face à une gigantesque ombre humanoïde, imposante, avec un genre de crinière majestueuse, des yeux écarlates et une tête évoquant celle d’un loup. Quelques instants plus tard, nous arrivons sur un écran de game over ensanglanté, débloquant une clé. C’est le moment pour le jeu de nous expliquer un principe fondamental de son gameplay.
On nous annonce que l’on vient d’arriver sur une des mauvaises fins du jeu et que la clé obtenue permet de débloquer des choix. Le système nous laisse une chronologie des évènements avec en gros des actes que nous pouvons sélectionner. Ces actes sont divisés en chapitres qui apparaissent en parcourant le scénario du jeu. A chaque fin de partie, on revient au tout début de l’histoire mais grâce à cette chronologie, nous pouvons revenir au début de n’importe quel chapitre déjà parcouru.
Des embranchements possibles se révèlent entre certains chapitres. Ainsi, le chemin que nous venons de parcourir est indiqué afin de ne pas retomber sur la mauvaise fin que nous venons de subir. Ce nouveau choix est permis car un cadenas avec un numéro vient de se débloquer sur cet embranchement et nous venons d’obtenir une clé portant le numéro de ce cadenas. En revenant au chapitre du choix, nous verrons alors que nous pouvons désormais rester enfermé, survivre à la nuit et poursuivre dans l’histoire.
Comprenez ainsi que le game over sera inévitable afin de débloquer des choix dans le jeu. Pourtant, on nous explique également qu’en faisant les bons choix, nous pourrions au moins atteindre la fin de cette timeline du jeu sans avoir à débloquer de clé. Ce qui est vrai mais on ne vous cache pas qu’après plusieurs heures de récit, on arrive effectivement sur une fin plutôt tragique et un écran de game over puis une nouvelle clé débloquée. On constate aussi que la clé nous permet de débloquer une autre timeline d’événements et donc un nouvel acte et de nouveaux embranchements.
Vous comprenez ainsi ce qui compose la progression dans ce Visual Novel. Une progression sur plusieurs dizaines d’heures, notamment si vous désirez obtenir l’unique fin heureuse du jeu qui vous demandera de débloquer tous les cadenas du jeu. La question est de savoir si le scénario et son écriture vous motivera à traverser tous ces événements, toutes ces timelines jusqu’à la toute fin. Afin d’y répondre, parlons à nouveau un peu de cette histoire. Nous en étions restés après être sortis des toilettes d’une habitation délabrée pour se faire tuer par un grand loup bipède.
Raging Loup
En décidant de suivre les instructions de Chiemi, nous survivons une nuit et l’horreur se dévoile à nous. Notre héros est arrivé dans un village régi par les règles de la divinité de la Montagne Shinrai-sama. Selon la légende locale, les humains et les gardiens de la montagne vivaient ensemble par le passé sur cette montagne. Ces gardiens étaient les Loups, le Serpent, le Corbeau, l’Araignée ainsi que les deux Singes. Suite à un sombre contexte, les différents gardiens et les humains se liguèrent contre les Loups.
Il se dit ainsi que lorsque la brume rouge envahit le village de Yasumizu, les loups se cachent dans l’ombre des humains et entreprennent de tous les tuer. Toutefois, les anciens gardiens reviennent également dans l’ombre des humains afin de les aider à lutter contre les loups. Le Serpent pouvant ainsi chaque jour identifier la nature d’une personne, le Corbeau peut identifier la nature d’un corps, l’Araignée peut protéger une personne chaque nuit tandis que les singes savent s’identifier entre eux. Vous l’avez compris, nous avons ainsi une réinterprétation religieuse du “Loup Garou” avec les loups pouvant tuer une personne chaque nuit et les humains peuvent voter contre une personne à exécuter chaque jour.
Notre rôle étant ainsi de faire les choix qui s’imposent afin de remplir notre objectif de sauver le plus de personnes. On ne va pas tout vous spoiler mais on vous parlait de différentes timelines du récit qui sont finalement liées entre elles. Vous aurez l’occasion de vivre ce “Loup Garou” en jouant différents rôles. Notez simplement que cette réinterprétation du “Loup Garou” cache en vérité une trame sombre et bien écrite. Malgré les quelques petites incohérences, c’est le risque avec des histoires de Timeline et de Loop. Une réinterprétation prenant également beaucoup d’inspiration des mythes Shinto japonais ainsi que du contexte historique et social du Japon pour créer un récit lugubre assez unique.
Les personnages sont également tous bien développés si vous prenez le temps de parcourir chacune des Timelines du jeu. Si l’on devait critiquer le casting, on parlera peut être du héros Haruaki Fusaishi qui jongle entre des moments dans lesquels il possède une personnalité sérieuse aux raisonnements réfléchis à des passages où il joue le mariole. Cela peut éventuellement apporter un peu de légèreté dans cette trame dramatique mais le problème vient surtout du fait qu’il peut devenir particulièrement lourd et ridicule. On ne sait du coup pas très bien comment l’identifier et on peut ne pas totalement apprécier ce héros.
Ceux qui arriveront à la vraie fin du jeu seront tout de même récompensés par les habituelles galeries propres à un Visual Novel mais surtout par un mode “Révélation”. Globalement, on vit l’histoire du point de vue du héros Haruaki Fusaishi. Le mode Révélation vous propose de revivre certains chapitres du jeu avec en plus la possibilité de découvrir le point de vue des autres personnages du jeu et ainsi de mieux comprendre leur rôle et leur psychologie dans chaque timeline. Un bonus qui ajoutera toujours plus de durée de vie pour les lecteurs les plus assidus de cette histoire.
Des lecteurs qui seront certainement peu nombreux. D’une part car le jeu est déjà uniquement traduit en anglais. Malgré la qualité de la trame, celle-ci est très longue à se mettre en route. Certes, on peut reprendre à n’importe quel chapitre mais uniquement ceux débloqués. Du coup, lorsque l’on s’aventure sur une nouvelle timeline, même si le contexte change, certaines explications reviennent. On a juste l’impression de relire le même texte et de perdre du temps. Le contexte justifie cela, après tout vous êtes le seul à faire une boucle au sein des évènements et à garder en mémoire ceux passés dans une timeline. Il serait très suspicieux qu’un étranger tout juste arrivé connaisse déjà les habitants et les règles de la montagne…
Il y avait forcément moyen de raccourcir ces répétitions et de gagner du temps, autrement qu’en nous faisant appuyer continuellement sur le bouton « skip ». Beaucoup de lignes étaient dispensables au-delà même des explications dont on vous parlait. Ensuite, on vous parle d’une trame qui progresse avec les choix que l’on fait et ce n’est pas un mensonge. Cependant, on ne vous cachera pas aussi que les fins inutiles sans déblocages de clés sont également très nombreuses et peuvent rebuter. Puis, les choix à faire sont très espacés dans l’histoire. Ainsi, on n’a pas l’impression d’énormément intervenir dans cette histoire. Autrement dit, il n’est pas rare de passer plusieurs heures de texte avant d’avoir enfin un choix à faire.
Les choix dans un Visual Novel sont censés être là pour donner une illusion d’un récit ouvert tout en impliquant les lecteurs. Chose que Raging Loop exécutera maladroitement à cause de cet espacement entre les choix. Cela démontre qu’une trame peut être bien écrite mais si la progression est mal exécutée, une forme de démotivation peut saisir le public. Au-delà de l’exécution, la bande sonore est assez quelconque, ou du moins accompagne tout juste bien le jeu. Tout comme le doublage japonais qui reste de qualité dans son ensemble. Un visual novel n’étant pas gourmand techniquement, Raging Loop est une expérience qui ne demande rien à la console et se vit de la même manière sur TV que dans son lit avec la Switch dans les mains. Notons que ceux qui opteront pour le portable pourront même y jouer en mode tactile.
Mais au-delà de la technique, ce sont les illustrations du jeu qui peuvent diviser les fans du genre. Objectivement parlant, elles sont belles et les traits des personnages sont uniques. C’est à dire qu’en comparant avec de nombreux autres Visual Novel tendant beaucoup sur des couleurs et des traits arrondis proche d’une série Anime, Raging Loop arbore son propre style. Les couleurs moins présentes pour un style plus réaliste. Ce qui divisera c’est le côté malaisant de certaines expressions des personnages ou la représentation de certains moments clés du jeu. Ce malaise colle parfaitement bien à l’ambiance du récit mais on peut comprendre que des lecteurs puissent ne pas adhérer et trouver les traits laids. A vous de vous faire votre propre avis avec les images sous les yeux et à juger si l’expérience peut valoir le coup bien que le coût, lui, soit un peu onéreux.
Conclusion
Si vous arrivez à jouer en anglais et que vous cherchez un bon récit ténébreux à lire durant ces longues soirées d’hiver, Raging Loop est peut-être ce que vous recherchez. Inspiré du jeu du “Loup Garou” réinterprété à la japonaise, menez l’enquête avec Fusaishi Haruaki à travers les mythes lugubres de la montagne Shinrai-sama. Un récit non sans incohérence et défauts dans son exécution. Pourtant, en fermant les yeux dessus, ceux qui vivront Raging Loop jusqu’au bout apprécieront probablement cette aventure malsaine éditée par Kemco. En ce qui nous concerne, après avoir fait la lumière sur les kamis de Yasumizu, il est temps de quitter les campagnes japonaises pour des horizons plus colorés et chaleureux de notre monde.
LES PLUS
- De belles illustrations au style unique
- Le système de choix avec cadenas et clés
- L’histoire sur plusieurs actes et timelines
- Accès immédiat aux chapitres débloqués
- Une écriture recherchée et inspirée de plusieurs mythes
- De nombreuses fins
- Le “Mode Révélation" à débloquer avec la vraie fin
- De longues heures de lecture
- Doublage japonais intégral
- Jouable en tactile
LES MOINS
- Des illustrations aux traits malaisants qui ne feront pas l’unanimité
- De nombreux choix et fins pas si pertinents
- Des heures de texte avant d’avoir un choix à faire
- Et une diminution de l’implication du joueur dans l’histoire
- Des explications à répétition
- Fusaishi Haruaki, cet étrange énergumène
- Un poil cher pour ce que ça propose
- Uniquement traduit en anglais