Dry Drowning : lorsque les muscles de la trachée se contractent et nous empêchent de respirer, c’est ça la noyade sèche, intéressant non ? En tout cas, avec un titre pareil, nul doute que le jeu des italiens de Studio V respire la joie de vivre et la bonne humeur. Pour encore mieux visualiser ce qui nous attend en lançant Dry Drowning, il suffit d’imaginer un Phoenix Wright entièrement mis en scène par un David Fincher qui viendrait de réaliser Seven. Difficile de savoir si ça vend du rêve ou du cauchemar, mais pour une intro ça donne envie, malheureusement le coupable ne sera connu qu’à la fin…du test.
Dystopie mon amour
Et si pour une fois tout commençait pour le mieux dans le plus autoritaire des mondes ? En l’an de grâce 2066, nous incarnons Mordred Foley (un lointain cousin d’Axel ?) qui vient juste de recevoir son acquittement dans un procès l’accusant d’avoir envoyé deux innocents sur la chaise électrique. C’est pas ça qui les fera revenir, mais ça enlève quand même un poids de la conscience. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, son entreprise de détective privé vient même de se trouver un nouveau client. Et pas n’importe quel client : le chef du parti du Black Bands. parti autoritaire qui dirige d’une poigne d’acier dans un gant en fer clouté la ville de Nova Pelemos. Ville fermée au monde extérieur dans laquelle il ne fait pas bon être étranger.
Dans ce monde dystopique où la xénophobie est devenue un art de vivre pour les puissants, un test évalue les compétences de chacun pour mieux les dénigrer selon leur QI ou leur orientation politique. Notre précieuse associée ayant des origines étrangères, il nous faudra bien prendre soin d’elle pour lui éviter les ennuis.
L’univers de Dry Drowning est sombre et notre enquête nous emmènera visiter des lieux macabres à souhait. Nous pourchasserons un tueur en série dont le surnom est Pandora, sans doute un clin d’œil à la série des Tex Murphy et à son héros : privé désabusé et cynique. Pandora commet ses crimes en s’inspirant de la mythologie grecque, la mise en scène des meurtres est toujours évocatrice de mythes anciens et notre histoire avec lui ne date pas d’hier, car c’est en cherchant à le confondre que, 6 ans plus tôt, nous avons envoyé ces deux innocents sur la veuve courant.
Nous aurons aussi fort à faire avec notre client et son entourage. La ville de Nova Pelemos suinte la corruption et les complots politiques sont aussi courant que les gouttes de pluies sur notre imper’. Heureusement pour nous, notre sixième sens fera apparaître un masque de la vérité, une personnification mi-animal mi-démoniaque du menteur, qui viendra remplacer le visage de notre interlocuteur et nous permettra de démêler le vrai du faux dans cette ville pourrie jusqu’à l’os.
Objection !
Le titre de Studio V se présente comme un visual novel d’enquête, et s’il emprunte beaucoup à la série des Phoenix Wright pour les enquêtes, il n’en reste pas moins un visual novel avec ce que cela implique en termes de gameplay. Tout d’abord, le titre est assez prolixe en dialogues. Étant tout en anglais, il faudra se sentir à l’aise avec la langue des Tommies pour pouvoir profiter de l’aventure. Jeu narratif oblige, Dry Drowning proposera assez souvent des choix moraux qui influeront sur le déroulement de l’histoire et qui nous orienteront vers l’une des trois fins différentes du jeu.
Le tout est assez classique dans sa narration, les phases de choix n’incluent pas de timer et nous laissent le temps de réfléchir aux conséquences de nos actes. C’est agréable et cohérent, nous emmenons facilement la psyché de notre personnage là où nous le souhaitons. Les dialogues sont bien écrits, chaque personnage a sa propre identité, même si nous n’échappons pas au poncif du genre, entre le détective désabusé, le flic hyperactif ou le politicien véreux, il reste peu de place à l’innovation. Malgré tout l’ensemble se laisse parcourir sans soucis et nous sommes happés par l’histoire de l’introduction jusqu’à sa conclusion.
Les phases d’investigation rappellent fortement le ténor du genre : Ace Attorney. En mélangeant enquête et interrogatoire, il nous faudra visiter différents lieux, les ausculter pour y découvrir de quoi avancer dans l’enquête et pour amener les suspects à se contredire et ainsi faire éclater la vérité. C’est classique mais c’est bien fait. L’univers étant vraiment plus mature que la série des Phoenix Wright, Dry Drowning offre un point de vue qu’il est difficile d’appeler rafraîchissant, mais qui permettra aux amateurs du genre de sortir du style trop mignon de la série de Capcom pour nous ramener sur le bitume froid et humide de Nova Pelemos.
C’est Emile le tueur !
D’un point de vue graphique, Dry Drowning est dans l’ensemble une réussite. Chaque tableau est détaillé et nous emmène dans l’ambiance qu’il souhaite dépeindre. Du chaud et cosy pour notre intérieur jusqu’au sombre et oppressant d’un parc devenu une scène de crime, les décors nous entraînent à la suite de Mordred Foley et renforcent l’immersion dans son aventure. Des petits effets de caméra viendront de temps en temps ajouter à la tension de la situation en faisant tanguer le décor.
Les personnages sont tous différents et bien dessinés. Il est juste dommage que leurs émotions peinent à transparaître sur leur visage durant les interrogatoires. Si les mimiques exagérées de Phoenix ne sont pas adaptées à Dry Drowning, le manque d’émotion l’est tout autant. Il aurait été agréable que les protagonistes aient davantage d’expressions.
Les compositions musicales font la part belle au piano tout au long de l’aventure. Tour à tour mélancolique ou angoissant, chaque morceau sonne juste et conforte les graphismes dans l’atmosphère que cherchent à poser les développeurs.
Il faudra compter une bonne dizaine d’heures pour venir à bout du premier run. Les différents choix moraux qu’il nous faudra faire tout au long de l’aventure offrent au titre une rejouabilité certaine même si, en dehors du dernier chapitre, le déroulement est sensiblement identique d’une partie à l’autre. Découvrir l’ensemble des fins possibles sera-t-il suffisant pour relancer une partie, cela dépendra des appétences de chacun et des liens que nous aurons noués avec l’histoire.
Conclusion
Avec ses graphismes réussis et son écriture mature abordant des thèmes comme la xénophobie et le totalitarisme, Dry Drowning, des italiens de Studio V, offre une expérience prenante du début à la fin. A la fois visual novel et jeu d’enquête, il mêle facilement les codes de ces deux genres. Ses mécaniques de gameplay, avec ses phases d’interrogatoire et de recherche d’indices, rappellent fortement Phoenix Wright, son principal concurrent sur Switch. Leurs prix sont d’ailleurs assez proches, Ace Attorney Trilogie étant 5€ plus cher, mais proposant 3 aventures et une durée de vie largement supérieur, le choix se fera avant sur la différence entre leur univers. Mais si les aventures de l’avocat à la coiffure de porc-épic n’ont plus aucun secret pour vous et que vous cherchez à vivre une histoire plus sombre dans un monde dystopique, Dry Drowning est fait pour vous.
LES PLUS
- Un univers mature et sombre
- Chaque tableau propose de très beaux graphismes
- Les compositions au piano sont toutes réussites
- Les phases d’enquêtes et de choix moraux se mêlent agréablement
- Le rythme de la narration est régulier tout au long de l’aventure
- L’écriture des dialogues est soignée
- 3 fins différentes
- Une durée de vie correcte d’une dizaine d’heures pour voir le bout de l’histoire
LES MOINS
- Les visages des personnages manquent d’expressions
- Tout en anglais