Second jeu du développeur indépendant Franco-japonais Makee, Rise Eterna poursuit la ligne éditoriale du studio avec un titre censé faire vibrer la fibre nostalgique des fans de production old-school des années quatre-vingt-dix.
Avec leur premier jeu Tiara : the deceiving Crown, l’équipe tentait de séduire les fans d’Action-RPG de cette ancienne ère. Rise Eterna joue sur cette même fibre nostalgique dans le genre du Tactical RPG. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’illustration d’accueil du jeu motive à lancer le jeu sur nos Switch et c’est après avoir parcouru les quelques heures de gameplay du jeu que nous allons nous exprimer sur cette aventure tactique.
Un récit sans prise de tête
Un RPG ou un jeu d’aventure mise souvent sur un récit captivant à vivre et à parcourir.. L’introduction de Rise Eterna, ses premières illustrations et ses premières heures peuvent attiser la curiosité. Pourtant, en arrivant aux crédits du jeu quelques heures après on ne se souvient déjà plus très bien des lieux traversés, des personnages présentés voire même de la trame globale qu’a voulue proposer le studio Makee. On se souvient au moins que le jeu est traduit en français, un effort louable encore aujourd’hui dans le jeu vidéo.
Faisons l’effort de fouiller dans notre mémoire, il semble que nous démarrions avec village envahi par des bandits. Ces bandits exécutent tous les habitants du village mais se font tous exécuter par une jeune villageoise du nom de Lua. On découvre la scène sous le point de vue d’un bandit n’ayant pas participé à cette mission, Nathael. Il décide de se reconvertir dans la protection de cette jeune fille qui ne lui fait pas confiance et qui serait plutôt tentée de lui trancher la tête.
Les deux entreprennent un voyage vers la capitale du royaume, Lua devant retrouver une certaine personne si le pire se produisait un jour. Des alliés dont nous avons oublié le nom, nous rejoignent. Après quelques missions à tuer des bandits, nous sommes finalement à la capitale où nous retrouvons l’homme recherché par Lua qui lui indique qu’elle doit retrouver ses cinq sœurs et revenir le voir afin de comprendre la vérité qui les accable toutes.
On ne va pas vous mentir, on va passer directement à la fin en vous spoilant le fait qu’on a certainement ravagé une bonne partie du continent pour une histoire dont on ne se souvient plus ni des tenants ni des aboutissants. Pour faire court, la promesse d’un scénario captivant n’est pas tenue avec Rise Eterna. L’écriture est pleine d’incohérences, d’éléments qui deviennent totalement hasardeux et de personnages qui auraient pu, dans l’absolu, être charismatiques si leur développement avait été soigné.
Le plus grand drame certainement dans cette écriture, c’est qu’il y a des moments supposés forts et tragiques mais qui sont juste O.S.E.F car les personnages ne sont pas une seconde crédibles. D’une mission à l’autre, chacun d’eux a une personnalité et des actes qui virent à 180°. Par exemple, au début il nous apparaît que Nathael est certainement un guerrier vétéran reconverti en bandit qui ne semble pas vouloir tuer des villageois et des innocents selon ses principes. Puis on le retrouve quelques lignes de texte plus loin à être le premier à motiver ces alliés à massacrer un village pour finalement, à la mission suivante, revenir sur ses principes initiaux.
Toute l’écriture est ainsi malmenée et décrédibilise tous les événements potentiellement dramatiques ou poignants. On arrive uniquement à repérer ces moments grâce aux quelques sublimes illustrations clés du jeu qui nous désignent l’intensité du moment. Dans l’absolu, si vous jouez au jeu sans trop vous prendre la tête et que vous souhaitez juste avoir un tactical sur lequel rouler sans prise de tête d’ici le prochain vrai Fire Emblem ou autre licence de jeu tactical alors dans ce cas-là Rise Eternal peut devenir un jeu sympathique et pertinent à faire.
D’ailleurs, ceux qui arrivent vraiment à se laisser happer par le jeu trouveront plaisir à refaire les missions du jeu. En effet, chaque mission du jeu est rejouable à volonté et vous pouvez utiliser ce principe afin de débloquer des PC, élément que nous développerons dans un instant, mais surtout des personnages jouables supplémentaires. Cela augmente la durée de vie du jeu qui est en soit convenable pour le prix et pour ceux qui s’amuseront sur le titre.
Une aventure tactique avec quelques idées
Vous le devinez certainement déjà, l’expérience proposée par Rise Eterna est un peu une expérimentation du tactical RPG. Il s’agit plutôt d’une aventure tactique. En effet, Rise Eterna n’a de RPG que l’introduction de personnages évoluant dans une histoire et quelques mécaniques d’upgrades de stats ainsi que la présence d’un arbre de compétences.
Toutefois, certains éléments basiques du genre sont inexistants de l’expérience délivrée par Makee. À savoir des personnages qui progressent en montant de niveau ou encore des missions proposant un certain challenge tactique. En fait, si l’on reste honnête, il y a une légère notion de challenge tactique au début car on découvre les mécaniques offertes par le jeu et les compétences de nos personnages ne sont pas encore toutes acquises.
Nous sommes même surpris par quelques éléments qui au début aurait pu être une bonne idée et nous amener sur une autre voie du tactical-RPG. En effet, dans Rise Eterna, les missions sont rythmées par une phase joueur et une phase ennemie. On déplace nos unités sur un quadrillage comme de nombreux jeux du genre et chaque unité n’a pas nécessairement la même capacité de mouvement ou de portée d’attaque. Du côté des alliés comme des ennemis.
Ainsi, il faut anticiper les mouvements ennemis afin d’utiliser au mieux nos unités pour les mettre à mal. On a des conditions de victoire ou de défaite à respecter afin de pouvoir venir à bout des missions. Nous avons également des décors avec des objets à looter, des portes et des coffres à ouvrir. Notons également que la plupart des cartes du jeu ont également des pièges qui s’activent lorsqu’on passe dessus et qui peuvent éventuellement gêner la progression. Il s’agit certainement de la seule mécanique véritablement gênante et tactique de Rise Eterna : les pièges à éviter.
La bonne idée du loot réside dans le fait qu’il peut servir à crafter des clés, des potions ou des armes de jet à distance. Il n’y a pas de magasin où faire le plein dans Rise Eterna, on dépend ainsi de ce loot et du craft pour les objets. On a aussi des gemmes qu’on peut récupérer afin de les équiper sur nos héros afin d’augmenter leurs stats. En plus de ça, on a un arbre de compétences sur lequel on peut user de nos PC afin de débloquer des capacités passives et faire progresser nos personnages sur un autre plan que la montée de niveau classique.
Chaque mission réussie nous rapporte 1 PC pour chaque personnage ayant participé à la bataille. L’arbre de compétence est divisé en deux grandes branches elles-mêmes divisées en de plus petites sections. Une des grandes branches possède des compétences propres à chaque personnage alors que la seconde répertorie des compétences communes. Toute cette gestion loot, craft, gemmes et compétences donne une belle illusion d’expérience tactique pas forcément révolutionnaire mais peut être unique.
Des mécaniques Eterna-llement déséquilibrées
Au début uniquement, on se prend au jeu d’aller sur chaque point de loot, ouvrir les différents coffres, faire attention aux ennemis et lire avec attention les compétences pour attribuer les meilleures. Après quelques heures de jeu, on se rend compte que les compétences propres des personnages sont totalement craquées et qu’à un certain niveau il n’y a plus du tout de sensation de danger sur les champs de bataille, un comble dans un tactical.
Un sentiment de danger qui n’est déjà pas si présent puisque seuls les pièges et le fait de perdre les personnages importants des missions peuvent faire frémir le joueur. Personnages qui sont souvent Lua ou Nathael et dont la perte amène souvent à recommencer la mission. Les autres personnages perdus ne feront qu’une retraite temporaire et vous pourrez les retrouver en fin de mission donc aucun stress lié à la fameuse permadeath présente dans certains autres jeux du genre.
Dans tous les cas, comme on le mentionnait après quelques missions, on se rend compte du système totalement déséquilibré du jeu. La légère impression tactique du début se dissipe à chaque mission en débloquant des gemmes et des compétences et ce n’est pas la légère augmentation de force des ennemis en avançant dans le jeu qui nous rappelle à l’ordre…
Certaines unités sont tellement cheatées que nous pouvons à un moment du jeu les mettre en solo et les laisser rouler sur les missions. D’ailleurs comme il n’y a pas de niveau et d’XP, si en plus le challenge disparaît, il n’y a pas véritablement de raison de mettre d’autres personnages en combat. On peut considérer qu’un public existe pour ça. Après tout, on peut avoir un certain sentiment de puissance à imaginer une seule unité se confronter à une armée entière. Pour ça qu’on dit que l’expérience peut être sympathique pour ceux qui chercheraient un titre légèrement tactique mais sans prise de tête.
Après avoir fait le tour de l’histoire et des mécaniques du jeu, il faut s’attarder sur l’aspect technique de celui-ci. On en avait déjà parlé mais on se permet d’en remettre une couche sur les illustrations clés du jeu qui sont tout de même très réussies. Les personnages ont pour certains des traits uniques et auraient pu être un modèle de charisme si leur écriture suivait. Le rendu in-game est assez proche des anciens Fire Emblem 2D avec des couleurs plus ternes. Les sprites des unités et les animations de combats sont propres, fluides et plutôt réussies en TV comme en portable.
En revanche, elles manquent de diversité et certains joueurs gagneront certainement du temps en désactivant les animations de combat. La bande sonore suit un schéma similaire si ce n’est qu’elle n’a pas forcément de note particulière que l’on peut souligner. C’est-à-dire que l’on arrive à donner de bons points sur l’aspect visuel du jeu mais la bande sonore accompagne tout simplement bien le jeu sans plus. Comme les animations de combat, elle manquent de variété et finissent par tourner en rond. Aussi, l’ambiance sonore est limitée à quelques bruitages d’armes et des grognements d’ennemis qui tombent à terre. Il n’y a donc aucun doublage. On serait presque tenté de mute le jeu pour mettre des thèmes provenant d’autres softs.
Conclusion
Si vous êtes encore en manque de Tactical RPG malgré les centaines d’heures de jeu offertes par certains des plus illustres titres du genre sur Switch, alors il est possible que votre quête de nouvelle expérience du genre vous mène jusqu'aux somptueuses illustrations de Rise Eterna. Préparez-vous à être surpris dès le début par son parti pris légèrement éloigné du RPG traditionnel. Vous pourriez y trouver votre compte, surtout si vous n’êtes pas regardant sur les incohérences du scénario, le casting totalement random et si vous désirez juste rouler sur les champs de bataille après avoir souffert dans d’autres tacticals. Mais si c’est la qualité d’écriture et le challenge que vous recherchez, Rise Eterna n’est certainement pas l’expérience que vous auriez imaginée. Un hommage loupé au Tactical RPG en ce qui nous concerne. Une note moyenne mais qui montre aussi la grande marge de progression possible pour Makee. On ne peut qu’encourager le studio franco-japonais à poursuivre et s’élever au-dessus de ce premier essai du genre à l’avenir. Au final, concertez-vous avec le stratège au fond de vous et laissez votre instinct décider de vous lancer ou non dans cette expérience Rise Eterna.
LES PLUS
- De magnifiques illustrations pour les personnages et moments clés du jeu
- Une réalisation propre et jolie dans son style
- Le loot, le craft, les gemmes et l’arbre à compétences
- Une base tactique sympathique
- Un genre de tentative d’expérience tactique différente d’autres jeux du genre
- Une expérience ouverte à tous en TV comme en portable
- Une durée de vie convenable
- Les personnages cachés à débloquer
- En français !
LES MOINS
- Des animations de sprites pas très variées
- On a vu mieux dans le même style sur Switch
- Une tentative pas trop pertinente au final
- Peut-être aurait-il fallu rester sur une base de Tactical-RPG solide
- Trop facile, plus aucune tactique après quelques heures
- On roule sur tout le jeu avec une seule unité
- Des personnages mal écrits, qui perdent en crédibilité
- Les moments forts ne dégagent du coup plus rien
- Le scénario global en devient transparent
- Une ambiance sonore minimale qui tourne vite en rond
- Cette sensation d’avoir un Fire Emblem du (très très) pauvre