Après une trilogie centrée sur le personnage de Phoenix Wright et la famille Fey, la série Ace Attorney revient avec une autre collection remaster sur Nintendo Switch. Cette fois-ci, les développeurs ont choisi d’explorer un passé très lointain sous forme de spin-off. Initialement sorti uniquement au Japon sur Nintendo 3DS, The Great Ace Attorney Chronicles débarque finalement jusque chez nous. Capcom nous propose une toute nouvelle aventure en tant qu’avocat de la défense, mais prenant place à l’ère Meiji du Japon (Années 1868 – 1912). Nous étions présents lors des affaires et des procès qui se sont déroulés à ce moment et c’est plus d’un siècle après que nous vous livrons notre bilan des versions Nintendo Switch.
Jouer les avocats dans le Japon et l’Angleterre du XIXe
Nous sommes à la fin du XIXe siècle. Le Japon est en pleine révolution industrielle et en pleine période de reconstruction afin de se moderniser après des siècles d’isolation. Le pays s’ouvre au monde et de nombreux japonais partent à l’étranger pour mieux revenir et participer à cet effort de modernisation grâce à leurs nouveaux acquis. Naruhodo Ryunosuke est un étudiant dont le domaine n’est certainement pas le droit. Avant de poursuivre, soulignons que cet opus est tout de même lié, de très loin, aux récents jeux de la série.
Petit rappel évoqué lors de la promotion du jeu Switch. En occident, nous connaissons le héros d’Ace Attorney sous le nom de Phoenix Wright, mais sachez qu’au Japon ce même héros se nomme Naruhodo Ryuichi. Vous commencez à voir le lien entre ce spin-off et les récents jeux ? Effectivement, nous vivons les aventures de l’ancêtre de Phoenix Wright. D’autres références et liens sont plus ou moins abordés mais sachez qu’il est possible de faire ce spin-off sans avoir jamais joué à la série.
Revenons à notre cher Naruhodo Ryunosuke, étudiant en seconde année à l’Université Teito Yumei. Défendre des clients accusés de meurtre fait partie du quotidien de Phoenix Wright, mais peut-être est-ce une malédiction héritée de son ancêtre ? Celui-ci est d’ailleurs lui-même accusé d’un meurtre dès la première affaire. Alors que son ami Asogi se prépare à le défendre, Naruhodo apprend que son sort impactera grandement celui-ci et décide de prendre sa propre défense.
Asogi reste à ses côtés pour l’assister puis en l’aidant à tenir des propos clairs et convaincants. En effet, à la manière de Phoenix, Ryunosuke est à ses débuts très hésitant. Ses pupilles nagent carrément dans leur globe oculaire. Notre jeune héros montre encore plus son inexpérience par rapport à son descendant sortant d’études de droit. En effet, il ne lance aucune “objection” mais des “Hai!” ou en anglais “Yes!” avant de prendre la parole.
Un voyage culturel entre le Japon et l’Angleterre
Nous nous retiendrons d’aller en détails sur cette première affaire mais sachez que notre héros arrivera à être acquitté après un procès assez long. Un premier chapitre Ace Attorney plus dense que la normale, bien écrit et passionnant. Et ce n’est que le commencement, Ryunosuke semble bien plus maudit que son descendant. En effet, à peine quelques mois après avoir été acquitté au Japon, le voilà à nouveau au cœur d’un meurtre sur un navire en direction de l’Angleterre.
Cette fois-ci pas de procès mais uniquement un long chapitre d’investigation afin de recueillir des pièces à conviction toujours dans l’objectif de prouver son innocence. C’est d’ailleurs menotté par le grand détective Herlock Sholmes (!) que nous enquêtons à travers un navire russe. Une trame liée à des événements politiques de notre monde au XIXe siècle. Concernant le fameux détective, non votre œil ne vous trompe pas. Il est simplement difficile pour Capcom d’exploiter ainsi l’univers d’Arthur Conan Doyle en occident.
Les clin d’œils à Sherlock Holmes sont d’ailleurs nombreux à travers d’autres personnages de l’œuvre jouant un grand rôle dans ce Great Ace Attorney. Au-delà de ça, cet opus fait également apparaître des personnages bien réels réécrit et adapté à l’univers Ace Attorney et contemporain à cette époque du XIXe siècle. Nous avons ainsi, par exemple, l’apparition de l’auteur Natsume Soseki, grand auteur japonais de cette époque.
Celui-ci a réellement été en Angleterre afin d’y étudier et revenir au Japon afin de moderniser le pays à son échelle ainsi que dans son domaine. The Great Ace Attorney propose une aventure fictive empruntant énormément à la fois à la fiction et à la réalité de cette fin du XIXe siècle. Les emprunts sont nombreux aux événements historiques voire politiques de cette époque. Cela rend sa trame unique, fraîche et nous donne véritablement l’impression de vivre un échange culturel entre le Japon et l’Angleterre de ces années.
Face aux témoins et au jury de la cour !
Les deux premières affaires font ainsi office de présentation des bases sur les phases de procès ainsi que les phases d’investigations. Les deux phases ont été repensées afin d’incorporer des éléments inédits dans le but d’approfondir le gameplay assez efficace de Ace Attorney. Occupons-nous d’abord de la phase de procès. The Great Ace Attorney fonctionne toujours avec la fameuse mécanique de contre-interrogatoire des témoins.
Lors d’un procès, il faudra analyser vos pièces à conviction et décortiquer chaque témoignage afin de mettre à jour des contradictions. À ce moment, présenter alors votre pièce à conviction afin de mettre à mal le témoin et amener un nouveau témoignage. Il arrive que la contradiction ne soit pas visible de prime abord et il est toujours possible d’attaquer chaque partie du témoignage afin de collecter des informations et potentiellement faire apparaître des contradictions.
Voilà pour la base, le premier élément “inédit” est une mécanique provenant du cross-over avec le Professeur Layton (également paru sur 3DS). Il s’agit du contre-interrogatoire de plusieurs témoins en même temps. Ainsi, durant un témoignage avec plusieurs individus à la barre, alors qu’un premier déclare une chose, il est probable qu’un second ait une réaction de surprise. Cela est souvent dû à un fait différent vécu du point de vue du second lors d’un même témoignage et cela ouvre souvent la porte à une nouvelle version faisant avancer les choses.
L’autre élément totalement nouveau est le contre-interrogatoire de jury. Selon le jeu à cette époque, le système judiciaire anglais appelle six citoyens aléatoires à être membres d’un jury. Le verdict du juge dépend ainsi d’un vote unanime de ces six jurés. Il arrive toujours que les six finissent par donner le verdict « coupable ». Toutefois, vous avez le droit à un interrogatoire final des six membres du jury en même temps avec l’espoir de faire changer l’avis d’un de ces membres. Cela permet ainsi de poursuivre le dossier car un membre n’est toujours pas satisfait du verdict et qu’il n’est pas permis de rendre un verdict sans unanimité.
Une enquête rythmée par la danse de raisonnement et déduction !
Nous avons commencé avec les procès mais à part les deux premières affaires, la progression des chapitres dans The Great Ace Attorney est similaire à ce que proposent les jeux principaux de la série. C’est-à-dire que l’on commence par une investigation pour recueillir de nombreuses informations et pièces à conviction liées à notre affaire. Puis une fois qu’on a réuni tout ça, on fait face à la cour et au témoin afin de balancer notre meilleure plaidoirie et sauver notre client.
À l’instar des procès, les phases d’investigations tentent des expériences inédites afin de surprendre ses fans. Avant de détailler cela, rappelons les mécanismes des phases d’investigations. Nous progressons sur divers lieux et décors un peu comme dans un genre de Point’n click et l’on interroge les individus en faisant défiler les textes tel un Visual Novel. Il est possible d’examiner les lieux et de garder des objets clés comme preuves.
Du coup, à part à travers les expressions de visage ou gestuelles des personnages ainsi que quelques effets visuels. Les phases d’investigations peuvent juste être des phases de jeu très longues et éprouvantes dans lesquelles nous sommes inondés de lecture. Globalement à ce niveau pas de changement dans The Great Ace Attorney si ce n’est plus d’effet et de gestuelle pour donner plus de mouvement et de vie à tout ça.Ce qui va vous réveiller c’est la mécanique de danse de raisonnement avec Herlock Sholmes.
Durant ces phases, on assiste à une scène de raisonnement très dynamique dans laquelle Herlock relate des faits et invoque des conclusions sur un témoin précis. Bien que notre détective ait l’œil vif ainsi qu’un bon flair pour surprendre tout le monde, son raisonnement est toujours légèrement biaisé par rapport à la vérité. C’est donc notre rôle de corriger cela en ajustant les raisonnements de Herlock et en admirant ce spectacle dansant plein de vie où nos deux protagonistes respirent la grande classe, effet rarement vu dans la série.
Une collection HD à une langue de la perfection
Le spectacle est sublimé sur Switch avec un rendu beaucoup moins flou, plus propre et plus coloré que sur Nintendo 3DS. Les détails des décors ainsi que sur les personnages sont plus visibles qu’ils ne l’ont jamais été sur la version originale. En portable, l’expérience peut se faire en tactile. Le seul élément manquant est la 3D stéréoscopique qui avait son petit effet pour donner du volume à ce monde. Cela apportait sa petite subtilité en jouant sur les perspectives lors des investigations. Elle rendait également les bulles d’expressions en procès, comme les “Objection”, classes à voir.
En mettant les deux versions côte à côte, nous ne mentirons pas que le style un peu terne, flou et grisé avait son charme sur 3DS. Il donnait un aspect retro à l’œuvre qui participait quelque part à renforcer l’impression de jouer dans un jeu se déroulant à une époque plus lointaine. Néanmoins, on ne critiquera pas la propreté et la beauté de cette version Switch, en portable comme sur TV. C’est un régal pour les yeux d’avoir un Ace Attorney aussi beau désormais incluant quelques belles cinématiques en animation. Nous comprendrons que certains puristes auraient préféré quelque chose de plus proche de l’ancienne 2D que les modèles 3D actuels.
Au niveau de la bande sonore, les compositeurs nous proposent une instrumentalisation symphonique et orchestrale très présente. Une grande utilisation de cordes frottées et d’accordéon vient dépeindre l’univers et les personnages britannique tandis que l’utilisation d’instruments japonais pour ces mêmes éléments nous embarque du côté de l’archipel nippon. Quelques thèmes loufoques mais également d’autres graves et marquants ambiancent le tout. Il s’agit d’une des OST les plus mémorables de la série. Certains regretteront toujours le doublage limité à quelques onomatopées et obligeant à lire plein de textes.
Tout cela pour une longue aventure initialement proposée en deux jeux 3DS à plein tarif, élément pécuniaire qui fut assez décrié au Japon. The Great Ace Attorney Chronicles arrive en occident sous la forme d’une collection HD comprenant les deux jeux. Ainsi, préparez-vous à une bonne quarantaine voire cinquantaine d’heures de jeu multipliée par deux. Cela vous donne une durée de vie énorme proche de la centaine d’heures d’enquêtes et de procès.
Un peu comme pour se faire pardonner du retard de localisation, Capcom incorpore même des bonus appréciables dans le jeu. Comme une galerie d’art et une galerie audio entre autres. Puis même des costumes bonus ainsi qu’une dizaine de petites histoires parallèles a lire. Nous étions si proches du pardon jusqu’à découvrir que la traduction était uniquement ANGLAISE. Tellement dommage pour un opus d’une qualité rare depuis Ace Attorney: Phoenix Wright Trials and Tribulations!
Conclusion
Votre honneur, nous ne mentirons pas en affirmant que les fans ont longtemps attendu jusqu’à perdre tout espoir de voir le miracle se produire. Puis, Capcom nous a pris à contre-pied en annonçant la localisation des deux spin-off de The Great Ace Attorney. Nous présentons ainsi à la cour, The Great Ace Attorney Chronicles, titre Nintendo Switch réunissant ces deux chefs d'œuvre de la saga en un titre avec de nombreux bonus pour se faire pardonner du retard. Des mécaniques nouvelles et fraîches se combinent à une histoire riche en surprises et en rebondissements. Cette aventure vous fera voyager à travers la culture japonaise et britannique du XIXe siècle. The Great Ace Attorney Chronicles aurait pu prétendre à une meilleure note si et seulement si la traduction était également française votre honneur. La défense termine ainsi sa plaidoirie en attendant le prochain opus de cette superbe série.
LES PLUS
- Très beau, coloré et propre en portable et TV
- Des détails beaucoup plus visibles en HD
- Les belles cinématiques en animation
- Des musiques qui vibrent dans vos oreilles
- Le gameplay Ace Attorney efficace
- La danse de raisonnement et de déduction !
- Contre-interrogatoire de plusieurs témoins
- L’interrogatoire du jury
- Tactile en portable
- Une trame de qualité, plus sombre et bien ficelée
- Contexte d'époque et références culturelles !
- Deux jeux en un donc gigantesque durée de vie !
- Quelques bonus appréciables
- Un des meilleurs Ace Attorney enfin en occident !
LES MOINS
- UNIQUEMENT EN ANGLAIS, LA HONTE!
- La 3D stéréoscopique puis le rendu terne et ancien manquent un peu
- L’origine 3DS du jeu ne trompe pas les yeux
- Quelques longueurs et beaucoup de lecture
- Dommage pour les droits et changement de nom de certaines références
- C’est un Ace Attorney du coup parfois très tiré par les cheveux
- Un doublage intégral aurait été cool
sans trad..quelle tristesse !!!
*couac* pas de lutin bleu et sa musique infernale *couac*