Alors que le froid s’abattait sur la belle province canadienne de Montréal, on s’interrogeait chez Nupixo Games, sur la teneur du prochain titre du studio. Une aubaine que n’allait pas laisser filer Minh Ta qui, son projet de point’n click en pixel art sous le bras, tout à la gloire du célèbre détective Di Renjie, surgit sur ces entrefaites – sans doute chaussé de moon-boots fluos mais ça, l’histoire ne le dit pas. Il n’en fallut en tout cas pas davantage au reste de l’équipe pour se jeter corps et âme dans la production du jeu, publié le 3 décembre dernier sur nos Nintendo Switch. Au placard les Sherlock Holmes, Herlock Sholmes et autres Hercule Poirot, car le meilleur d’entre eux fait aujourd’hui une entrée remarquée, et n’est nul autre que le détective Di.
Prends garde à toi, Sherlock Poirot !
Nos mésaventures commencent en l’an 680 dans la province de Penglai. Nous, détective Di Renjie, fraîchement nommé magistrat, arrivons chez le gouverneur local pour résoudre l’encombrant assassinat d’un diplomate coréen, sur le point de finaliser un traité de paix avec le voisin chinois. Chercherait-on à ternir la fin de règne de l’empereur vieillissant ? C’est ce qu’il nous faudra découvrir.
Cette première affaire – qui fait office de prologue – expédiée, nous retrouvons le détective Di à Chang’An, capitale de l’empire Tang, soit l’actuelle Xi An dans la province de Shaanxi, comme ne manqueront pas de remarquer les inconditionnels de l’Empire du Milieu. Seule représentante de son genre à avoir exercé le pouvoir en Chine, l’impératrice Wu Zetian – excusez du peu – nous a en effet fait quérir à la suite de l’odieux meurtre d’une jeune femme, s’en remettant là encore au plein potentiel de l’enquêteur Di et ses aptitudes exceptionnelles.
Débute alors un périple découpé en trois chapitres, qui nous confronteront aussi bien à des politiciens véreux qu’à nos propres démons. Non traduit, le travail d’écriture des scénaristes de Nupixo requiert malheureusement un bon niveau dans la langue des colons du Mayflower pour s’apprécier à sa juste valeur.
Car si celui-ci arbore les contours des point’n click traditionnels tels qu’à travers les titres mythiques de Sierra ou Lucasart, les plus grabataires d’entre nous les ont connus, ces mécaniques passent ici au second plan d’une histoire à la narration prenante, dont nous voulons connaître le fin mot. L’enquête, inégalement répartie en trois phases d’observation, d’accumulation de preuves et d’interrogatoire, fait ainsi largement l’impasse sur la collecte d’items, dont la combinaison et l’utilisation figurent au cœur du gameplay des classiques du genre, à l’instar du tout récent et très bon Leisure Suit Larry.
Quand la pointe a perdu le click
Il s’avère donc extrêmement rare d’hésiter sur la marche à suivre, tant les objets à ramasser puis manipuler sont peu nombreux, et l’histoire linéaire. Aussi avançons-nous
naturellement dans nos investigations, qui ne nécessitent jamais trop de réflexion personnelle. Les amateurs d’un challenge plus corsé se tourneront donc plus facilement vers les productions Daedalic s’ils ne les ont pas encore éclusées, voire le très réussi Inspector Waffles sorti au printemps dernier.
A défaut de casse-tête dignes de ce nom, l’aventure nous maintient scotchés à notre Switch quatre heures durant grâce à l’ambiance, la qualité de ses dialogues et plus globalement, son scénario réellement abouti. Guidé par un sens aigu de la moralité, qui le maintiendra sur la voie de la probité tout au long de sa quête de vérité, notre héros aux milles vertus évolue au sein de l’ère des Tang, pétri de respect pour cette impératrice que méprise à bas bruit la classe dirigeante.
Les graphismes peaufinés par les développeurs de Nutixo Games, tout en pixel art, favorisent grandement l’immersion. Sans exhaustivité, les décors austères de prime abord collent parfaitement à l’époque, depuis l’environnement urbain et dépouillé des quartiers pauvres de la cité jusqu’aux riches ornements, détaillés, du palais de l’impératrice. Seule ombre au tableau, les quelques paysages à l’extérieur, trop peu opulents.
Un style rétro complètement assumé dont n’a pas à pâtir l’expressivité des personnages, aux attitudes parfaitement intelligibles : notre détective adopte par exemple, et systématiquement, la même posture empreinte de déférence face à l’impératrice, tête baissée et mains jointes devant lui… Un détail certes, qui nous aide à toutefois vivre pleinement le périple. Les dialogues y participent aussi bien que nous regrettions çà et là des anachronismes en rien dérangeants, mais frappants.
Adaptation, es-tu là ?
La bande-son prolonge idéalement l’atmosphère du jeu. Tour à tour douce et énergique selon la situation, elle épouse à la perfection les tableaux que nous traversons. Tout juste déplorons-nous qu’elle disparaisse subitement à l’occasion de certains dialogues, plutôt que de se fondre doucement en arrière-plan, nous plongeant dans un brusque silence assez perturbant.
Abordons pour finir la prise en main. En provenance directe du monde PCiste, Detective Di: the Sil Rose Murders sent malheureusement le portage trop peu réfléchi quant à la nécessaire adaptation des contrôles. Ainsi déplaçons-nous au joystick le curseur sur l’écran, à la manière d’une souris. Mais à choisir entre précision et vitesse de déplacement, c’est évidemment la précision qu’ont mis à l’honneur les développeurs, ce qui ne poserait aucun problème si des raccourcis boutons existaient.
Or, ce n’est pas le cas. Récupérer un objet dans le sac devient alors une vraie plaie. Pour accéder à ce dernier situé en bas à gauche de l’écran, il faut déplacer jusqu’à lui le curseur, maintenir le bouton A appuyé tout en déplaçant à nouveau le curseur, puis relâcher le bouton à l’endroit où nous souhaitons interagir. Une perte de temps assez pénible, qui heureusement n’est pas prépondérante dans le gameplay. Quel dommage, vraiment, puisque la présence du – désormais – classique bouton surlignant les objets interactifs à l’écran dénote en parallèle d’une réelle réflexion sur l’évolution des point’n click.
Conclusion
Détective Di: the Silk Rose Murders du studio canadien Nupixo Games n’est pas un grand point’n click, mais un bon jeu d’aventure. Ses graphismes léchés en pixel art et sa bande-son nous entraînent dans la Chine féodale de la dynastie Tang, où nous vivons au rythme trépidant des enquêtes du célèbre détective Di Renjie. Son gameplay, davantage basé sur les dialogues et l’observation que la combinaison acharnée d’objets, en fait un titre attachant qui se parcourt facilement, dont la seule source de frustration découle parfois du manque d’optimisation de sa prise en main.
LES PLUS
- Les graphismes en pixel art sont sobres et soignés
- La bande-son s’adapte toujours à la situation
- Chaque personnage a son caractère, qui lui est propre
- L’histoire est prenante du début à la fin, avec son lot de twists efficaces
LES MOINS
- Les mécaniques de point’n click sont sous-exploitées
- La prise en main est parfois laborieuse et non pensée pour une utilisation console
- Assez court (4 heures) pour le prix (12,99 euros à plein tarif)
- Tout en anglais