Les amateurs des aventures de Loup Solitaire vous le diront, les livres dont vous êtes le héros, c’était quand même un truc de dingue. Des bouquins qui nous offraient la possibilité de déterminer notre chemin en faisant des choix après chaque paragraphe. Des secondes, troisièmes ou huitièmes lectures qui ne ressemblaient jamais aux précédentes, bref des Visuals Novels avant l’heure. Ces titres qui basent une grande partie de leur gameplay sur leur narration et sur nos décisions au fur et à mesure de notre avancée. Cross the Moon, du développeur Patrick Rainville, se réclamant de ce genre, nous avions une idée de ce à quoi nous aurions affaire. Monumentale erreur !
Le Livre dont vous n’êtes pas le héros
Soyons honnêtes dès le début de ce test. Cross the Moon n’est pas un jeu vidéo. Au mieux nous pouvons lui mettre une étiquette d’expérience audio visuelle. L’interactivité est nulle. Cross the Moon est un roman graphique qui ne nous laisse jamais faire autre chose que passer d’un dialogue au suivant. Le degré d’interactivité n’est pas proche du zéro, il EST le néant absolu. Pourquoi investir dans une Switch et vouloir dépenser son argent dans un livre ? Voilà la question que doivent se poser les quidams hésitants devant leur écran, la carte bleue en main.
L’objet livre, s’il est cher au puriste pour les sensations qu’il procure, ne possède pas pour autant un écran capable de faire vivre devant nos yeux les personnages de nos aventures. Certains diront que l’imagination est un média bien plus puissant tandis que d’autres apprécieront la vision qu’un artiste peut apporter à une œuvre. Plutôt que de chercher à trancher entre ces deux camps, revenons à Cross the Moon et à son aspect graphique. Patrick Rainville nous offre simplement des plans fixes photographiés ici et là à travers le monde.
Si cela peut sembler intéressant sur le papier, les clichés sont bien trop inégaux pour mettre en place une ambiance particulière. Leur banalité n’apporte vraiment rien à notre histoire et ce n’est pas les quelques filtres de couleurs qui sauront relever un tant soit peu leur intérêt. Sur ces clichés, le texte à lire viendra s’afficher sans aucune mise en scène ou jeu sur les caractères. Là encore, c’est très plat et aucun sentiment n’est mis en surbrillance. Heureusement, les personnages sont, quant à eux, dessinés à la main. Ayant bien plus de caractère et d’originalité que les décors qui les accompagnent, ils sont bien plus intéressants à suivre.
Un monde de clair obscur
Nous découvrons donc une histoire à travers les yeux de trois d’entre eux. Aurore et Lux sont deux vampires vivant dans la ville nommée L’Amour, la capitale d’Armorique. Dans ce pays imaginaire, les non-vivants se sont révélés au grand jour et ils sont soumis à un régime strict. La fougueuse jeunesse ne l’entend pas toujours de cette oreille et elle cherche par tous les moyens à se rebeller. Ce sont ces deux protagonistes qui nous feront découvrir ce pan de la narration tandis que l’inspecteur Ryouko enquête sur une mort mystérieuse. Qu’est-ce qui lie ces trois pauvres âmes, il nous faudra allez au bout de l’aventure pour connaître le fin mot de l’histoire.
S’il faut craquer pour Cross the Moon, c’est d’abord pour son univers. Dans ce monde où se côtoient humains et vampires, avec ce que cela comporte comme attirance et répulsion de la part des deux côtés du vaisseau sanguin, Patrick Rainville a su mettre en place une communauté scindée entre acceptation et rejet. Jamais tout blanc ou tout noir, c’est dans un gris opaque que le lecteur navigue constamment sans jamais savoir à qui il doit donner son cœur.
Tous les dialogues étant en anglais, il faudra un très bon niveau dans la langue des descendants de l’amiral Nelson pour pouvoir profiter de Cross the Moon. Sans juger du style, il est dommage que le rythme de la narration soit assez lent. Les sentiments des personnages en présence prennent beaucoup de place et l’histoire n’avance que lentement. Il faut compter une petite dizaine d’heures pour en arriver au bout et autant dire que nous voyons les minutes passer. Nous sommes loin de maîtres du genre tel Anne Rice ou Stephenie Meyer.
Finissons ce test en évoquant la bande-son. Celle-ci est très désappointante. Si elle peut se montrer agréable pendant quelques minutes, elle a tendance à disparaître complètement pendant un temps bien plus long, nous laissant dans un silence absolu très étonnant. C’est étrange, car les pistes se renouvellent régulièrement pour s’adapter à la narration.
Conclusion
Cross the Moon n’est pas un jeu vidéo. Ce n’est pas non plus un Visual Novel dans le sens vidéoludique du terme. C’est un roman graphique qui nécessite une Switch pour être lu. Si son univers est intrigant et ses personnages intéressants, son rythme est trop lent et son manque de mise en scène nuit constamment à notre immersion dans cette aventure pourtant complexe. Son absence totale d’interactivité et ses longs moments de silence nous font douter de l’intérêt d’y jouer sur une console et seul le soin apporté aux graphismes de ses personnages nous a fait aller au bout d’une trop longue histoire.
LES PLUS
- L’univers est bien construit avec ses vampires intégrés dans la population
- Les trois histoires s’intègrent et s’enchaînent harmonieusement
- Le design des protagonistes est original
LES MOINS
- La narration est très lente et empêche de s’attacher aux personnages
- La bande-son qui se coupe pendant de longues minutes est perturbante
- Les photos passées au filtre colorisant sont bien trop banales
- Nous sommes loin des maîtres du genre Rice et Meyer
- Aucune rejouabilité ni aucune interactivité
- Un très bon niveau d’anglais est nécessaire