Après un premier épisode datant de 2002 et un second épisode numéroté sorti en 2005, celui que plus personne n’attendait est finalement arrivé en 2019. Offrant une fin à toutes les intrigues démarrées sur plus de cinq consoles différentes avec ses huit titres originaux, cet épisode 3 a su se faire attendre par une communauté qui n’osait plus y croire. Après trois ans de bons et loyaux services et une sortie de PS4, Xbox One et PC, cet épisode final arrive, en même temps que les compilations HD, sur nos Nintendo Switch. La joie de découvrir la conclusion de la saga de Tetsuya Nomura est toutefois pondérée par un format en cloud gaming qui ne pourra satisfaire tous les joueurs. L’heure est venue de faire le point sur cette version Switch.
Le point d’avant étape
Avant de commencer à envisager le passage à la caisse pour Kingdom Hearts III, il faut d’abord se demander si nos connaissances sont suffisantes. Car oui, la saga des Kingdom Hearts est l’une des plus foisonnantes du jeu vidéo et surtout, pas un seul de ses épisodes ne peut se soustraire aux autres. Il faut avoir joué à tous les opus pour pouvoir apprécier et rentrer dans ce troisième épisode numéroté qui est pourtant le dixième jeu sorti, hors remake et jeu mobile.
Si certaines sagas ne nous demandent pas de connaître tous leurs titres pour profiter du dernier sorti, ce dernier épisode de Kingdom Hearts est tout autre. Dès les premières minutes, les références s’enchaînent à une vitesse grand V et nous retrouvons nos personnages dans une situation qui semblera incompréhensible aux néophytes. Ceux-ci pourront profiter du gameplay, mais le scénario leur paraîtra vraiment très cryptique. Square Enix a pensé à ces joueurs en regroupant tous les titres dans une compilation ultime, disponible à un tarif de lancement de 80 €, qui donne accès aux sept jeux et aux trois films d’animations. Nous conseillons vivement aux néophytes, ayant une bonne connexion et voulant découvrir cette saga monument du jeu vidéo, de passer par cette option et de passer directement à la section suivante de ce test pour éviter tout spoil.
Car c’est à toi que s’adresse ce paragraphe, toi l’ami(e) barbu(e) qui a découvert ces titres dès leur sortie sur ta PlayStation 2 qui faisait lecteur DVD. Toi qui as vibré avec Sora et Roxas et Ventus, qui as pleuré avec Aqua, Kairi et Naminé et qui as souffert avec Riku et Terra. Toi qui cherches désespérément une fin à cette quête commencée sur l’île du destin avec trois amis devenus disciples sous l’égide de maîtres de la Keyblade. Toi qui sais pourquoi le cœur de Sora est multiple et qui connaît la part des ténèbres qu’abrite celui de Riku. Toi, enfin, qui sais, après tant d’épisodes et une confrontation contre Xehanort, pourquoi Sora a perdu une partie de ses pouvoirs alors que Riku est devenu maître de la KeyBlade. Toi, enfin, qui es prêt à découvrir comment la X-Blade va être forgée. Cette section t’était dédiée et nous espérons qu’elle a fait remonter beaucoup de souvenirs.
De l’action et des cinématiques
Nous démarrons notre aventure sur les chapeaux de roues. Maître Yen Sid nous envoie, en compagnie de nos deux acolytes, Donald et Dingo, trouver le moyen de retrouver l’entièreté de nos pouvoirs. Ce prologue, nommé sous forme de clin d’œil Kingdom Hearts 2.9, va nous permettre de retrouver nos sensations de jeu et de mettre en place toutes les mécaniques de gameplay, que ce soit lors des phases de combats, lors des phases d’exploration ou lors des phases en vaisseau Gummi.
Le système de combat est une synthèse de tout ce que les épisodes précédents ont pu mettre en place. Il y a toujours le menu de commande, présent depuis la création de l’épisode 1. Celui-ci nous permet toujours d’attaquer nos ennemis en spammant le bouton A, de choisir une magie à lancer parmi les sorts que nous maîtrisons, d’utiliser un objet que nous avons stocké dans notre besace de combats et enfin, de lancer une invocation, non car ça a bien évolué Kingdom Hearts, il faut dire maintenant : activer un lien de cœur, pour faire apparaître un ami dans ce combat, c’est pareil, mais ça change de nom.
À cette base de combat, qui a fait ses preuves depuis le premier épisode s’ajoute diverses jauges qui, une fois remplies, nous permettent de mettre en place de nouvelles techniques. La première de ces jauges est celle de concentration. Présente depuis l’épisode Birth by Sleep, elle a été retravaillée depuis l’ajout A Fragmentory Passage sur la compile 2,8 HD Prologue et c’est cette version auquel nous avons droit dans Kingdom Hearts III. Elle permet d’effectuer un tir visé, son avantage est de pouvoir cibler plusieurs ennemis à la fois.
Nous avons aussi droit à de nouvelles mécaniques. Il y a tout d’abord la possibilité de s’équiper de trois KeyBlades différentes. Chacune de ces Keyblade, une fois une jauge d’attaque chargée, nous permet d’activer un changement de forme. Celui-ci, en plus de modifier l’apparence de Sora et de sa KeyBlade, nous ouvre l’accès à différentes aptitudes que nous pouvons lancer d’un simple appui sur la touche X.
Terminons enfin avec la possibilité de lancer des combos avec nos deux alliés. Concernant aussi bien nos acolytes de toujours, à savoir Donald et Dingo, que les héros que nous croiserons tout au long de nos déambulations dans les mondes de Disney, ces attaques en équipes sont l’occasion de mettre en place des animations soignées. C’est aussi le cas pour les attractions que nous pouvons invoquer. Faire apparaître le célèbre bateau pirate pour mettre des coups à nos ennemis est toujours impressionnant.
Il en résulte des combats qui semblent nerveux et techniques sur le papier, mais qui sont en réalité prétextes à une déferlante d’effets visuels et de sauts dans tous les sens avec de nombreux moments d’invincibilité. Les affrontements qui en résultent ont tendance à se ressembler tous les uns les autres et seuls les niveaux de difficulté supérieurs offrent un challenge qui nous demande réellement de prendre en compte tout ce qui se passe autour de nous.
La narration version Parkour du combattant
Ces combats qui parsèment notre avancée dans cette histoire tentaculaire sont entrecoupés de nombreuses cinématiques. Celle-ci sont vraiment très, voir trop présentes tout au long du jeu. Nous passons sans doute plus de temps à regarder notre écran sans rien faire qu’à combattre. La première partie du titre, notamment, avec ses re-création de scènes iconiques de films tels Raiponce ou La Reine des Neiges, si elle est techniquement impressionnante, est bien trop longue. Seuls les ajouts scénaristiques propres à la saga Kingdom Hearts viennent rafraîchir ces saynètes déjà connues par cœur.
Le tout donne l’impression que les mondes de Disney et ses personnages ne sont plus qu’un prête-nom et un décor pour les aventures de Sora et ses amis. Nous regrettons surtout que l’utilisation faite de ces mondes soit très inégale. Si vivre des événements post générique est extrêmement plaisant, devoir revivre toute une aventure déjà vue et revue, avec pour seul intérêt de remettre en mémoire un membre de l’organisation, est pénible.
En ce qui concerne les personnages de Square Enix, c’est encore pire, ils ont tous complètement disparu. Seuls les mogs sont encore présents pour tenir le rôle de vendeur ambulant présent autour de chaque point de sauvegarde. Kingdom Hearts est devenu autonome et c’est très bien, mais l’ajout de tous ces atours alourdit un propos déjà compliqué à suivre.
Toute cette première partie qui vise à faire retrouver à Sora ses pouvoirs perdus a l’avantage de n’avoir rien de trop pressé. Nous avons donc le temps de profiter de tous les petits ajouts faits à cet univers. Les mini-jeux inondent les mondes que nous allons parcourir. Entre les défis liés à l’exploration mise en relation avec la prise de photos et les Game&Watch qui parsèment notre progression en passant par les leçons de cuisine en compagnie de Ratatouille, cet épisode final de Kingdom Hearts n’aura jamais autant donné l’impression de nous mettre au cœur d’un univers fourmillant de vie.
Pour découvrir tout cela, Sora est capable de courir sur les murs, peu importe le temps nécessaire, et la pente de ceux-ci et de passer en mode fluidité pour rejoindre les points les plus éloignés. Un appui prolongé sur la touche R et le monde bascule en temps ralenti avec un réticule qui nous permet de viser les points atteignables. De quoi atteindre les zones les plus éloignées rapidement et découvrir les trésors les mieux cachés. Pour gagner du temps dans nos déplacements, il est aussi possible de se téléporter d’un point de sauvegarde à un autre. Très pratique pour réussir nos objectifs de complétion.
La construction des niveaux n’est pas en reste. Ceux-ci sont bien plus ouverts et grands que dans les épisodes précédents. Ceux liés aux mondes de Pirates des Caraïbes et à celui des Nouveaux Héros nous offrent même la possibilité de partir en exploration sur une carte immense et entièrement ouverte. Le sentiment de liberté atteint alors son zénith que ce soit sur un navire en haute mer ou sur le dos de Baymax dans la ville de San Fransokyo.
La dernière partie, qui a souvent été sujet de moqueries plus ou moins méritées dans les épisodes précédents, concerne les déplacements intermondes dans le vaisseau Gummi. À bord de notre vaisseau fait de cube et de stickers, nous aurons enfin droit à des moments intéressants avec celui-ci. Fini les phases en rail shooter des deux premiers épisodes. Nous évoluons désormais librement dans un vaste espace en trois dimensions fait de flottes ennemies, de boss, de bases à détruire. Ces phases ont atteint leur plein potentiel et ne sont plus du tout un calvaire.
La qualité sur petit écran
Maintenant que nous avons compris à quel point ce dernier épisode possède un potentiel énorme pour clore avec beaucoup de talent l’arc de Xehanort, il va falloir aborder le portage en lui-même. La Switch a su accueillir, nativement, des jeux que l’on pensait hors de sa portée tels The Witcher 3 ou Doom Eternal. Bien sûr ces jeux ont dû subir des coupes franches dans leurs parties graphiques, mais ils n’en restaient pas moins très agréables à jouer. La technique du cloud devait nous permettre de nous affranchir de ces limitations pour nous offrir une version identique à celle des plus grosses configurations PC.
Le hic, car il y a un hic, c’est que le résultat n’est pas à la hauteur de nos attentes. Sans évoquer la nécessité d’avoir une connexion internet de qualité pour profiter de ces titres sortant en cloud, c’est la stratégie mise en place par Square Enix que nous déplorons. Il semble que tout a été fait pour que cette version soit jouée en version nomade. Sur celle-ci, et avec une connexion fibrée, le résultat est irréprochable. Les cinématiques sont magnifiques, le rendu en jeu est quasi sans reproche et la fluidité n’a jamais été prise en défaut.
Mais vu la nécessité d’avoir une connexion en béton, excluant ainsi le mode partage de connexion 5G loin de chez soi, il paraît légitime de vouloir profiter d’un titre tel Kingdom Hearts III sur un grand écran dans le salon. Malheureusement, c’est ici que la douche froide vient glacer notre trop grand enthousiasme. Oui, les cinématiques sont toujours impeccables. Oui, la fluidité est toujours de mise. Mais une fois en jeu, le rendu graphique est mi-flou mi-granuleux. Les textures deviennent à la fois baveuses et pixelisées.
Pire lors de la présence de beaucoup d’effets visuels, l’image donne l’impression d’avoir été compressée par un logiciel datant du début du siècle. Des carrés entiers de l’écran saturent et s’unissent pour nous donner à manger une bouillie de pixels disgracieux. Ces moments durent peu de temps, mais ils piquent vraiment la rétine et nous font vite retourner en mode nomade. Sans connaître la solution technique mise en place, ils semblent toutefois que celle-ci soit nettement inférieure à ce que nous sommes en droit d’attendre, car la Switch, affichant du 1080 p en sortie docké, ne peut être tenue pour responsable.
Le dernier point qui nous fait douter de la qualité des moyens mis à disposition des joueurs Switch concerne les temps de chargement et notamment le premier d’entre eux. En fonction de l’heure à laquelle nous nous connectons au service, ceux-ci peuvent aller de quelques secondes à plusieurs minutes. Jouer en plein milieu de la journée signifie devoir prendre son mal en patience avant de voir s’afficher les protagonistes de notre aventure tandis que jouer en soirée nous ouvre les portes de la vitesse de chargement.
Dédicace : Ce test est dédié à mon frère. Il m’a fait découvrir la licence des Kingdom Hearts dans une période de ma vie où le temps à consacrer aux jeux vidéo était quasi inexistant. Alors merci à toi qui m’as fait parcourir par procuration ce vaste univers dès sa sortie et vivement le prochain bon épisode de Gran Turismo…
Conclusion
Kingdom Hearts III est bien l’apothéose qu’attendaient tous les joueurs depuis la sortie du premier titre en 2002. Il demande toutefois une connaissance approfondie de l’univers de Tesuya Nomura et des épisodes précédents pour être apprécié à sa juste valeur. Sa narration, malgré quelques longueurs, offre les réponses à toutes les questions posées le long de tous les opus précédents. Son gameplay est nerveux et extrêmement complet. Cette version Switch, satisfaisante en nomade avec une bonne connexion Internet, est toutefois nettement insuffisante lors du passage en docké. Elle devient floue et granuleuse lors des phases de jeu, nous gâchant nettement le plaisir. Il faudra s’en contenter et espérer que d’autres éditeurs auront davantage d’ambitions techniques pour les sorties en cloud de leurs titres.
LES PLUS
- La qualité graphique en nomade est très satisfaisante…
- Les cinématiques sont d’une qualité proche d’un film d’animation sortant de chez Pixar…
- La bande-son est toujours incroyable
- Le gameplay, nerveux, fait la fusion de ceux des opus précédents
- La narration vient conclure toutes les intrigues mises en place
- La taille des sous-titres est parfaitement adaptée à une utilisation nomade
- La liberté offerte dans certains mondes est bluffante
- L’interface, plus complète, a gagné en clarté depuis le premier épisode
- Doublé avec qualité jusqu’à la plus petite ligne de dialogue
- Les univers que nous parcourons n’ont jamais été aussi vivants
- La fluidité n’a jamais été prise en défaut avec une connexion fibrée
- La latence est imperceptible en connexion fibrée
LES MOINS
- … mais elle pique la rétine dès le passage en docké
- … mais elles prennent trop de place au début de notre aventure
- La connexion internet doit être vraiment performante pour rendre le titre jouable
- Le premier temps de chargement est vraiment très long en pleine journée
- Il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance de TOUS les épisodes précédents pour ne pas être perdu
- L’utilisation des mondes de Disney est trop inégale
- Mais pourquoi les personnages de FF ont-ils tous disparu ???