Le Die’n Retry est un genre un peu à part lorsqu’il arrive dans la vie d’un joueur. C’est un genre qui titille notre rapport au dépassement de soi avec des titres qui demandent de l’investissement et un apprentissage minutieux de chaque nouveau niveau auquel nous allons faire face. Mais ce genre, que beaucoup ont découvert avec le revival engendré par Super Meat Boy, a su s’imposer dans les foyers dès l’aube du jeu vidéo avec des titres tels Rick Dangerous, sur mon Amiga 500 d’amour. Les développeurs français de la Team RUN tentent de moderniser le concept en lui introduisant une dose de procédurale. Est-ce une réussite ? C’est après un nombre incalculable de morts que nous sommes maintenant prêts à faire le bilan.
L’antre de l’Entremonde
Tout commence dans une contrée idyllique faite de nuage sur laquelle nous courons vers nous ne savons où, mais de manière enthousiaste. Arrivés au bout de ces moutons volants et du tutoriel, nous apercevons un portail sombre et étrange. Ni une ni deux, et sans prévenir personne de notre probable retard pour le prochain repas, nous sautons dans cette bien étrange porte flottante pour nous retrouver au beau milieu d’une mer de sang logée dans un monde étrange et sombre.
Notre fuite commence et les premiers niveaux nous permettent de remplir une jauge dont nous ne comprenons pas tout de suite l’intérêt. Durant nos courses, nous sommes poursuivis par un étrange nuage noir qui ne cesse de singer nos actions avec une seconde de retard et, surtout, qui nous tue au moindre contact, nous obligeant alors à reprendre le niveau en cours depuis son point de départ. Il nous faut atteindre la fin du cinquième niveau pour obtenir des détails sur le lieu dans lequel nous tentons de survivre.
Un être étrange accompagné de son chien nous indique que nous sommes actuellement dans l’entre-monde et que tous ceux qui y entrent finissent par se faire dévorer par leur côté obscur pour ensuite faire partie des monstres qui bloquent notre progression. La nuée d’ombre qui nous poursuit n’est qu’une matérialisation de la partie sombre de notre personnalité. Il va donc nous falloir avancer encore et toujours, sans perdre notre envie de sortir de ce monde pour tenter d’en trouver la sortie, ce que personne ne semble avoir jamais accompli.
Ce sont en tout sept orbes qu’il nous faut remplir pour atteindre la sortie. Pour remplir un orbe, il faut venir à bout de dix niveaux. Ce sont donc 70 niveaux qui nous attendent, avant de passer à la difficulté supérieure et un retour à ces sept orbes à remplir. En plus d’un abonnement à « Fais-moi mal magazine », il va nous falloir beaucoup de courage pour réussir à venir à bout d’un tel challenge.
Dash + Saut Vs Procédural
Avant de passer au gameplay à proprement parler, il va nous falloir expliquer correctement comment sont conçus les niveaux que nous allons affronter. Dans un Die’n Retry classique, tels Céleste ou Super Meat Boy, le développeur crée son niveau de toutes pièces en y mettant, là où il le souhaite, les éléments qui vont nous permettre de casser une manette. C’est un travail d’orfèvre qui demande une science du level design que les amateurs de Super Mario Maker tentent de toucher du doigt via leurs créations.
La Team RUN n’a pas travaillé ainsi. Ils ont conçu des morceaux de niveau qui apparaissent de manière aléatoire. Ces morceaux sont d’un nombre limité en début de partie, ce qui nous laisse le temps de les appréhender et de les vaincre assez facilement. Toutefois, à chaque nouveau tableau que nous atteignons, un nouveau morceau vient s’ajouter à ceux que nous connaissons déjà tandis que les morceaux plus « faciles » sortent de la pile des fragments disponibles.
Cette conception des niveaux est extrêmement intelligente pour plusieurs raisons. D’une part, elle permet de modifier le niveau sur lequel nous sommes, limitant ainsi l’impression de déjà vu en cas de mort répétée, ce qui arrive très souvent dans le genre du Die’n Retry. D’autre part, elle nous permet d’apprendre à gérer non pas un niveau entier de difficulté supplémentaire, mais juste un morceau. Elle permet aussi de retrouver d’anciens morceaux dans des niveaux plus avant et de nous rendre compte à quel point nous avons progressé.
Un fragment qui nous semblait insurmontable dix morts plus tôt est maintenant facile tant nous en maîtrisons le timing. Ce sentiment d’être meilleur et surtout d’avoir la possibilité de s’en rendre compte est très satisfaisant. Enfin, la sacro-sainte mémoire musculaire, nécessaire à la réalisation de nos prouesses vidéoludiques sur ce genre de jeu, est couplée à un effort d’observation et de réaction du joueur qui ne peut prévoir ce qui va lui tomber dessus.
Cerise sur le Die’n Retry
Le gameplay qui nous permettra de nous en sortir est quant à lui bien plus classique. Un saut, un dash qui nécessite de touche le sol pour se recharger et la possibilité de s’appuyer sur les murs, en sont les composantes principales. Il faudra alors utiliser à bien ces capacités pour venir à bout des plateformes, des piques, des monstres, des trucs bizarres sur lesquels nous rebondissons et enfin des cascades qui nécessitent le dash pour être franchies.
Le résultat, en dehors de la conception procédurale, nous laisse en terrain connu. Certains passages donnent l’impression d’être au pixel près. Ce qui fait que, comme pour ses prédécesseurs, RUN : The World In-Between s’adresse essentiellement à un public déjà conquis à sa cause qui saura apprécier ses qualités. La seule concession laissée aux néophytes consiste à pouvoir supprimer notre ombre. Il est ainsi possible d’étudier le module qui nous fait face avant de nous lancer dans sa complétion.
La dernière bonne idée de la Team RUN consiste à avoir implémenté un système de souvenirs. Découpés sous forme de perles à ramasser dans les niveaux, ils forment, une fois complétés, un morceau de décors qui vient s’ajouter au second plan des tableaux que nous parcourons. Pour le reste, nous avons droit à un pixel art de qualité, assez détaillé, qui joue à merveille avec les couleurs et les variations entre teintes sombres et lumineuses.
La bande-son a été confiée à Thomas Barrandon qui nous livre onze titres électros formant un ensemble entraînant nous mettant toujours dans le rythme. Nos déambulations sont parfaitement soutenues par ces titres dont il est possible de se faire une idée sur les plateformes de streaming musical. Les contrôles sont, eux aussi, parfaitement adaptés aux mouvements nécessaires à notre réussite et jamais nous n’avons à nous plaindre.
Conclusion
Quand le Die’n Retry classique rencontre la conception procédurale, nous obtenons le très bon RUN : The World In-Between. Les développeurs français de la Team RUN ont réussi le pari de mixer intelligemment les mécaniques classiques du genre à des niveaux dont les modules, qui apparaissent aléatoirement, gagnent en difficulté au fur et à mesure de notre progression. Avec en plus une musique électro entraînante, des contrôles parfaitement calibrés et un petit prix de 10 €, RUN a toutes les qualités requises pour faire partie de la ludothèque des joueurs en manque de Céleste ou Super Meat Boy.
LES PLUS
- Les graphismes en pixel art sont de qualité
- Les variations entre les teintes sombres et lumineuses font toujours leur effet
- Le gameplay de base est classique et maîtrisé
- La prise en main est optimale
- La conception procédurale des niveaux fonctionne parfaitement
- La sainte mémoire musculaire est ici harmonieusement couplée à un effort d’adaptation
- La bande-son électro est toujours bien adaptée à nos déambulations
- La narration mise en place est intéressante
- Le mode No Stress permet aux néophytes de progresser plus facilement
LES MOINS
- Il faut forcément aimer le style du Die’n Retry