Les jeux narratifs sont fascinants par leurs capacités à nous mettre, nous et nos choix, au cœur d’une intrigue aux codes, bien souvent, cinématographiques. Avec la montée en puissance de nos consoles de jeux, les projets les plus fous, tels ceux du studio Quantic Dream, ont pu voir le jour. Il ne faut toutefois pas négliger la puissance évocatrice d’œuvres au budget bien moindre. C’est justement ce que tente de faire le studio indépendant State of Play avec son South of the Circle qui débarque aujourd’hui sur nos Nintendo Switch. Réussira-t-il à nous emmener dans son monde ? C’est ce que nous allons voir de suite.
Avalé par le grand blanc
Tout commence pour nous à bord d’un avion de tourisme survolant les plaines désertées et glaciales de l’Antarctique. Malheureusement pour nous, un problème mécanique nous oblige à atterrir en urgence au beau milieu de nulle part, ce qui n’est pas peu dire au vu de notre plan de vol. Pour survivre, il va nous falloir traverser ce désert de neige pour essayer de rejoindre la base scientifique la plus proche et ainsi d’amener de l’aide à notre pilote. Nos déambulations pédestres dans ces vastes environnements seront alors pour nous l’occasion de nous remémorer les événements qui nous ont conduits à errer seul ici au milieu de nulle part.
Ainsi, toute la narration n’est qu’une succession de phases, plus ou moins longues, alternant événements présents et passés. Notre héros, Peter, est un climatologue. Dans ce présent, il doit mener une étude climatologique, logique. Dans le passé, il est un jeune docteur qui vient juste d’avoir son diplôme et qui doit trouver un sujet de publication pour satisfaire les attentes de son supérieur.
Le choix de la période est crucial pour notre aventure. Se déroulant en pleine période de la guerre froide, les tensions internationales auront un impact direct sur la vie de notre scientifique. Nous sommes à la veille des révoltes étudiantes et de l’émancipation des femmes. Ce sont ainsi beaucoup de sujets tel la toujours trop lente mise à égalité hommes/femmes ou l’amitié entre les peuples qui seront abordés. Nous pourrons aussi découvrir la face cachée du monde universitaire qui n’est qu’un gigantesque jeu de pouvoir.
Cette narration mise en place est efficace et si le début est un peu long à se mettre en place, les personnages principaux sont de suite attachants et nous donnent envie d’aller jusqu’à la conclusion de cette histoire. Entièrement sous-titré en français, il est très facile de profiter des dialogues toujours très bien écrits et surtout très bien doublés, en anglais cette fois-ci, par des acteurs qui sont toujours parfaitement de leur rôle.
Une histoire de choix
Le gameplay proposé par les développeurs de State of Play est bien évidemment basé sur des choix. Ceux-ci sont de deux sortes. Il y a d’abord la façon de mener nos conversations. Pour ce faire, nous devons, non pas choisir une ligne de texte, mais un sentiment. Notre réponse dépendra ainsi de notre état d’esprit. Ces sentiments sont regroupés en petites formations représentées par un symbole. Si dans un premier temps, ces sentiments sont marqués autour du symbole, très vite, il n’y a plus que la représentation qui apparaît, à nous de nous souvenir de quoi il retourne. Heureusement, une aide est disponible dans le menu de lancement.
Entre l’angoisse, la joie ou l’honnêteté, la palette des émotions que peut ressentir notre personnage est large et nous pouvons ainsi personnaliser nos dialogues comme nous le souhaitons. Le seul reproche que nous ferons à cette première catégorie de choix, c’est qu’elle n’a aucune influence sur le déroulement du jeu. Pour cela, il nous faut aborder le second groupe de choix : les choix de vie. Durant notre aventure, nous aurons à décider de comment se comporte Peter. Cela peut être très simple, telle la façon de jurer de dire la vérité ou de choisir la couleur de notre future maison, mais certains peuvent être plus importants et nous ne vous en dirons pas plus.
L’ensemble de notre aventure dure environ trois heures. Ces choix de vie apparaissent dans la seconde moitié du titre, un système de sauvegarde automatique nous permet de recommencer directement à cette seconde partie pour faire varier nos décisions. C’est extrêmement pratique pour découvrir les différences qui pourront apparaître en fonction de nos changements de décision. Il est juste dommage que le twist final rende tous ces choix inutiles. Il nous aura d’ailleurs fallu plusieurs tentatives pour comprendre ce que nous l’espérons, est en fait le fin mot de l’histoire. Cette petite révélation personnelle est d’ailleurs l’un des plaisirs pris en jouant à South of the Circle.
La rétine qui brille
D’un point de vue technique, il n’y rien à jeter dans le travail du studio State of Play. Le plaisir pris en jouant à des jeux narratifs vient de pouvoir partager cette expérience facilement sans avoir à partager la manette. Les choix que nous avons à faire, s’ils sont soumis à une limite de temps, sont toutefois faciles à prendre à deux et nous avons l’impression de vivre une aventure partagée sur laquelle nous pouvons donner notre point de vue. Les symboles sont clairement discernables les uns des autres et leur sens est plutôt bien évoqué. Il est ainsi quasi impossible de se tromper, même à deux.
La partie graphique est, elle aussi, une belle réussite. Loin de chercher à nous éblouir avec une représentation cherchant à singer la réalité, nous avons droit à une modélisation des décors et des personnages minimalistes qui sied parfaitement à l’ambiance, tantôt mélancolique, tantôt angoissante, mise en place. Les jeux de couleurs sont eux aussi parfaitement réussis et les contrastes tombent toujours juste. La seule partie moins agréable à l’œil concerne les animations de nos personnages qui ne semblent pas du tout naturelles avec des bassins qui semblent fixés à une hauteur inamovible du sol.
La bande-son est elle aussi parfaite pour nous mettre juste comme il faut dans l’ambiance du moment. Les moments de légèreté des balades en forêt sont à des années-lumière de l’angoisse et de la solitude engendrées par ces plaines gelées. Notons pour finir que pour un prix de lancement de 13 €, la durée de vie est plutôt bonne. Avec un premier essai de trois heures puis des tentatives pour essayer de comprendre un peu mieux les événements, ce sont un peu plus de six heures de jeu qui nous ont tendu les bras.
Conclusion
South of the Circle du studio State of Play est une expérience narrative prenante qu'il est bien difficile de lâcher une fois la narration mise en route. L'alternance présent/passé offre un dynamisme qui fonctionne tout au long de notre aventure et qui nous permet de nous attacher toujours un peu plus à notre héros. Son gameplay basé sur le choix des émotions et des éléments forts de la vie de Peter fonctionne parfaitement et notre seul regret concerne la trop grande linéarité de cette histoire malgré nos choix. Un titre plaisant du début à la fin qui saura plaire à tous les amoureux d'expérience interactive.
LES PLUS
- Les graphismes minimalistes s'associent parfaitement à l'atmosphère souhaitée par les développeurs.
- La bande-son sonne toujours juste
- Le gameplay est simple, mais efficace et prenant
- L'interface mise en place est très claire et non invasive
- La narration est efficace et prenante
- Le doublage des comédiens est de qualité
- Les thèmes abordés sont très forts et, malheureusement, toujours contemporains
- Le prix est en adéquation avec la durée de vie
LES MOINS
- Nos choix ont peu d'impact sur l'histoire
- Les animations des personnages sont assez rigides