L’art est partout autour de nous. Sans même nous en rendre compte, nous y sommes confrontés chaque jour sous différentes formes. À commencer par l’univers des jeux vidéo qui est aujourd’hui un art à part entière, mais aussi par l’intermédiaire des mélodies qui glissent dans nos oreilles, ou encore ces quelques graffitis sur nos cahiers d’école ou nos notes de réunion. La sensibilité de chacun nous rend dès lors plus ou moins réceptifs à ces arts créatifs et évolutifs qui inondent notre quotidien. Le développeur Thomas Waterzooi nous invite à découvrir son univers artistique à lui… un univers pour lequel il est bien difficile de rester insensible. Ouvrez grand vos mirettes, déployez vos esgourdes, et préparez-vous à un doux voyage…
L’ouverture même du jeu fait preuve d’originalité et plonge aussitôt le joueur dans une galerie d’art dans lequel il risque bien de rester quelques heures… Accueilli par un gardien dessiné à la main, proprement colorié avec ces quelques imperfections touchantes du crayon, ce dernier nous présente la galerie qui s’offre à nous. Le major Domus, comme il est coutume de l’appeler ici, expose ainsi trois types d’expériences distinctes, avec chacune leurs aspirations diverses.
Au commencement de l’art
Avant toute peinture, l’artiste débute par la confrontation avec sa toile blanche. Cette dernière va pouvoir peu à peu se couvrir de son imagination, de tout ce qu’il conserve dans son esprit, avec plus ou moins de panache en fonction du don artistique qui lui a été conféré jusqu’à présent. Des messages en gros caractères s’affichent lourdement à l’écran, comme s’ils souhaitaient frapper le joueur, le cogner afin qu’il soit percuté par ces premiers mots. La musique renforce cette ponctuation singulière… il est temps de débuter l’œuvre. Tout est inscrit, le joueur n’a qu’à se laisser guider. Des lignes. Des croisements. Des couleurs. Le noir. Le blanc. Comment faire cohabiter tout ce dédale de nouveautés dans une seule et même toile, tandis que toutes revendiquent leur place bien déterminée ? À vous de sélectionner les bonnes cases du bout des doigts afin d’afficher dans le bon ordre et surtout au bon emplacement, la bonne couleur. Touchez une case pour voir celles qui l’entourent se gorger de la couleur sélectionnée. La réflexion est de mise, le casse-tête s’intensifie au gré des niveaux. Néanmoins, aucune prise de tête, il est possible de recommencer encore et encore le niveau sans conséquence. De plus, l’aide peut être suffisamment poussée pour ne pas laisser le joueur bloqué sur un même tableau.
La rencontre artistique
Imaginez désormais une histoire d’amour entre un petit cube et son homologue carré, creux, parfait pour le recevoir en son sein. Le parallèle presque érotique est perceptible, avec le rappel de ce carré blanc apparu dans les années 60 pour souligner la présence de scènes de nudité (ou de violence). Quelle jolie pirouette du développeur qui joue avec les mots et les formes pour notre plus grand plaisir.
Notre petit cube en quête de son hôte porte le joli nom de Woogie, tandis que le carré creux dans l’attente est Boogie. Le but de la manœuvre ? Que nos jeunes tourtereaux amoureux puissent faire du Boogie-Woogie… nous adorons.
Pour faire plaisir à nos amoureux du jour, il conviendra dès lors de tout mettre en œuvre pour qu’ils se retrouvent, faire fi des impasses, des croisements et des nombreux autres tourtereaux qui viendront se joindre à la danse. Les complications arrivent très vite, comme dans une véritable ritournelle amoureuse où il n’est pas toujours évident de se retrouver. À nouveau, l’aide est disponible et ne laissera pas le joueur se lamenter dans une impasse.
En route vers le bouquet final
L’expérience débute cette fois-ci dans le silence, sans explication. Nous avançons alors à tâtons, pratiquons quelques tests… après quelques essais hasardeux, nous comprenons qu’il faut recouvrir le chemin de noir pour atteindre notre objectif. Usant de notre instinct, nous avançons à pas de loup dans cet univers qui se veut de plus en plus chargé. Finalement, après quelques petites balades à bord des lignes, nous comprenons la mécanique de jeu, l’alliance entre nos déplacements vers des petits cubes noirs qu’il nous faut collecter, et la musique qui nous enlace par sa douceur, et amène peu à peu des mots nous dévoilant l’histoire finale. La mise en scène est particulièrement réussie, avec des notes qui viennent frapper des lettres telle une machine à écrire au rythme de notre quête de carrés noirs. Les déplacements sont rapides, furtifs, nous avançons, nous reculons, nous prenons de plus en plus de place sur un territoire qui se veut tantôt calme, tantôt particulièrement vif. La pluie viendra même s’inviter à la danse…
La représentation graphique de cette histoire est celle qui nous a le plus touchées. Parvenir à retranscrire une histoire au gré de quelques lignes et carrés, avec rythme, avec les embûches que la vie traîne derrière elle, quelle prouesse… tout cela va jusqu’à nous faire réfléchir sur notre mode de vie, dans ce monde qui grouille autour de nous. Dans cette fourmilière dans laquelle nous nous bornons à déambuler à notre tour. Dans cette course vers cet autre aimé. Dans ces allers-retours incessants…
La fin nous a tout de même un peu déçus. L’émotion de la balade était telle que nous attendions une apothéose, un point explosif pour clôturer l’ensemble. Mais ne dit-on pas que le plus beau dans le voyage est avant tout le chemin parcouru pour parvenir à notre objectif et non pas l’objectif en lui-même… ?
L’aventure se réalise du bout des doigts et invite ainsi le joueur à utiliser la console strictement en mode portable.
Please, Touch The Artwork est disponible sur l’eshop de la Nintendo Switch au prix de 8 euros environ.
Le saviez-vous ?
Le waterzooï est une soupe belge particulièrement appréciée lors de la saison froide. Elle est réalisée à base de poulet ou de poisson.
Conclusion
Véritable expérience graphique, Please, Touch The Artwork invite le joueur à se détendre devant trois types de casse-têtes originaux et astucieux. Le développeur T. Waterzooi offre dès lors l’opportunité de réfléchir sur les couleurs, les formes et plus largement encore, sur les quelques points d’ancrage de notre vie. L’Amour est au cœur de l’expérience, avec une belle touche d’humour qui ravira les amateurs de jeux de mots. La musique fait partie intégrante des aventures et ponctue avec beaucoup de subtilité l’avancée du joueur. Enfin, réussir à interpréter une histoire d’amour par l’intermédiaire de petits carrés et de lignes, tout en parvenant à émouvoir le joueur, voilà bien longtemps que nous n’étions pas sortis avec une telle douceur de notre zone de confort habituelle…
LES PLUS
- Des expériences originales et malines.
- Une mise en scène réussie, prenant tout son sens avec la musique et les ponctuations de lettres et de mots au gré de l’avancée du joueur.
- Aucunement punitif, le joueur est libre de demander de l’aide sans conséquence.
- Et tout cela avec des lignes, des carrés et de la couleur…
- Mode daltonien disponible
- Langue française
LES MOINS
- Jeu en mode portable uniquement.
- Final un peu décevant.