Novectacle est un studio japonais dont vous avez sans doute autant entendu parlé que de leur production répondant au nom de The House in Fata Morgana. Un titre du genre Visual Novel sorti depuis 10 ans sur PC, et récemment sur d’autres plates-formes, et traduit en anglais. L’une des plates-formes étant la Nintendo Switch, nous permettant ainsi de nous faire un avis. Une œuvre qui semble jouir de peu de critiques spécialisées, et qui dans l’intimité semble pourtant récolter un véritable succès d’estime. Il est de notre devoir de traverser cette maison afin de faire la lumière sur cette sinistre expérience.
Percez les mystères d’un sinistre manoir
Avant de commencer, il est regrettable de souligner que The House in Fata Morgana est traduit uniquement en anglais. Pour ceux qui n’ont pas peur de braver ce défaut, alors nous vous invitons vivement à franchir le pas de la porte de cette œuvre. Nous sommes une âme perdue dans un étrange complexe. Une jeune femme en habits de servante, sobrement nommée Maid, nous accueille et nous invite à la suivre à travers diverses pièces du manoir. Il semblerait qu’elle connaisse notre identité, et elle est persuadée que nous parviendrons à nous en rappeler après avoir visité quelques endroits précis du manoir, rattachés à des évènements majeurs qui se sont produits dans le complexe. La Maid nous fait ainsi visiter le manoir en nous racontant plusieurs histoires, plusieurs tragédies qui se sont déroulées à diverses époques dans ce manoir.
Le premier récit met en scène deux enfants, un frère et sa petite sœur au cheveux d’une couleur or. Mell et Nellie descendent de la riche famille Rhodes. Nous vivons leur quotidien dans un cadre social du Moyen Âge, où la religion guide les mœurs, où les hommes sont éduqués, et les femmes promises à être mariées. Le récit débute joyeusement dans leur enfance, puis se poursuit dans leur adolescence. Nellie grandit en une jeune fille pleine de vie, dont la mentalité ne suit pas le courant de l’époque. Elle place son frère sur un piédestal en le considérant comme son prince. Mell assume ce rôle sans se douter des conséquences qui en découlent. Notamment après sa rencontre avec une nouvelle et ravissante jeune servante de la maison aux cheveux d’un blanc éclatant, et pour laquelle il a littéralement un coup de foudre. Voici la base de ce premier récit tragique, aux révélations surprenantes et aux tabous non dissimulés, dont on vous laisse parcourir les lignes pour mieux comprendre.
Le second récit concerne également deux individus. Le premier est une silhouette sombre aux dents acérées, à la limite de l’inhumain. Un individu identifié comme une Bête par les locaux, habitant le manoir et qui ne parle même pas notre langue. Le texte du jeu nous le fait bien comprendre avec une série de caractères incompréhensibles. Une figure sombre, assoiffée du sang de tout individu s’égarant dans la forêt entourant le complexe et se retrouvant dans le manoir. Un jour, une ravissante jeune femme aux cheveux d’un blanc éclatant arrive au manoir. Ses réactions, différentes des précédentes victimes, incitera la Bête à la garder au manoir sans se douter des conséquences à venir. Dans le même temps, dans des contrées lointaines, une jeune fille de marchand, Pauline, attend patiemment le retour de son fiancé. Jusqu’à ce qu’on lui annonce la mort de celui-ci. Quel lien y a-t-il entre cette Bête et Pauline? Il vous appartient de faire la lumière dessus, en espérant que vous sortiez en bonne forme de ce second récit.
Le troisième récit tourne aussi autour de plusieurs personnages. Un chef d’entreprise à l’allure un peu mafieuse, Jacopo, et sa ravissante femme à la chevelure d’un blanc immaculé. Jacopo n’est pas nécessairement l’individu le plus fréquentable du milieu, et pourtant, tous s’accordent à dire qu’il a un effet économique plus que bénéfique pour les affaires qu’il traite. Il se marie assez tôt avec la jeune femme précédemment citée, un mariage arrangé avec une femme qui ne le laisse pourtant pas indifférent. Du moins, lors de leur première rencontre, leur relation se poursuit avec un Jacopo qui n’arrive plus à accorder un instant à sa femme, tandis que celle-ci tente d’attirer son attention malgré sa personnalité très frêle et timide. Des échanges qui deviennent houleux, avec un Jacopo qui ne sait vraisemblablement plus comment adresser de l’affection à sa femme de la bonne manière et ne fait que la blesser. Ajoutons à cela les conseils maladroits et douteux de son amie d’enfance, désormais servante au manoir, une dénommée Marie. Celle-ci est également la seule à montrer du respect à la jeune femme de Jacopo et à tenter de les aider. Mais quelle vérité se cache donc derrière ce récit tumultueux? À vous de le découvrir en parcourant ce récit.
Ces trois récits déjà longs ne représentent que les prémices d’une intrigue bien plus complexe et extraordinairement bien ficelée du début à la fin. Ces trois récits servent un propos global bien plus vaste de plusieurs dizaines d’heures de jeu. L’intrigue est riche en rebondissements, en surprises, et vous dirigera sur des fausses pistes calculées qui auront pour effet de renforcer encore plus les surprises. Un récit fictif, mais aux thèmes sociaux et tabous tout droit repris de la réalité de notre Histoire avec un grand H. Des thématiques profondes, puis rarement voire jamais traitées dans le jeu vidéo jusqu’à aujourd’hui, sans aucune censure et en rentrant même dans les détails. Par ce récit d’une complexité, osons le dire, inégalée dans le genre, The House in Fata Morgana vous marquera et laissera dans votre âme une trace indélébile. Affirmons sans détour que le jeu peut ne pas être à recommander si vous traversez une mauvaise passe de votre vie tant il peut vous affecter. Un récit sur Nintendo Switch très généreux, puisqu’il arrive avec le récit principal déjà long et accompagné des divers récits DLC détaillant certains évènements importants, ou apportant de l’inédit.
Une progression classique pour ce chef d’oeuvre
Aussi marquant et malgré les qualités du titre, un Visual Novel reste un genre brillant rarement pour son gameplay. N’est pas Danganronpa ou Ace Attorney qui veut, The House in Fata Morgana est une œuvre à la progression classique où l’on se contente de valider les textes et les choix qui se présentent à nous. Quelques embranchements tout de même et des mauvaises fins à la clé, dépendamment des choix que vous faites. Certains choix sont même limités dans le temps sans que le jeu ne vous en informe, et pourraient bien vous surprendre. Pas d’inquiétude, vous avez de nombreux slots de sauvegarde et nous vous encourageons à sauvegarder dès que vous en ressentez le besoin. Sinon, le récit est découpé en plusieurs chapitres et vous pouvez, sur le menu principal, aller sur l’écran de sélection de chapitres.
Nous avons également à disposition des mécaniques classiques du genre. Un backlog pour relire quelques lignes de textes précédemment passées. Une fonction utile après avoir validé quelques lignes et être tombé dans une incompréhension due à une faute d’inattention ou de lecture. Nous avons la possibilité de skip des dialogues, fonction qui peut nous servir si nous n’avons plus de saves et que nous cherchons juste à revenir à un certain point du récit plus rapidement. Puis des fonctions permettant de faire disparaître le texte afin de potentiellement admirer une illustration clé et sublime du jeu. D’autres fonctionnalités propres à ce style de jeu, dont nous oublions certainement de mentionner, sont présentes et vous permettront de pouvoir savourer The House in Fata Morgana dans de bonnes conditions, pour peu que vous appréciez le genre du Visual Novel.
Ainsi, vous l’avez compris, The House in Fate Morgana ne révolutionne absolument pas le gameplay du genre. Toutefois, dans le genre Visual Novel, il y a Novel, mais également Visual. Ainsi, le très bon récit de cette œuvre est accompagné d’illustrations qui sauront marquer vos rétines durant les moments forts de l’histoire. Comme tout Visual Novel, nous avons des moments paisibles, avec juste une succession de textes sur fond noir ou sur un beau paysage, avec les images des différents personnages du jeu échangeant des dialogues. Cependant, lors des moments clés et les plus marquants du jeu, soyez sûrs que les développeurs sauront captiver votre attention par le texte et par l’image. Des illustrations qui renforcent même les “traumatismes” que vous pourriez rencontrer à la lecture du texte.
Sans proposer d’animations complexes, quelques effets de mise en scène simple du texte rendront également certains passages encore plus sinistres, en renforçant le malaise que vous pourriez ressentir. Par ailleurs, le style et le trait proposés par cette œuvre sont uniques dans le genre. Au milieu des milliers de Visual Novels au style manga/anime classique, The House in Fata Morgana saura attirer l’œil assez aisément. Un style épuré, à la limite de l’animation japonaise et du style occidental. Parfois, des traits qui font presque penser à de la peinture, et qui permettent au visuel du jeu d’avoir sa touche unique. Il ne manque vraiment plus que quelques animations et mouvements pour donner un côté moins statique et moderne au jeu, qui permettrait peut-être de ratisser un public plus large. Il y a tout de même le chapitre annexe et bonus Reincarnation, qui a un style visuel plus moderne avec même un doublage pour donner de la voix derrière les différents personnages.
Toutefois, ce chapitre est vraiment annexe, et il faudra le débloquer en finissant les autres parties du jeu. Ainsi, la majorité du jeu est assez austère, voire lourde à parcourir, même pour des amateurs de lecture. Par ailleurs, le manque de doublage, sauf pour la partie Reincarnation, est peut-être le seul défaut en terme sonore pour The House in Fata Morgana. En effet, l’OST et l’ambiance sonore du jeu sont aussi uniques que le style visuel du jeu. De la même manière que le visuel, en écoutant plusieurs OST de Visual Novels, il est aisé de pouvoir reconnaître une piste provenant de The House in Fata Morgana. Les compositeurs Mellok’n, Takaki Moriya, Yusuke Tsutsumi et Aikawa Razuna s’associent sur une OST très originale ainsi que de grande qualité, accompagnant les joueurs à travers les différentes époques et évènements du jeu. Des pistes avec la participation de chants en portugais, en latin et en français interprétées par la voix unique de Gao. Des musiques qui vous envoûteront et vous retiendront dans ce mystérieux manoir de Morgana.
Conclusion
Amateurs de romans visuels, connaissez-vous The House in Fata Morgana ? Si la langue anglaise ne vous retient pas, alors n’hésitez pas à ajouter celui-ci à votre collection. Novectacle ne révolutionne pas le genre sur sa jouabilité et propose une expérience plutôt classique du genre à ce niveau. Pourtant, à tous les autres niveaux, The House in Fata Morgana laissera en vous une marque indélébile. Un récit unique, d’une qualité d’écriture rare traitant de thèmes matures, durs, originaux et sans tabou. Certes, c’est une histoire fictive, empreint d’une aura de dark fantasy particulière, mais aux allusions et aux réalités sociales bien réelles à travers notre histoire humaine jusqu’à aujourd’hui. Un récit en plusieurs histoires liées les unes aux autres, et riche en rebondissements inattendus et graves. The House in Fata Morgana est bouleversant au point qu’il est recommandé de vivre cette expérience en étant au meilleur de sa forme. Le tout est accompagné d’un style graphique et visuel tout aussi unique, ainsi que d’une bande-sonore des plus originales et d’une très grande qualité. Soyez certains qu’en franchissant les portes de ce manoir, vous ne ressentirez probablement plus de saveurs particulières provenant d’autres expériences du genre pendant un moment.
LES PLUS
- Un scénario fictif ancré sur des thématiques réelles graves
- Des thématiques rarement, voire jamais traitées
- Des personnages matures, attachants et bien écrits
- Une histoire sur plusieurs époques extraordinairement bien dépeinte
- Un véritable voyage dans lequel tout est finalement lié
- Un Visual Novel qui vous marquera à jamais
- Plusieurs dizaines d’heures à faire, sans compter les récits bonus
- Quelques choix, embranchements et plusieurs fins
- Une réalisation qui renforce formidablement bien le malaise
- Une bande-sonore et des chansons uniques de grande qualité
- Des fonctionnalités de confort propres au genre, et du tactile
LES MOINS
- Uniquement en anglais !!!!!!
- Un récit bouleversant à ne pas faire en traversant une mauvaise passe
- C’est le genre qui veut, mais forcément, très lourd de textes
- Puis c’est un récit à vivre une fois
- Pas de grande replay value après avoir débloqué les fins et bonus
- On peut reprocher une réalisation classique avec peu d’animations
- Puis le manque de doublage, sauf pour un récit bonus