Entreprise pionnière du jeu vidéo, Atari fête ses 50 ans et veut, haut et fort, que ça se sache ! Outre la série Recharged qui a remis au goût du jour ses vieux classiques, outre le parodique et méta Atari Mania, Atari nous sort l’ultime compilation avec Atari 50 : the Anniversary Celebration.
Mieux, la bibliothèque de jeux garnie (100 jeux) se double d’une partie documentaire qui n’est pas simplement là pour faire joli, ou pour faire passer la pilule du prix (assez élevé à vrai dire) mais qui constitue une mine d’or d’informations d’antan et d’anecdotes qui vont toucher en plein cœur tout fan qui se respecte.
Have you played Atari yesterday, today and tomorrow ?
La partie documentaire se présente à la fois sous forme thématique (arcade, consoles…) et chronologique (année après année) et peut donner le vertige par la profusion d’informations prenant toutes les formes possibles (interviews d’aujourd’hui, reportages d’époque, photos, illustrations, dépliants publicitaires, notes confidentielles). Nous allons parcourir en effet le moindre recoin de la maison Atari.
Ce qui frappe, c’est la justesse de ton. Nous sommes loin de l’objet promotionnel, tout à la gloire de l’entreprise. Exemple, les rumeurs sur l’usage de drogue dans les bureaux dans les années 70 font ici l’objet d’une vidéo et les révélations des programmeurs (qui dépassent aujourd’hui les 70 ans) vont bon train et peuvent même surprendre.
Tous les échecs sont également évoqués sans équivoque : la section flipper de l’entreprise qui fut un ratage total ou bien l’évocation du crash de 1983 avec l’emblématique E.T, considéré comme le plus mauvais jeu du monde, et dont les invendus furent enterrés en plein désert du Nouveau-Mexique. Toutes les erreurs et les frustrations sont dévoilées à travers les interviews, parfois avec amertume, mais également avec humour.
Notons la très grande qualité et le nombre conséquent d’intervenants. Pour n’en citer que quelques-uns : Nolan Bushnell, le papa d’Atari bien sûr, David Crane, co-fondateur d’Activision, Tim Schafer ancien de Lucas Art et fondateur de Double Fine, Ernest Cline, auteur de Ready Player One, Eugene Jarvis, programmeur célèbre pour Defender chez Williams, Howard Scott Warshaw qui a programmé E.T mais également Yars Revenge…
Se plonger dans tout ce bouillon d’histoire, c’est aussi découvrir une évidence : Atari a créé l’industrie du jeu vidéo avec le succès de Pong en 1972. La société a même donné naissance à la fameuse Sillicon Valley en Californie et a posé toutes les bases de ce qu’est le jeu vidéo encore aujourd’hui avec l’Atari 2600, premier grand succès pour une console de salon à cartouches multiples. C’est cette même console qui a fait naître les fameux éditeurs tiers et le premier d’entre eux, Activision, créés par des anciens d’Atari.
Mais surtout, la société a engendré des jeux qui ont marqué la grande Histoire du jeu vidéo dans les années 70 et 80, à commencer par Pong, Breakout (le casse-brique qui a fait la jonction entre Pong et Space Invaders de Taito, et qui fut co-créé par un certain Steve Jobs), Asteroids, Adventure (l’ancêtre des Zelda), Tempest, Missile Command, Centipede (et sa suite Millipede)… Atari reste une marque qui compte et cette compilation le rappelle avec force.
Au sommet du mont Fuji
Ce sont justement les jeux, manette en mains, qui vont illustrer ce qu’était l’esprit pionnier de la marque. Nous pouvons les jouer via la partie documentaire, mais également à partir de la bibliothèque, accessible à tout moment. Nous avons droit à 90 jeux répartis suivant les différentes machines : des antiques bornes d’arcade à la Jaguar (et ses 64-bit qui firent couler beaucoup d’encre), en passant tout naturellement par l’Atari 2600. Notons la présence de la Lynx, avec hélas peu de jeux à se mettre sous les dents (il y a le méconnu, mais très recommandable Turbo Sub, il manque toutefois les indispensables Chip’s Challenge ou Blue Lightning).
Absent notable d’une machine dans toute cette galerie de jeux : l’Atari ST (pourtant présenté en bonne place dans la partie documentaire). C’est vraiment dommage, car ce fut un grand succès d’Atari qui préfigura le PC moderne avec sa souris, ses fichiers organisés sur un bureau et sa fameuse corbeille… Pour les ordinateurs, nous n’avons droit qu’à quelques jeux pour l’Atari 800.
Cependant, l’essentiel est là, préservé et s’il faut citer des incontournables, citons-les : Tempest (1980), avec sa 3D vectorielle luxuriante et sa suite tonitruante sur Jaguar, Tempest 2000 (1994), à découvrir à tout prix si vous ne connaissez pas ; l’impressionnant Major Havoc (1983) cumulant les gameplays pour une expérience sur fond noir hautement immersive ; l’excellent Black Widow (1983) qui inventa le genre du Twin Stick Shooter, le très cartoon et très fun Food Fight (toujours en 1983) ou encore Solaris (1989), un space shooter particulièrement ambitieux pour l’Atari 2600.
Au rayon des surprises, nous nous amusons de la présence de Ninja Golf sur Atari 7800 qui combine avec beaucoup d’humour, donc, golf et ninjas. Nous découvrons les surprenants I.Robot (1984), premier jeu en 3D face pleine et ombragé (le fameux gouraud shading) et Quantum (1982) dans lequel nous encerclons des atomes à l’aide d’une track ball (ici remplacé par notre fidèle stick). Nous testons, fébriles, l’impressionnant homebrew Yoomp ! (2007) : du tube jumper (!) qui repousse les capacités d’un ordi 8-bit antique. Nous nous enthousiasmons, émerveillés comme des gosses qui découvrent un trésor dans le grenier, en jouant à des prototypes inédits comme Akka Arrh (1982), un shoot hautement coloré et original.
Nous avons droit également à de tout nouveaux jeux, au nombre de 6. Ce sont des relectures créées pour l’occasion par le développeur Digital Eclipse : Neo Breakout entre autres, ou Yars Revenge Enhanced, une franche réussite qui fait honneur au jeu original. Une chouette idée en chasse une autre : dans ces tous nouveaux jeux, à l’aide d’indices, nous pourrons débloquer des jeux cachés, qui sont manquants dans la bibliothèque de jeux.
Where did you learn to fly ?
Au rayon des possibilités, nous avons les bordures sympas, les classiques filtres télé (ou LCD pour la Lynx) et les manuels d’époque pour chaque jeu (en anglais cependant). Nous pouvons sauvegarder à tout moment. Mieux, si nous oublions de sauvegarder, nos highscores sont tout de même préservés, même lorsque nous éteignons la console.
Pour les jeux Atari 2600, nous avons la possibilité de sélectionner, avant de lancer le jeu, le mode noir et blanc, la difficulté ou les différents modes de jeu qui étaient directement inclus dans les cartouches. Asteroids se targuait à l’époque d’avoir 66 jeux en un, vous aurez donc cette possibilité de les tester tous (même si beaucoup de modes se ressemblent) ! Pour ce qui est de l’émulation elle-même, elle est véritablement excellente d’une machine à une autre et les commandes sont parfaitement optimisées.
Qui dit compile, dit aussi son lot de redites avec plusieurs versions d’un même jeu, de jeux moyens ou simplement qui ont très mal vieilli (globalement, la série des RealSports sur Atari 2600). Il y a également quelques mauvais jeux (au hasard, le catastrophique et involontairement drôle Club Drive sur Jaguar). Tout compte fait, est-ce un mal ? Nous ne sommes pas ici devant un best-of, mais face à un panel qui raconte l’histoire… Avec ses hauts et parfois, ses bas.
Conclusion
Atari fête ses 50 ans ! Si vous aimez Atari ou si vous êtes simplement curieux ou nostalgique de l'âge d'or du jeu vidéo, il est difficile de ne pas être sensible à ce que nous propose ce véritable collector. Les 100 jeux traduisent parfaitement l'esprit pionnier de la marque (incluant des prototypes inédits, mais aussi des jeux Jaguar et Lynx...). Et la partie documentaire, fort généreuse en anecdotes, photos, interviews et reportages d'antan, est à la hauteur de l'événement.
LES PLUS
- La partie documentaire, une véritable mine d'or !
- La qualité des intervenants pour les interviews (Nolan Bushnell, Eugene Jarvis, Tim Shafer, Ernest Cline...)
- Sous-titres lors des interviews et textes en français
- La présentation soignée
- 100 jeux qui traduisent parfaitement l'esprit Atari
- Pouvoir jouer à des prototypes jamais sortis
- Jouer à la Jaguar ou à la Lynx sur Switch !
- 6 jeux inédits créés pour l'occasion
- Des jeux cachés à débloquer à l'aide d'indices
LES MOINS
- Une nouvelle (énième ?) compilation de jeux Atari
- Quelques mauvais jeux dans le lot
- Des jeux absents, forcément
- Les manuels des jeux ne sont pas traduits
Bonjour, les documentaires ont droit à une traduction ?
Bonjour, toutes les vidéos, docus, interviews sont sous-titrés en français. Toutes les présentations sont en français. Il n’y a que les manuels originaux des anciens jeux qui ne sont pas traduits (et c’est dommage, les traductions multi-lingues d’origine ont été exclues).