Certaines aventures vidéo-ludiques ne demandent que bien peu d’efforts aux joueurs. Les visuals novels sont de parfaits représentants de cette catégorie qui ravie les amateurs d’histoires plus ou moins rocambolesques. Nombreuses d’entre elles tentent de jouer sur les émotions, parfois même d’extirper quelques larmes aux joueurs les plus sensibles. Là est l’apparat classique dont se pare ce type de jeu, et il est vrai que celui dont nous allons vous conter les caractéristiques ci-dessous, remplit parfaitement les termes de ce contrat. Mais parviendra t-il à vous retenir jusqu’à la dernière ligne… ?
Développé et édité par The Pixel Hunt, The Wreck s’ouvre sur un menu principal original : tel un écran d’ordinateur, le joueur est invité à sélectionner le lancement de son aventure. Le soft précise aussitôt que cette dernière consacrera une part non négligeable aux sujets sensibles et difficiles. Vous êtes prévenus, vous n’allez pas franchement assister à un scénario qui fait tourner les serviettes après avoir fait la danse des canards autour de la table. L’ambiance va très vite devenir assez lourde, parfois même assez glauque.
Retour vers le futur
L’aventure s’articule autour d’un concept plutôt réussi : vous êtes au cœur de l’esprit de Junon, une jeune femme qui tente tant bien que mal de se dépatouiller de tous les déboires qui lui sont tombés sur la tête. Rapidement propulsée sous les lumières criardes d’un hôpital, cette dernière apprend que sa maman, Marie, est entre la vie et la mort. Revient alors à Junon la lourde responsabilité de choisir : faut t-il laisser une chance à Marie tout en prenant conscience que les séquelles seront peut-être particulièrement lourdes, ou bien, mettre un terme rapidement à la vie de cette femme au tempérament si affirmé ? Voilà de quoi commencer la partie avec la banane !
Le joueur interagit dans l’environnement grâce à un petit curseur, qui peut parfois faire preuve d’une certaine rigidité afin de conduire l’action là où elle doit être menée. Il a parfois été nécessaire de valider plusieurs fois son choix afin qu’il soit pris en compte, mais rien d’alarmant. La jouabilité s’avère dans l’ensemble plutôt bonne et très intuitive. Le tactile est disponible mais ne présente pas un très grand intérêt.
Si l’arrivée en matière peut d’ores et déjà sembler assez brutale, la suite le sera tout autant, sans pour autant tomber dans le sanglant ou quoique ce soit d’autre. L’aspect psychologique est en effet au cœur même de l’aventure, et l’identification aux personnages peut survenir d’un moment à un autre tant la réalisation s’avère réussie. Au fil des nombreuses discussions, le joueur est amené à en apprendre toujours plus sur la famille de Junon, sur sa sœur, sur sa maman… et bien d’autres protagonistes tout aussi importants. L’histoire se concentre en effet particulièrement sur Marie, mais aussi sur la fille de Junon, Astrid. Nous ne vous dévoilerons rien à son sujet afin de vous laisser découvrir toute son histoire…
Qu’il s’agisse d’Astrid ou des autres membres de la famille, les mécaniques de jeu seront strictement identiques tout au long de l’aventure. Si ces dernières peuvent s’avérer efficaces à leur découverte, elles s’avèrent assez redondantes par la suite et nous ne pouvons que regretter le choix des développeurs d’user jusqu’à la moelle leur idée… certes bonne néanmoins. En effet, lors de nombreux dialogues, Junon sera affectée par diverses émotions, ne fera dès lors pas nécessairement les bons choix, et ne parviendra pas à être lucide sur tous les éléments qui l’entourent. Afin de pouvoir faire preuve d’avantage de clairvoyance et souvent d’un peu plus d’humanité aussi, il lui faudra remonter dans ses souvenirs par l’intermédiaire d’objets clefs. Une scène stratégique sera alors renouvelée encore et encore pour renvoyer le joueur dans les souvenirs de la jeune femme.
L’esprit de Junon fonctionne alors toujours de la même façon : tel un magnétoscope qu’il est possible de rembobiner ou d’avancer à loisir, le joueur est invité à déployer la bande en avant, ou en arrière. S’affichent dans bon nombre de séquences différents mots-clefs, émotions, sensations… qu’il convient de sélectionner afin d’en connaître tous les rouages de l’histoire. Chaque sélection déclenche une réaction de Junon, avec de nombreuses tergiversations qui, malgré tout, vont lui permettre peu à peu de faire le point sur elle-même et ainsi mieux se reconstruire.
Une fois tous les mots épuisés, le joueur replonge dans le présent, qui se retrouve alors bousculé par les révélations du passé. Junon devient généralement plus souple et plus à l’écoute des autres. Si ces allers-retours peuvent sembler un peu nébuleux sur le papier, ils deviennent rapidement limpides une fois la partie lancée… et sujets à une redondance certaine.
Un seul chemin vers la guérison
Le chemin de l’apaisement pour Junon est long et tumultueux. Les découvertes sur sa famille sont nombreuses et le joueur ne manquera pas de passer d’une surprise à une autre. Néanmoins, si la mise en scène de ces flash back se trouve particulièrement réussie, elle n’en reste pas moins redondante et prévisible. A tel point que les derniers souvenirs, pourtant nués d’intérêts, semblent plus indigestes, comme s’il étant temps d’en finir. Le générique ne tardera pas vraiment à apparaître puisqu’il ne faut qu’un après-midi pour clôturer une première fois l’histoire. Par la suite, il reste possible de revenir sur ses pas grâce au découpage en chapitres, mais nous ne sommes pas vraiment certains que le joueur sera enthousiaste à l’idée de recommencer pour déverrouiller tous les dialogues du jeu.
Nous aurions adoré parcourir tous ces souvenirs avec des mécaniques de jeu différentes, une implication plus forte du joueur, qui ne se contente ici que de choisir entre quelques dialogues. L’impression d’être spectateur est assez omniprésente… pourtant, le film qui se déploie devant nos yeux reste de qualité malgré tout.
Qualité scénaristique
Si nous avons été quelque peu déçus par notre implication très légère dans toute cette aventure, cette dernière n’en reste pas moins de qualité, avec de bons rebondissements et un final qui nous a tout particulièrement séduit… un final que nous laissons bien entendu sous silence.
L’ensemble des personnages est doté d’une personnalité intéressante, qui se construit au fil des pièces de puzzles retrouvées dans les souvenirs. Chacun gagne ainsi en profondeur et tous deviennent attachants, avec leurs fêlures et leurs petites bosses qu’ils portent avec plus ou moins de charisme sur le dos.
Les interprétations orales sont particulièrement réussies, avec de bonnes intonations. En revanche, nous avons sans cesse tiqué sur la prononciation des prénoms qui semblent sortir tout droit de leur contexte, comme s’ils avaient été modifiés par la suite.
Les graphismes, quant à eux, sont de bonne facture même s’ils manquent de détails. Néanmoins, l’histoire dans laquelle se retrouve plongée Junon, et l’amoncellement des souvenirs, peut laisser supposer des détails peu présents face au flot d’informations autour d’elle. Aussi, les développeurs ont fait le choix de conférer une certaine rigidité aux personnages, leurs déplacements sont en effet saccadés. Un choix surprenant au début, puis plutôt bien intégré dans l’histoire par la suite.
Enfin, les musiques accompagnent correctement l’aventure, se montrant tantôt douces, tantôt plus rythmées au gré des événements. La montée du stress peut notamment se ressentir grâce à cette ambiance musicale…
The Wreck est disponible sur l’eShop de la Nintendo Switch au prix de 20 euros environ.
Le saviez vous ?
Avez vous connaissance de traduction française du terme « Wreck » ?
Ce dernier signifie « épave », une belle entrée en matière pour l’aventure de Junon !
Conclusion
The Wreck est un roman interactif qui conduit le joueur à travers l'histoire tumultueuse de la famille de Junon, une jeune femme un peu paumée qui cherche à se reconstruire après un violent traumatisme tandis que sa mère est entre la vie et la mort. Le scénario se montre assez sombre, mais il se déploie auprès de personnages aux personnalités intéressantes, qui gagnent peu à peu en profondeur. Les mécaniques de jeu sont réussies, avec des souvenirs et des flash-back intéressants. Malheureusement, ces dernières ne parviennent pas à se renouveler, plongeant le joueur dans une boucle redondante dont il ne peut s'extirper. Les amateurs de romans interactifs apprécieront cette mise à distance du joueur, les autres pourraient bien être passablement frustrés d'être finalement si peu actifs tout au long de l'aventure. Dans tous les cas, l'histoire mérite que l'on y prête attention par son écriture et son interprétation de qualité.
LES PLUS
- Scénario général de qualité, avec des rebondissements au fil de la partie.
- Des personnages avec des personnalités fortes, qui gagnent peu à peu en profondeur.
- Excellente interprétation orale, et une traduction française disponible.
- Bonne ambiance musicale.
- Une mécanique de jeu originale dans les souvenirs et les flash-back...
LES MOINS
- … mais utilisée encore et encore ! De quoi lui faire perdre toute sa singularité originelle !
- Une aventure qui ne laisse pas beaucoup de place au joueur malgré les nombreux choix multiples proposés.
- Tarif un peu élevé.