De nos jours, de nombreuses séries de jeux vidéo ont acquis une notoriété telle que certains en profitent pour faire appel à des noms liés à ces séries pour faire la promotion de leur production. Une pratique loin d’être nouvelle, Binary Haze Interactive et Adglobe se prêtent à l’exercice à l’annonce de leur nouveau jeu Redemption Reapers. Les studios font ainsi appel à des personnes ayant travaillé sur les licences Fire Emblem, Metal Gear ou encore sur un des récents succès indépendant Ender Lilies. Ceci étant dit, un CV bien garni n’est pas nécessairement synonyme de bon jeu. Qu’en est-il de Redemption Reapers?
Une rédemption qui sent le Mors
Nous incarnons les membres de la brigade des Faucons Cendrés, un groupe de résistants face à l’invasion de l’armée macabre des Mors. Peu d’informations sur ses créatures que nous assimilons juste rapidement à des genres de zombies. Aucune forme de dialogue ne semble possible avec eux et chaque Mors semble uniquement motivé par la volonté de faire couler le sang humain. Si la plupart des membres de cette armée macabre semblent être des entités humanoïdes dénuées de conscience, d’autres sont carrément des monstres au design toujours plus macabres et hideux. Nous suivons ainsi les Faucons Cendrés dans leur lutte face aux Mors gagnant de plus en plus de terrain sur les armées humaines du monde.
Plus spécifiquement, nous suivons les combats que mènent cinq des plus puissants membres des Faucons Cendrés, à savoir : Sarah, Glenn, Lugh, Urs et Karren. Tous ne nous sont pas présentés en même temps mais assez rapidement dans l’aventure, devenant nos 5 seuls personnages jouables du jeu. Chose pas bien grave, un petit groupe peut permettre un meilleur développement de personnage avec un meilleur focus sur leurs histoires passées puis leur devenir avec la progression de l’intrigue du jeu. C’est ce que nous avons espéré sur la petite trentaine de chapitres que nous avons pu vivre aux côtés des Faucons Cendrés. Un récit où nous passons la majorité du temps à secourir la population et fuir toujours plus loin l’armée des Mors. L’histoire présente tout de même quelques moments en cinématique plus violents, touchants voire tragiques. Par ailleurs, il y a un peu de lore développé à travers des écrits à récupérer en mission puis à lire une fois revenu sur le menu de préparation.
Cependant, rien qui ne dévie totalement du classicisme et du côté générique de son écriture. Seul le côté “Dark Fantasy” permettra peut être au récit de Redemption Reapers de paraître comme unique à lui et n’oublions pas la traduction en Français qui est forcément un grand plus pour le public francophone. Pour le reste, c’est du cliché et du déjà vu avec en prime un groupe de personnages qui ont le potentiel de raconter des choses mais dont les auteurs ont finalement juste choisi de peu exploiter ou alors mal le faire. Il devient ainsi difficile de se sentir proche du groupe ou même de comprendre la cohésion de celui-ci tellement nous n’avons rien de consistant qui nous est développé. Au final et c’est certainement le plus grave, mais si nous n’avions pas fait un saut sur le site officiel du jeu ou si nous n’avions pas le jeu allumé sous nos yeux, il est impossible de nommer les différents personnages tellement ils finissent par être random.
La progression ultra linéaire s’articule entre très brèves discussions du contexte et de la situation à chaque chapitre, quelques chamailleries de personnages, bataille puis écran de préparation pour le prochain chapitre. Nous avons la possibilité de jouer des escarmouches afin de renforcer nos personnages, d’acquérir des objets à vendre pour faire de l’argent ou pour améliorer nos armes puis potentiellement aussi gonfler la durée de vie du jeu si jamais l’expérience vous marque au point de ne pas en avoir assez. En partant sur une estimation de 1 chapitre par heure, la durée de vie tourne ainsi autour de 25 heures de jeu dépendamment de votre implication dans l’expérience, dans le 100% et de votre niveau de jeu. Une durée de vie honorable si l’histoire peu engageante ne vous a pas déjà fait fuir vers d’autres expériences de jeu. Notons tout de même le déblocage d’un autre niveau de difficulté après avoir fini le jeu en “Normal”, des fois que le jeu vous ait vraiment charmé.
En s’attardant sur d’autres points, Redemption Reapers n’est pas nécessairement mauvais. Il propose suffisamment d’arguments pour au moins prétendre à une expérience moyenne voire correcte du genre. Tout d’abord, revenons sur le fait que les développeurs ont opté pour une expérience de Tactical-RPG. Tel un Fire Emblem, nous évoluons sur des champs de bataille quadrillés avec un cycle en 2 voire 3 phases : une phase joueur, une phase ennemie et parfois une phase auxiliaire pour nos éventuels alliés. Durant notre phase joueur, nous pouvons bouger nos 5 personnages, définir leurs actions puis patienter pour le prochain tour. Tactical oblige, le mouvement de nos unités et le positionnement des ennemis par rapport à nous est important pour limiter les pertes puis parvenir à la victoire. Soulignons également la présence de la durabilité d’arme, apportant ainsi une dimension de gestion de votre équipement pour ne pas finir avec un équipement brisé et affaibli.
Cela étant dit, la difficulté globale du jeu en “Normal” reste simple, puis contrairement à Fire Emblem nous n’avions pas la pression d’un “Permadeath” ce qui motive plutôt les prises de risque même à perte. Les conditions de combats sont limitées et la plupart des missions nous propose d’éliminer tous les ennemis ou leur commandant. Quelques missions de fuite ou de protection d’unités sont surtout difficiles car l’I.A. des unités auxiliaires (unités alliés que nous ne contrôlons pas) est totalement à la ramasse. Refermons cette parenthèse en parlant des actions de nos personnages qui sont limitées par un certain nombre de PA (Point d’Action). Il est possible d’enchaîner nos techniques puis de boire une potion pour se soigner avant de clôturer son tour, l’ordre de nos actions importe peu. Retenons juste que nous ne sommes pas limités à une action lors d’un tour d’unité. Chaque technique de nos personnages consomme des PA et il est possible d’utiliser plusieurs techniques en 1 tour de personnage tant que nous restons dans la limite de PA.
Soulignons que ce nombre de PA d’un personnage évolue directement en combat et peut monter jusqu’à 13 PA maximum. Chaque technique de combat est propre à chacune de vos unités et il convient de prendre connaissance de chacune des possibilités offertes par chacun d’eux pour bien progresser sur le champ de bataille. Prenons l’exemple de Sarah qui est une unité de type agile à défaut de manquer de puissance. Beaucoup de ses techniques restent sur cette tendance de puissance faible mais accentuent sur ses capacités à esquiver à coup sûr les contres ennemis. En montant de niveau, nous obtenons de nouvelles techniques jusqu’à débloquer une puissante aptitude spéciale consommant 13 PA d’un coup et réinitialisant ensuite les PA de l’unité à 10 PA après utilisation. A l’exception de l’aptitude spéciale, il est possible d’améliorer nos techniques sur l’écran de préparation de combat en échange de PC que nous obtenons à chaque montée de niveau.
Le casting étant limité, il n’est pas difficile de connaître ses personnages sur le bout des doigts et adapter rapidement les stratégies. Bien que limité, le fait que nos actions dépendent de nos PA permet de jouer une unité plusieurs fois et même de la bouger à nouveau entre temps, cela dans la limite des cases sur laquelle elle peut se mouvoir. A cela s’ajoute une mécanique d’attaque liée, cela permet à n’importe quelle unité à portée de l’ennemi de pouvoir ajouter une attaque supplémentaire sur une simple pression de la touche lié à ce personnage après une première attaque que nous avons initialisé. Ces attaques liées ne se limitent pas à une unique attaque supplémentaire, si l’ennemi est encerclé par tous vos alliés et à portée de leurs attaque alors il est possible d’enchaîner une attaque supplémentaire par allié. Combinons cela au fait que les actions des unités dépendent de PA, il est ainsi possible de mener plusieurs enchaînements d’attaques liées sur un ennemi.
Cela dit, en utilisant bien nos personnages, il est rare qu’un ennemi survive à un enchaînement de plus d’une ou deux attaques, si ce n’est les boss et ennemis avec beaucoup de PV. Les différentes mécaniques du jeu motivent ainsi une approche tactique plus agressive, moins prise de tête plutôt que prudente. Du côté ennemi sur la globalité du jeu, le bestiaire s’étend sur une petite vingtaine de types d’unités. Certains ont des propriétés uniques nous amenant à adapter les stratégies en cours de mission. Pour autant, une bonne partie de ces ennemis ne sont que des zombies différemment armés, ainsi les quelques spécimens uniques et les missions assez similaires ne parviennent pas nécessairement à donner l’impression d’un changement de routine sur la totalité du jeu. Nous avons rapidement une sensation de répéter encore la même mission avec juste quelques bulles de dialogue qui ont changé ainsi que la map de combat.
Encore que nous parlons de la physionomie du champ de bataille puisque visuellement nous avons rarement une sensation de nouveau. Lors du premier contact avec Redemption Reapers, il est vrai que les cinématiques et le rendu du jeu sont surprenants pour un jeu indépendant sur Nintendo Switch. Pourtant, après quelques missions et quelques cinématiques, il faut avouer que le ton des couleurs ainsi que le style visuel sont très monotones, sombres, ternes et pas toujours très propres. Certes, il y doit y avoir une volonté de rester cohérent avec le contexte du jeu mais cela n’empêche certainement d’avoir de la variété même à travers des ruines d’un monde dominé par des abominations. C’est cette variété qui manque à Redemption Reapers, la DA est si monotone que malgré les variations de décor, ces changements ne sautent pas aux yeux et nous donnent l’impression que peu de choses changent entre les premières missions et la fin.
Sans oublier le chara-design aussi fade et peu inspiré que la DA. Les cinématiques sont jolies de prime abord mais dans le détail la modélisation et l’animation de certains passages semblent un peu étranges. Puis il y a parfois une espèce de saut d’image rappelant une vidéo que nous lançons à partir d’une vieille VHS ou d’un vieux DVD. Nous n’avons pas la possibilité de comparer avec d’autres versions, il n’est pas impossible que cela soit un défaut de traitement vidéo de la version Nintendo Switch. Malgré tout, sans trop s’attarder sur ces petites défaillances, les cinématiques restent jolies à voir et arrivent à nous transmettre les passages marquants et clés du récit. Elles sont aussi revisionnables sur l’écran titre du jeu. Notons également un petit effort sur certaines animations de combat lors de l’utilisation de certaines techniques. Des animations parfois classe, à regarder avec modération pour ne pas s’en lasser rapidement.
Par ailleurs, il est surprenant de constater que le studio a mis énormément plus de moyens sur la bande sonore du jeu. Loin d’avoir nécessairement un thème unique pour chaque scène ou champ de bataille, l’OST du jeu propose des pistes qui nous ont nombre de fois surpris en comparaison à la monotonie visuelle du jeu. L’OST arrive bien mieux à nous immerger dans l’expérience que sa DA et son scénario. Entre thème épique pour accompagner les combats ou plus lyrique pour accompagner l’entre-deux, l’OST relève dans l’ensemble l’expérience globale du jeu. Reste enfin à parler du doublage japonais ou anglais au choix qui est convenable à défaut d’être vraiment bon, il donnera légèrement plus de vie et de personnalité aux personnages du jeu. Bien que cela ne soit malheureusement pas suffisant pour que nous retenions leurs noms.
Conclusion
Redemption Reapers est un tactical-RPG intéressant si vous cherchez une expérience moins prise de tête et empreinte de dark fantasy. Les studios ont fait le nécessaire pour remplir le cahier des charges afin de proposer un jeu convenable dans son genre et éventuellement satisfaire un petit appétit tactique. En revanche, si vous ressortez d’une expérience plus riche et intense du tactical-RPG, Redemption Reapers aura beaucoup plus de chance de vous décevoir. Malgré son approche de gameplay unique et plus agressive ainsi que son envoûtante ambiance sonore, le titre aura potentiellement du mal à vous retenir sur les autres critères. Sur Nintendo Switch, après le passage de Fire Emblem Engage en ce début 2023, Redemption Reapers aura du mal à s’imposer auprès des amateurs du genre. Ce n’est malheureusement pas son casting de personnages et la qualité d’écriture assez pauvre de son récit qui changeront la donne alors même que Fire Emblem se contentait du minimum à ce niveau. Globalement, malgré certains noms derrière le jeu, Redemption Reapers fait partie de ces projets que nous oublions vite. Il reste une alternative tactique intéressante pour les quelques stratèges à la recherche d’autres jeux du genre sur Nintendo Switch.
LES PLUS
- Une réalisation assez belle pour de la Nintendo Switch
- Des cinématiques jolies à regarder
- Quelques belles animations de combat
- Des musiques d’une qualité surprenante
- Un tactical plus agressif et moins prise de tête
- Gameplay accessible dans le genre
- Une durée de vie convenable
- Un autre niveau de difficulté à débloquer
- Quelques escarmouches pour gonfler le tout
- Un lore et des personnages qui ont du potentiel
- Doublage Japonais/Anglais au choix
- Traduit en Français!
LES MOINS
- Pas toujours propre, peu de variété visuelle
- Une DA monotone
- Le chara-design peu inspiré
- Des sauts d’images étranges sur les cinématiques
- Quelques musiques trop réutilisées voire hors contexte
- L’I.A. inexistante des unités alliées
- Pas très tactique et facile
- Ultra linéaire, pas d’annexe
- Un potentiel scénario pas exploité
- On oublie toute la terminologie lore du jeu
- Un petit casting de personnage peu attrayant
- Le doublage peine à les rendre plus crédible