The Last Worker est un jeu pensé et conçu pour la VR. Jeu hybride dans lequel les genres se mélangent, c’est une aventure engagée qui tente de s’installer sur la Nintendo Switch, la console familiale par excellence. The Last Worker est développé par le studio allemand d’Oiffy et le studio anglais de Wolf & Wood Interactive, tous les deux spécialisés dans l’expérience VR. Le jeu est disponible le 30 mars 2023 au prix de vingt euros sur l’eShop.
Un jeu avec de très belles intentions…
The Last Worker nous place dans un futur proche du nôtre. Le réchauffement climatique a commencé, Manhattan est sous l’eau et les ressources sur notre planète se raréfient. Dans ce chaos pas si lointain, nous incarnons Kurt, le dernier employé humain de chez Jüngle, une copie conforme d’Amazon.
Nous nous baladons au milieu des robots afin de préparer les colis avant la livraison. Nous devons vérifier que ces derniers soient correctement étiquetés et que les cartons ne soient pas abîmés pour les envoyer aux clients.
Notre quotidien long et monotone est chamboulé lorsqu’un robot du S.P.E.A.R, une association anticapitaliste, nous demande de rejoindre leur cause. Allons-nous les aider à détruire Jüngle de l’intérieur ou bien sommes-nous trop attachés à l’entreprise qui nous emploie depuis maintenant vingt-cinq ans ?
Le jeu emprunte plusieurs genres tout au fil de l’aventure. Nous allons tout d’abord être dans le pur jeu de gestion et de simulation, à devoir livrer au jour le jour les colis. Nous allons devoir vérifier si le carton n’est pas abîmé, et si le poids ainsi que la taille indiqués sur l’étiquette correspondent à la réalité.
Si tout va bien, le carton pourra être envoyé au client, et, a contrario, si celui-ci est invalide, il faudra le jeter dans le tuyau de recyclage. Nous sommes chronométrés pour chaque article. À chaque colis traité, nous avons le plaisir de découvrir l’objet que nous avons envoyé. Il s’agit d’objets souvent très drôles et décalés, comme le steakboard ou le préservatif intégral.
Notre personnage se déplace dans une sorte de machine volante peu maniable que nous devrons apprendre à dompter afin d’apprécier pleinement l’expérience. Le gameplay est parfois un peu abrupt, peu accessible, mais il s’apprivoise quand même au fil du temps.
Le jeu alterne aussi avec de longues séquences qui empruntent au jeu d’infiltration, d’arcade, d’énigme et de tir, le tout au service d’une narration engagée anticapitaliste et écologiste.
…Mais qui perd le joueur avec un gameplay qui manque de cohérence
Si le gameplay de The Last Worker est pavé de très bonnes intentions, cette version sur la Nintendo Switch est assez lourde manette en main. Nous avons malheureusement fait face à plusieurs situations où le jeu manquait de précision et nous avons été frustrés par le manque de fluidité dans le gameplay. Nous sommes persuadés que l’expérience doit être bien plus agréable en VR mais elle est souvent peu ergonomique sur la Nintendo Switch.
Le mélange des genres n’est pas très réussi (sur la Nintendo Switch, encore, car pour la VR, cela doit être très intéressant), et il n’apporte aucun sentiment de progression. Nous n’arrivons pas à apprécier pleinement l’expérience que peut nous proposer The Last Worker qui ressemble trop à un melting-pot de choses déjà vues et revues.
Ce gameplay ne se combine pas très bien à sa narration et certaines contraintes arrivent sans être justifiées par le récit. Nous débloquons par exemple un pistolet surpuissant capable de détruire les robots sur notre passage, mais ce dernier s’enlise à la première occasion sans la moindre justification crédible.
C’est vraiment dommage, car comme nous l’avons susmentionné, les intentions de The Last Worker sont nobles, et toute la partie gestion dans le centre de distribution est très intéressante. La machine s’enlise malheureusement à cause d’un gameplay qui oublie parfois la narration et le joueur.
Un scénario qui manque parfois de finesse
Le scénario est lui aussi rempli de bonnes intentions mais son écriture est défaillante. Il repose sur des thématiques actuelles et très intéressantes comme l’écologie, la surconsommation et le « capitalisme sauvage ». Cependant, The Last Worker manque cruellement de finesse dans son traitement ce qui réduit drastiquement la portée de son message.
Les thématiques n’apportent pas grand-chose et nous avons parfois l’impression que les auteurs ne cherchent qu’à nous convaincre de choses assez évidentes : la planète est en danger, Amazon est une aberration écologique, il faut vivre plutôt qu’attendre que sa vie passe devant soi… Le surplus de thématiques pas assez travaillées noie le joueur et finit par le détourner d’un message pourtant essentiel.
Les personnages, manichéens à l’extrême, ne sont pas attachants. Ils restent des archétypes, avec d’un côté les gentils, qui luttent pour la bonne cause, de l’autre les méchants, qui rapportent de l’argent et volent les médicaments des pauvres…
Les nœuds dramatiques du récit manquent aussi cruellement de subtilité, ce qui rend l’histoire prévisible et plate. Sans empathie pour les personnages, il est impossible pour le joueur de s’attacher au récit, et, de facto, nous voyons bien plus facilement les ficelles de la narration. De plus, l’histoire est extrêmement dirigiste alors que le jeu prône une certaine forme de liberté, ce qui constitue un contresens entre la forme et le fond…
C’est encore une fois dommage, car The Last Worker est rempli de bonnes intentions, et certains personnages sont mieux écrits que d’autres, comme celui de Skew, le robot meilleur ami de notre personnage. Nous avons vraiment l’impression que les auteurs, transportés par leurs convictions, ont oublié la cohérence du gameplay et de la narration, qui est pourtant la clé des jeux engagés.
Un jeu qui est plus adapté à une expérience VR que console
Côté positif, The Last Worker possède un humour omniprésent et un cynisme à toute épreuve qui se déploie parfaitement au fil de l’aventure. Elle permet de rendre l’aventure bien plus agréable et réussit parfois à sauver le récit du schéma manichéen dans lequel il s’est plongé.
Les dialogues, guidés par cet humour, sont parfois truculents, notamment dans la relation qui opposera notre meilleur ami robot, Skew et l’autre robot de l’organisation anticapitaliste.
The Last Worker comporte aussi énormément de bugs qui ternissent l’expérience du joueur. Nous avons dû plusieurs fois relancer le jeu pour que les missions s’activent. Certains bugs peuvent même empêcher la progression, ce qui peut être très frustrant pour le joueur. Certains passages vers la fin ont aussi vu leurs sous-titres disparaitre, ce qui gênera forcément les non-anglophones qui ne pourront pas profiter de certains dialogues clés.
Comme il est déjà susmentionné, la version sur la Nintendo Switch ne semble pas être la plus ergonomique. Nous ressentons que le jeu a été pensé pour la VR, et nous voyons bien que certains passages sont certainement très intéressants un casque sur les yeux, mais pas sur console.
The Last Worker se termine en six heures. Nous trouvons que le prix de vingt euros est un peu excessif pour le contenu qu’il propose. Le jeu pourrait devenir intéressant à une dizaine d’euros.
L’univers graphique de The Last Worker est très intéressant et très réussi. C’est vraiment une grande force du jeu qui réussit à nous placer dans cet univers qui nous fait directement écho à l’image que nous avons d’Amazon.
La bande-son est bonne. La musique est intéressante, la direction d’acteurs aussi, mais les voix préenregistrées lors des moments de stress nous sortent du jeu. À force d’entendre des voix qui nous crient dessus en permanence plutôt que de se concentrer sur les moments les plus épiques, nous finissons par être énervés contre les personnages au lieu d’être sous tension. Ce détail mine vraiment le travail sur le son.
Conclusion
The Last Worker est un jeu rempli de bonnes intentions mais qui se perd et n’arrive pas à proposer un contenu cohérent. Son gameplay mélange les genres sans grande fluidité et son histoire, bien que sur des sujets de société importants comme l’écologie ou la surconsommation, n’arrive pas à se dépêtrer de son manichéisme permanent. Nous ressentons bien trop que le jeu est pensé pour la VR et non pour la console. C’est dommage, car le jeu est drôle, d’un univers graphique vraiment intéressant et avec une bande-son (presque) parfaite.
LES PLUS
- Le gameplay dans le centre de distribution intéressant
- Des sujets de société importants
- De très belles intentions
- Un univers graphique intéressant
- Un humour et un cynisme à toute épreuve
- Certains personnages bien écrits (Skew)
- De bons dialogues et certaines situations intéressantes
- Une bande-son réussie
- Une bonne direction d’acteurs
- Traduit presque intégralement en français
LES MOINS
- Un gameplay un peu fourre-tout qui manque de fluidité
- Un récit qui manque de profondeur
- Des personnages trop archétypaux et manichéens
- Des thématiques qui ne sont pas assez fouillées et travaillées
- Des choix qui manquent de pertinence en fin de partie
- Un jeu qui prône une forme de liberté mais qui est en même temps très dirigiste
- Un jeu qui est pensé pour la VR, et ça se ressent sur console
- Des bugs qui peuvent gêner l’expérience
- Un ratio durée de vie / prix pas si intéressant (six heures pour vingt euros)
- Des phrases préenregistrées qui peuvent énerver