Les abandons d’animaux sont une (triste) réalité qu’il convient de mettre en avant afin de susciter une réelle prise de conscience de la détresse animale, et par écho, des multiples besoins de nos animaux de compagnie. De nombreuses lois tentent désormais de leur venir en aide mais le chemin est encore long avant d’avoir le privilège de fermer les portes des refuges, faute d’occupants. Dans cette optique, les développeurs de chez Incubator Games ont eu la belle idée de réaliser un jeu sur le sujet en permettant aux joueurs de tenir un refuge pour les chiens et les chats afin de les recueillir, les remettre d’aplomb et enfin les faire adopter. Assurément une belle démarche, mais est-ce suffisant pour faire un bon jeu ?
Développé et édité par Incubator Games, Animal Shelter Simulator ne laisse aucune place au doute quant à ses intentions : vous allez devoir prendre les commandes d’un refuge avec tous ses aléas. Dans un premier temps, le joueur est libre de choisir l’appellation de son choix pour le dit refuge avant de prendre en mains les commandes. Rapidement plongé dans le vif du sujet, de nombreux animaux en détresse vous attendent déjà…
Secourir, Protéger, Placer
La partie se lance tandis que les commandes et les premières actions à réaliser sont indiquées au joueur afin de lui inculquer les différentes manipulations possibles. Le tout progressivement, étape par étape.
Le déplacement au sein du refuge nous a aussitôt rappelé ce qu’il est possible de trouver au sein des titres développés à destinations des joueurs PC. Notre impression va se confirmer au fil des heures passées sur Animal Shelter Simulator (et notamment dans la gestion laborieuse de l’inventaire !), jusqu’à constater la présence de termes tels que « Sauvegarder sous » ou encore « Clic de la souris ». Des coquilles laissées pour compte sur Switch mais qui annoncent une véritable réalité : le titre est pensé pour être joué sur ordinateur, et là sera bien la première difficulté à laquelle le joueur se verra confronter. Malheureusement, d’autres vont rapidement venir s’ajouter.
Le déplacement, donc…, se fait via le stick gauche, avec une légère impression de VR. La vue du joueur est à la première personne et il convient de traverser les pièces en connaissance de cause. La collision avec les portes ouvertes est fréquente, y compris avec un animal dans les bras, un animal qui semble dès lors fusionner avec la bâtisse. Curieux.
Il est possible de saisir les objets, comme les pots de fleurs, mais nous voilà bien em-pot-és avec notre bout de nature dans les mains, que nous reposons finalement rapidement à sa place initiale. En effet, la mise en œuvre d’un quelconque petit coin mignon ne présente par ailleurs aucun intérêt (si ce n’est le respect de votre sens de l’esthétisme) puisque la solitude règne au refuge : vous n’y croiserez absolument personne, pas même les adoptants puisque tout se passe sur l’ordinateur, avec des adoptions d’animaux rythmées par le passage d’une camionnette impersonnelle. Dans cette quête contre la maltraitance animale, les développeurs auraient-ils fait l’impasse sur l’humanité des personnes (souvent bénévoles) qui travaillent dans les refuges ?
L’ordinateur est, en effet, le point clef de votre travail avec notamment la bonne gestion des commandes via la boutique en ligne : vous y trouverez de la nourriture plus ou moins haut de gamme, de l’eau (?), des ressources vétérinaires comme des bandages, des lotions ou encore des seringues, sans oublier le nécessaire pour l’hygiène ou encore quelques jouets et décorations. L’ordinateur sert aussi de point d’amorce pour accueillir des animaux au refuge (mais aussi leur mise à l’adoption), sans oublier un mode construction pour agrandir votre structure ou bien lui apporter quelques modifications en terme de déco ou d’agencement des bâtiments. L’ordinateur est ainsi le véritable centre névralgique du titre et implique de nombreux allers retours du joueur, alors qu’un téléphone portable glissé dans la poche aurait assurément donné plus de libertés, avec les mêmes actions possibles.
Notre premier animal, un chat, a été trouvé dans un égout. Ce dernier arrive dans une fourgonnette (la même que celle qui dépose les animaux auprès de leur nouvelle famille), bien à l’abri dans sa caisse de transport. Après avoir fait sa rencontre et découvert sa frimousse, il convient de le placer dans une cage temporaire afin de lui donner, a minima, à manger, à boire, et une caisse à litière pour faire ses besoins. Une fiche descriptive de l’animal apparaît dès lors sur l’enclos afin de délivrer l’ensemble des informations relatives à notre nouveau petit protégé. En effet, ses besoins sont récapitulés sous la forme de petites icônes qui lorsqu’elles sont présentes soulignent des besoins plus ou moins satisfaits. Un petit passage à l’extérieur, une partie de laser et trois/quatre papouilles plus tard, nous comprenons dès lors qu’il s’agit d’un individu calme et soucieux de trouver une nouvelle maison qui pourra répondre à son besoin de tranquillité. Ne reste plus qu’à le prendre en photo afin de lui dédier une petite annonce en ligne, trouver un adoptant avec les mêmes caractéristiques, et zou la camionnette revient pour reprendre notre petit rescapé des égouts et l’amener auprès de sa nouvelle famille. Que nous ne verrons jamais.
Lors de chaque adoption, une fiche apparaît et met en avant le degré de corrélation entre les besoins de l’animal et les caractéristiques de sa nouvelle maison. Si la correspondance est bonne, les points de réputation acquis n’en seront que meilleurs et permettront de déverrouiller de nouveaux articles dans la boutique mais aussi de faire monter en popularité le refuge… Néanmoins, nous avons été particulièrement étonnés des allégations tenus par les futurs adoptants potentiels. En effet, leurs attentes sont parfois assez nombreuses et laissent présager un animal qui pourrait être modelé selon les désirs des humains et non une adoption axée sur les besoins en tant qu’individu membre de l’espèce féline ou canine. S’il peut être parfaitement compréhensible de rechercher un animal plus ou moins calme ou docile, stipuler à un bénévole de la SPA que nous ne souhaitons pas acheter constamment des sacs de nourriture pour l’animal, ou encore que nous ne voulons pas « d’un animal désordonné » , désordonné ?… voilà qui est surprenant pour un titre qui sous-entend le bon placement des animaux avec une prise de conscience de l’implication nécessaire à l’adoption d’un animal. Les plus jeunes seront probablement moins sensibles à la syntaxe mise en avant par la trame des futurs adoptants, et s’amuseront simplement à faire corréler les icônes identiques entre elles pour parfaire les adoptions… Les adultes risquent d’être surpris.
Chiens et chats nécessitent bien entendu quelques achats bien spécifiques selon l’espèce. Un petit passage à la boutique en ligne (ah ces ordinateurs !) permet de se faire livrer en quelques secondes les objets désirés (via un drone, humanité bonjour !) : différentes balles pour les chiens ou encore un griffoir pour les chats. En revanche, qu’il s’agisse d’un chien en détresse ou d’un chat dans le besoin, la nécessité de soins est identique pour les uns comme pour les autres : une clinique vétérinaire doit dès lors être construite afin de prendre en charge quelques bobos tels que des tiques, des blessures ou le besoin d’injections diverses. A nouveau, les plus jeunes seront ravis d’endosser aussi le rôle de vétérinaire, tandis qu’une tique s’est installée dans les poils du petit chat, ou bien, pour réaliser un bandage sur la patte d’un chien.
Malgré toutes ces curiosités (et quelques aberrations), la trame est ainsi toute tracée au fil des animaux qui arrivent progressivement au refuge : prendre en charge l’animal, répondre à l’ensemble de ses besoins, et enfin lui trouver « la » bonne famille.
De l’ordinateur… à la console :
Les menus (en français !) sont assez clairs, avec suffisamment de précisions pour permettre aux novices de comprendre le bon emploi de ces derniers. Néanmoins, les différentes manipulations ne sont guère aisées sur Switch, et il convient de faire preuve de patience pour réaliser toutes les actions nécessaires à l’usage des objets ou encore pour le placement d’un animal. Soulignons par exemple qu’il nous a fallu un certain temps afin de nettoyer convenablement un enclos ou encore pour mettre à l’adoption notre premier animal. Une solution aurait pourtant pallié à ce désagrément : l’usage du tactile ! Il faut pourtant s’en passer et se contenter d’un jonglage avec les touches de la manette.
Les environnements manquent sensiblement de charme, avec quelques textures simplistes. Néanmoins, ils restent fort heureusement encore identifiables et globalement colorés. Nous avons appréciés les quelques affiches disponibles, et la possibilité de déposer sur les murs les photos de nos animaux désormais placés (bien que cela ne nous ait pas longtemps amusé, il est vrai). En revanche, les animaux ne nous ont malheureusement pas séduits, et manquent sensiblement de « charisme », comme tout droit issus des premières réalisations dédiées sur ordinateur.
D’autres manipulations mettent en péril le plaisir de jeu : les caresses, nécessaires afin de mettre en confiance les animaux, ne sont guère agréables et semblent n’être que des mains posées sur le rescapé. Par ailleurs, un manque notable de véritables informations sur les besoins, les races, les comportements, des chiens et des chats est à souligner : un titre orienté à l’encontre de la maltraitance animale se doit d’être porteur d’un lot d’informations de qualité sur les espèces qui l’habitent.
Enfin, lors de la mise en place de nouveaux bâtiments, il est impossible de déplacer les structures dans lesquelles résident des animaux. Nous nous sommes dès lors retrouvés face à un casse tête : tandis qu’un chien et des chats étaient à l’abri dans notre refuge, nous avons été confrontés à l’incapacité totale d’acquérir un enclos extérieur pour notre chien (particulièrement tristoune de fait). L’acquisition d’un nouveau terrain était dès lors bloqué (il convient d’avoir quelques tickets d’agrandissement pour en avoir la capacité), et il nous était impossible de déplacer les structures en place puisqu’elles étaient habitées. Forcément, notre chien n’a pas passé un bon moment… et a fini par nous être retiré (à juste titre !).
Minipouss, passion refuge ?
Avec une importante redondance des tâches disponibles, nous ne pourrions que supposer une destination du jeu avant tout pour les plus jeunes. Ces derniers seront ravis de prendre le temps de découvrir et de dorloter moult rescapés, leur donner un nom et les papouiller, malgré les limites incontestables du titre. Leur patience sera récompensée par l’apparition de quelques nouveautés au fil de leur progression (amélioration des bâtiments, acquisition de nouveaux objets dans la boutique, etc) afin d’aider, à leur échelle et sans se salir les mains, les petits animaux dans le besoin.
Animal Shelter Simulator est disponible sur l’eShop de la Nintendo Switch pour un tarif de 15 € environ.
Le saviez vous ?
Les Docteurs Pierre Dumont de Monteux et Etienne Pariset sont à l’origine de la société protectrice des animaux, la SPA, fondée en 1845. Horrifiés notamment par la maltraitance faite aux chevaux par les cochers, ces derniers s’inspirent d’une structure londonienne déjà en activité. En 1903, à Gennevilliers, ouvre le premier refuge de la SPA. Ce dernier est toujours en activité de nos jours et l’association est désormais reconnue d’utilité publique.
Conclusion
Animal Shelter Simulator offre au joueur l'opportunité de prendre en main un refuge avec l'accueil de chiens et de chats dans le besoin, afin de leur offrir soins, tendresse et loisirs dont ils ont tant manqué. Un système d'adoption avec une correspondance du caractère de l'animal et les attentes des familles est disponible pour un placement réussi. Malgré un contenu qui vient doucement s'étoffer au fil des heures passées sur le titre, la redondance des tâches est bien présente et pourrait susciter une certaine lassitude auprès des joueurs (surtout chez les adultes). Aussi, le titre est assurément pensé pour être joué sur un ordinateur, sa jouabilité s'en retrouve pénalisée sur Switch : une mise à jour des développeurs avec la prise en charge du tactile permettrait des manipulations plus intuitives, plus rapides, et finalement simplement plus agréables.
LES PLUS
- Une bonne idée initiale : venir en aide aux animaux dans le besoin.
- Quelques nouveautés à déverrouiller au fil de la progression dans le jeu, permettant de conserver un petit intérêt du joueur.
- Le joueur touche à tout : gestion administrative, soins portés aux animaux, constructions, etc, mais toujours de façon assez superficielle : idéale pour les jeunes ados amoureux des animaux.
LES MOINS
- Une jouabilité qui aurait été bien meilleure au tactile : un titre clairement pensé pour être joué sur ordinateur !
- Une redondance des tâches notable.
- Une qualité graphique discutable, surtout dans la représentation des animaux.
- Quelques tâches peu agréables ou peu intuitives sur Switch (caresses, nettoyage, utilisation d'accessoires divers)
- Un contenu pas bien riche tout de même.
- Quelques aspects surprenants, notamment dans les attentes des adoptants potentiels...