Alors que de nombreux éditeurs et développeurs sont à la course au réalisme, d’autres tentent de faire revivre l’époque de ces bons jeux rétro aux graphismes bafouillants mais au gameplay maîtrisé. Cet incroyable filon fut mis en avant et nombreux sont ceux qui s’y sont engouffrés pour jouer sur la nostalgie, tout en y ajoutant une touche de nouveauté. Trinity Trigger fait donc partie de ce lot de jeux qui sentent bon les années 90 mais qui se veulent novateurs avec une nouvelle expérience de jeu. Voyons sans plus tarder ce qu’il nous réserve !
Il était une fois…
Il y a fort longtemps, le dieu du Chaos et le dieu de l’Ordre se sont affrontés afin de dominer le monde. Leur conflit s’étendit aux confins des cieux mais eut aussi un impact sur Trinitia, le monde des humains et des bêtes. De gigantesques armes sacrées du nom d’Arma tombèrent des cieux sur Trinitia, changeant ainsi la topographie de la surface, modifiant déserts, océans et montagnes, mais le conflit perdura et aucun camp n’en sortit victorieux. Pour changer la donne, les dieux firent nommer parmi les humains deux émissaires : le Guerrier de l’Ordre et le Guerrier du Chaos qui auraient pour but de s’affronter afin de déterminer quel camp remportera la victoire. Dans ce tumulte, vous incarnez Cyan, le héros de cette histoire. Il ne le sait pas encore mais il a été désigné Guerrier du Chaos à sa naissance et va devoir malgré lui accomplir sa destinée et tenter de sauver le monde.
Trinity Trigger est un jeu d’action aventure en vue du dessus, tout comme les premiers Zelda, et son gameplay ressemble très fortement à Secret of Mana (version SNES). Vous disposez d’un bouton pour attaquer, d’un autre pour esquiver et le jeu n’est pas avare en tutoriels pour aider à l’utilisation des touches, sans tomber non plus dans l’excès. Avec les touches L et R, vous avez respectivement accès à une roue d’inventaire pour sélectionner vos objets (soins et bonus) et la roue de vos armes. Bien que vous n’ayez accès qu’à une seule arme en commençant l’aventure, vous en débloquerez d’autres qui viendront enrichir vos panels de possibilités. L’obtention de ces armes se fera via une créature magique appelée Trigger. Les Triggers ont la faculté de se transformer en arme et ils pourront changer d’apparence grâce à des autels situés au fin fond de donjons. Vous formerez assez rapidement une équipe complète de trois personnages dont vous pourrez changer le meneur grâce à ZL et ZR.
Par monts et par vaux
Le jeu est composé de plusieurs régions, chaque région étant influencée par l’Arma s’étant écrasée sur Trinitia. Dans votre quête, vous devrez visiter toutes les Arma pour obtenir les armes associées et renforcer la puissance de vos Triggers. Au départ, chaque Trigger aura un set d’armes distinct des autres Triggers mais vous pourrez par la suite compléter votre panoplie pour débloquer l’ensemble des armes sur tous vos Triggers. Mais pour obtenir tout cela, vous allez devoir combattre. Les combats se déroulent directement sur la carte, sans création d’instance. Vous aurez principalement à marteler la touche d’attaque en vous dirigeant vers vos ennemis et de temps à autre à esquiver les attaques frontales ou les zones au sol qui s’afficheront en surbrillance. Chaque ennemi dispose de faiblesses et de résistances face à des armes prédéfinies. Une attaque efficace affichera des dégâts en rouge tandis qu’une attaque inefficace affichera des dégâts en bleu ou en gris si l’ennemi y est immunisé. Toutefois, maltraiter votre manette ne sera pas efficace bien longtemps car votre personnage dispose d’une jauge d’endurance. Chaque coup porté viendra entamer cette jauge et une fois celle-ci vidée, tous vos coups infligeront des dégâts drastiquement réduits. Il vous faudra alors faire une pause le temps que cette jauge remonte avant de repartir à l’assaut. Heureusement, le temps d’attente n’est pas très long mais cela se révèle assez frustrant lorsque vous faites face à de nombreux ennemis ou quand vous voulez achever un adversaire sur lequel il ne reste plus beaucoup de points de vie (ce qui arrive très fréquemment). Réaliser une esquive parfaite vous permet également de restaurer cette jauge mais cela n’est pas toujours réalisable facilement. La progression dans le jeu permettra d’améliorer légèrement cet aspect mais ne le rendra pas parfait pour autant.
A la fin de la majorité des donjons, vous serez confronté à un boss. Ces boss disposent de deux barres de vie, la première étant une jauge d’étourdissement que vous devez réduire à 0 avant de pouvoir entamer les vrais points de vie du boss. Une fois étourdi, le boss reste dans cet état un court laps de temps avant de recharger entièrement la première barre. Il faudra profiter de cette ouverture pour infliger le plus de dégâts possibles. Chaque boss est plus sensible à des armes en particulier, que vous devez découvrir en attaquant. Quand une faiblesse est trouvée, le pictogramme de l’arme en question est affiché sous ses barres de vie et vous saurez qu’il faudra privilégier celles-ci pour faire descendre plus vite ses points de vie. En parallèle, dans certaines cartes de chaque région, vous pourrez tomber sur un panneau indiquant un danger proche. Cela indique qu’un monstre sauvage puissant est à proximité et qu’il vous attaquera si vous entrez dans son territoire. Ces monstres sont équivalents aux boss de donjon (et parfois un peu plus forts) et nécessitent d’avoir une équipe bien préparée pour les affronter.
Pour vous aider en combat, chaque arme dispose de deux effets actifs, le premier est représenté par une jauge à côté de l’icône de votre personnage. Cette jauge augmente lorsque vous frappez vos ennemis et lorsque qu’elle est pleine, vous pouvez utiliser le pouvoir de l’arme grâce au bouton Y. En fonction de l’arme et du personnage, les effets seront différents. Par exemple, augmenter les chances de coups critiques, récupérer des points de vie en continu sur une courte durée, réduire les dégâts subis, etc… Le second effet n’est pas montré sur l’interface mais sur l’arme de vos personnages. Après un certain temps (que vous combattiez ou non), l’arme de vos personnages va se mettre à briller. Cela vous indique que vous pouvez utiliser le second effet en appuyant sur le bouton X, qui est généralement une attaque infligeant un nombre conséquent de dégâts aux adversaires. Idem ici, les effets et animations varient et une même arme n’infligera pas ses dégâts de la même façon, en fonction du personnage qui l’utilise. Une dernière jauge de transcendance se remplit lorsque le groupe effectue des attaques. Lorsque celle-ci est pleine, vous pouvez activer une attaque ultime qui combine les trois Triggers de l’équipe en restant appuyé sur le bouton A quelques instants.
Tout un arsenal d’armes
Un autre aspect du jeu qui le rend très intéressant mais aussi complexe, la gestion des Triggers. Chaque arme débloquée par un Trigger possède six attaques différentes. En fonction de votre style de jeu ou des effets des attaques, vous aurez la possibilité d’en choisir trois parmi les six (interchangeable à tout moment). Chaque attaque correspond à un coup du combo de l’arme. Toutes les armes ont un unique combo de trois coups et vous devez choisir pour le premier coup du combo si vous prenez l’attaque 1 ou l’attaque 2, pour le second coup, si vous prenez l’attaque 3 ou l’attaque 4 et idem pour le dernier coup, entre la 5 et la 6. Une fois que vous avez défini votre préférence sur une arme, l’objectif est de renforcer la puissance des attaques que vous avez sélectionné. En affrontant des ennemis, vous gagnerez de points de technique qui vous permettront d’améliorer les attaques de vos armes. Les points ainsi dépensés ne s’appliquent qu’à une seule attaque sur une seule arme. Il vous faudra alors affronter beaucoup d’ennemis si vous souhaitez améliorer toutes vos attaques au maximum. Le gain de ces points est également propre à chaque personnage. Un personnage absent ou KO lors d’un combat ne gagnera pas de points techniques.
En parallèle de leurs coups et effets, chacune de vos armes aura la possibilité d’être renforcée via des gemmes. Il existe des gemmes pour l’attaque et des gemmes pour la défense. Les gemmes d’attaque viendront augmenter les dégâts, restaurer la jauge d’endurance sous condition ou remonter les points de vie du personnage pour ne citer que ceux-là. Les gemmes de défense quant à elles viennent augmenter la santé maximale, augmenter la défense, augmenter les chances d’obtenir du butin ou de l’argent ou encore réduire les chances de subir des malus (poison, silence, étourdissement, etc…). La particularité de cette mécanique est que vous ne bénéficierez que des effets des gemmes de l’arme équipée. Si par exemple vous avez une augmentation de dégâts, de santé et de défense sur une arme mais que vous décidez de changer en combat pour une autre, vous perdrez ces effets là et ils seront remplacés par ceux de la seconde arme. Il convient alors de bien gérer vos gemmes et la répartition de vos points techniques pour ne pas vous retrouver avec une arme inutile et mal optimisée alors que la situation l’exige.
Pourriez-vous me passer le sel ?
Concernant les graphismes ou la musique, il n’y a pas grand chose à relever car il est difficile de les comparer à d’autres jeux de ce genre. L’ensemble est relativement correct, rien qui ne vous arrache l’ouïe ou la vue mais rien de bien marquant non plus. Les régions et leurs décors sont plutôt sympathiques et ont leurs thèmes bien marqués. Cependant, les donjons sont tous visuellement identiques avec un changement de tons et de couleurs pour dire “Regardez ! Ce n’est pas le même !” A côté, le chara-design des personnages est atypique mais pas choquant. Toutefois, on ne peut pas en dire pareil de leurs personnalités qui tombent clairement dans les clichés et stéréotypes déjà archi-connus. Le scénario bien que sympathique en devient très vite limpide et le dénouement ne sera plus vraiment une surprise.
On pourrait s’arrêter là et se dire que Trinity Trigger n’est pas si mal. Des mécaniques connues et déjà bien exploitées mais revisitées avec un peu d’exploration ainsi qu’un soupçon de nostalgie redécoré par de petites touches de nouveautés par rapport à ce qui se faisait à l’époque. Malheureusement, le tableau est beau tant qu’on ne parle pas de l’IA. A part si vous comptez jouer à ce jeu avec deux autres amis, vous serez majoritairement seuls pour parcourir l’univers proposé par le jeu. Et lorsque vous êtes seul, l’IA s’occupe du contrôle des deux autres personnages de l’équipe.
Le premier point handicapant est que l’IA ne sait pas utiliser les armes à distance. Dans la majorité des cas, vous verrez l’IA partir presque au corps à corps avec son arme à distance pour infliger des dégâts. A côté de ça, l’IA esquive quasiment la majorité des attaques de vos ennemis à l’exception d’une attaque très particulière, ce qui mène au deuxième point handicapant : les zones persistantes. Certains ennemis vont cibler une zone au sol qu’il faudra esquiver mais qui va laisser une flaque de poison ou de dégâts continus. L’IA va bien éviter la première occurrence mais ne pas tenir compte qu’il ne faut pas aller dans ce qu’il reste au sol. Si le monstre ou le boss en question est situé à côté, votre IA ira bêtement subir des dégâts (pouvant entraîner la mort du personnage) en cherchant à attaquer ou à rejoindre l’adversaire, sans chercher à contourner ou éviter ces zones. Vous en voulez un autre ? Troisième point handicapant, lors de certains combats de boss, vous devrez exploiter leur vulnérabilité face à une arme (avec tous vos personnages de préférence lorsque c’est possible). Eh bien vous n’avez pas la possibilité de faire changer les armes équipées par vos alliés (même en passant via le menu). Vous devez obligatoirement en prendre le contrôle (via ZL et ZR) afin d’activer la roue des armes pour la changer et rebasculer sur votre personnage principal. Sauf que pendant ce temps, l’IA contrôle l’autre personnage sur lequel vous n’avez plus la main. Que fait-il ? Il est parti taper le boss en mode IA et vous aurez parfois la surprise en reprenant le contrôle qu’il est allé se prendre des dégâts inutiles ou qu’il s’est positionné au milieu d’une attaque adverse qu’il va être difficile d’esquiver. Allez, continuons notre lancée avec un quatrième point handicapant. Si vous n’attaquez pas d’ennemis alors qu’ils sont à proximité, l’IA n’attaquera pas non plus et va se laisser frapper si un monstre l’attaque sans que vous réagissiez. A l’inverse, quand vous frappez un ennemi, l’IA va parfois se mettre à vouloir tabasser tout ce qui se trouve dans son champ de vision sans aucune possibilité de rappeler vos alliés pour arrêter le combat ou les recentrer près de votre personnage actif, ni de les forcer à se concentrer sur le même ennemi que vous. Dans les gros regroupements d’ennemis ou face à certains boss, ça devient très vite frustrant. Et en bonus pour finir cette liste, l’IA n’utilise jamais les capacités des armes (avec Y ou X), même lorsque vous les déclenchez avec votre personnage, il n’y a pas de synchronisation là-dessus ce qui est fort dommage.
Mais le problème ne s’arrête pas qu’à l’IA. En prenant vraiment notre temps avec quelques quêtes annexes et la volonté de récupérer toutes les armes pour tous les personnages, nous avons terminé le jeu (c’est-à-dire crédit de fin plus l’apparition de l’image finale et du mot “Fin”) en un peu moins de 15h. En sachant que vous ne débloquez aucun New Game + et que le jeu vous fait sauvegarder à la toute fin pour continuer après votre victoire, mais aucun message après, aucune quête supplémentaire, rien. Et il n’est pas question de vous faire revenir juste avant le boss de fin pour vous améliorer et l’humilier encore plus fort, non ! Il n’est plus là non plus. Donc hormis pour finir vos éventuelles quêtes annexes non terminées et anéantir les monstres puissants, il n’y a aucun intérêt à retourner dans le jeu après l’avoir fini.
A côté de ça, la majorité des quêtes annexes vous font faire des allées et venues en mode fedex et récupérer des objets qui ne sont visibles sur la carte qu’une fois la quête activée. Les explorations des donjons sont très similaires les unes des autres hormis les monstres et les décors, seules les énigmes varient mais rien de vraiment transcendant ni révolutionnaire. Un autre point qui me perturbe personnellement mais l’autel du feu est bleu et l’autel de l’eau est rouge. Pourtant, celui de la foudre est bien jaune donc hormis un problème de traduction, la cohérence est très étrange car rien ne le justifie ou l’explique. Et en parlant de traduction, ne comptez pas sur une version française, le jeu est uniquement en japonais ou en anglais. Ajoutez à ça quatre petites cinématiques d’une vingtaine de secondes, deux au début et deux à la fin, qui elles-mêmes n’ont pas été sous-titrées. Reprenez tous les points cités ci-dessus et maintenant, ajoutez-y que le jeu coûte 50€. Pour 15 heures de jeu. Voilà voilà.
Conclusion
Trinity Trigger propose de nombreuses idées, avec un rappel nostalgique du gameplay d'antan remis un peu au goût du jour. Toutefois, le goût du jour ici n'a que peu de saveur car ces idées souffrent exactement des mêmes défauts qu'on pouvait retrouver à l'époque. Avec un dénouement prévisible, une durée de vie très courte, des personnages lisses et stéréotypés, des donjons qui se ressemblent et une IA capricieuse, il est très difficile de faire des éloges de ce titre qui se vend 50€ et non traduit en français. Sans tenir compte du prix, il s'agit d'un retour nostalgique et chaleureux dans les années 90 pour ceux qui ont pu découvrir les jeux d'action aventure et les RPG à cette époque. Mais des remake moins assumés font mieux que Trinity Trigger qui n'invente rien, tout semble recyclé d'autres jeux et il tire beaucoup trop sur la corde de la nostalgie plutôt que de proposer un vrai jeu à l'ambiance rétro comme l'ont fait Octopath Traveler ou Triangle Strategy. A la place, vous avez votre boisson préférée dans une Eco Cup en carton recyclé, dans laquelle votre paille s'est déjà à moitié désagrégée, laissant un goût très désagréable en bouche et à votre portefeuille.
LES PLUS
- Un rappel nostalgique sympathique de Secret of Mana
- Des combats dynamiques malgré la jauge d’endurance capricieuse parfois
- Les mécaniques de faiblesses/résistances sur les armes intéressantes
- Des boss optionnels qui donnent un peu de challenge
- La personnalisation des armes de chaque Trigger (combos et gemmes)
- Les mêmes armes n’ont pas les mêmes effets en fonction du personnage
LES MOINS
- Pas de traduction française
- Une durée de vie très courte pour le prix
- Une IA aux fraises et vraiment pas pratique
- Le changement d’arme des alliés est mal pensé
- Des donjons qui se ressemblent
- Les quêtes annexes en mode fedex
- Un scénario prévisible