Interview de Jonathan Marole, développeur du jeu Classic Racers Elite qui sort le 29 juin 2023 sur Nintendo Switch via l’eShop.
Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Jonathan, je suis le seul salarié du studio Vision Réelle, qui a développé le jeu Classic Racers Elite. Je suis passionné de voitures (pour l’anecdote, j’ai passé mon enfance au bord du circuit Paul Ricard, mon grand-père m’emmenait au bord de la piste et j’étais collé au grillage pour voir passer les voitures.) à la base, je voulais être designer auto, j’avais fait les études pour, mais je n’y suis pas allé, et à la fin des années 90, par frustration, j’ai modélisé des autos que je dessinais. Mon truc à la base c’est l’auto et comme tous les gamins de mon époque, j’aimais aussi les jeux vidéo. Donc j’essaie toujours de faire le jeu auquel j’aurais aimé jouer. Comme j’ai beaucoup roulé, j’ai ce sens de l’abstraction, je sais ce qu’il faut faire et ne pas faire pour que ce soit intéressant et rigolo, et j’arrive à donner différents goûts à mes simulations selon les types de voitures.
Quel a été votre parcours ?
J’ai fait les arts appliqués, mais c’est un monde qui m’a déplu, je suis un artiste qui n’aime pas les artistes, je les trouve trop fous, trop prétentieux (même si je le suis un peu aussi…) puis réorientation en BTS informatique en 2000, j’ai travaillé chez Office Dépôt, années ou j’ai dessiné et fait de la 3D, et j’ai rencontré des gens de chez Atari Infogrames dans des clubs de voitures qui sont devenus de très bons amis. Je suis alors monté à Lyon pour travailler chez Infogrames qui était déjà Atari à la fin du premier Test Drive Unlimited sorti sur PS2, Xbox…
Ce jeu a été un succès d’estime, car il reprenait une vieille licence et surtout parce qu’il a lancé un nouveau genre, celui des mondes ouverts dans les jeux de courses. À ce moment-là, tout a explosé en interne chez Infogrames et ceux qui sont partis ont créé le studio Ivory Tower et le jeu The Crew.
Je me suis retrouvé seul chez Eden Games pour faire Test Drive Unlimited 2 avec une toute petite équipe. À la fin du développement du jeu, le studio a fermé et j’ai monté ma propre structure. J’ai monté mon propre studio Vision Réelle pour faire de la visualisation immobilière en 2013, mais j’étais beaucoup trop en avance en travaillant sur Oculus Rift, et donc je continuais à faire des graphismes voitures en tant que prestataire à la demande. J’ai appris la programmation tout seul, j’aime apprendre par moi-même, je bidouille, je développe sur Unity.
Qu’avez-vous fait en termes de jeux vidéo avant Classic Racers Elite ?
Je suis depuis très longtemps dans le jeu vidéo, mais ce jeu Classic Racers Elite est le premier qui sort sous mon nom. Je l’ai développé tout seul de A à Z. Mon premier jeu a été un jeu iPhone / Android, appelé Baguette Fromage et Pistons (qui n’existe plus) qui est devenu, en 2019, Classic Racers sur Steam. La visibilité étant compliquée sur Steam, je l’ai mis gratuit pour que les gens me fassent la promo.
Le jeu Classic Racers Elite a été développé sur Nintendo Switch en 2019, mais il n’est pas sorti tout de suite. J’ai eu à faire à un publisher indélicat, mais grâce à mon nom dans ce petit milieu, j’ai pu m’en dépêtrer, et le projet a pris du retard pendant ces trois ans, finalement, je me suis associé avec un studio parisien qui s’est occupé du portage PS4 et PS5 et pour la distribution, je travaille avec Funbox Media qui fait du super boulot.
J’ai travaillé sur Test Drive Unlimited 2, sur la série des Gear Club, sur the Crew pour Ubisoft, the Smurfs Kart (en interne chez Eden Games), je vends la prestation auto aux autres studios avec mon studio Vision Réelle. J’aime le Simcade, le mélange simulation arcade.
Pour le jeu Classic Racers Elite, pourquoi avoir choisi les courses de côte ?
Quand vous êtes tout seul et que vous voulez faire quelque chose de différent, il faut trouver la formule qui a le plus de goût possible. Donc quelque chose qui permet de se débrouiller tout seul, donc on écarte les questions d’adversaires et d’IA, il reste le rallye ou les disciplines où l’on est seul, et finalement la course de côte est devenue une évidence, et en plus, j’adore la vieille auto. Tous les tracés sont réels et ils ont tous été pris sur Google Maps et Google Earth. Pour le circuit de Monaco, je me suis aidé d’une vidéo YouTube. J’arrive à traduire un référentiel réel dans un jeu vidéo sans trop de problèmes. Mon métier, c’est vendre l’émotion et la traduction de la sensation, mais aussi l’image de la voiture et le son.
Comment amener la vitesse dans un environnement ? En utilisant le référentiel à la route, l’environnement est très proche de vous et ça donne l’impression de vitesse, les routes sont étroites et cela apporte cet effet de vitesse. Si l’on n’y arrive pas, la facilité serait d’élargir la route, mais au final cela va affaiblir le jeu.
L’apprentissage sur ce genre de jeu est possible si la course dure une minute à une minute et demie et là, on peut apprendre par cœur.
J’aime les jeux de course, j’adore Gran Turismo 3, mais paradoxalement, ce n’est vraiment pas le genre de jeu que je veux faire avec son aspect collectionnite.
Pourquoi ne pas avoir implanté de chronos intermédiaires comme dans les jeux de rallye pour savoir sur quelle portion on peut s’améliorer ?
Là encore, le souci vient d’une contrainte technique, si je fais ça, je ne dois plus enregistrer un seul temps, mais quatre, et comme je suis tout seul, je n’ai ni le temps, ni l’argent pour le faire. Je préfère rester humble, je ne suis pas un codeur réseau, mais dans Classic Racers Elite, tout le monde peut comparer ses chronos à ceux de joueurs du monde entier et c’est déjà pas mal.
Dans le même ordre d’idées, il y a une seule chose que je n’ai pas pu faire sur le jeu, je n’ai pas eu le temps de créer les animations dans les tribunes, j’ai donc récupéré des assets sur le magasin de développeur Unity.
J’ai aussi fait tout seul les trois musiques du jeu. Cependant, j’ai manqué de temps pour peaufiner ça et comme dans tous les jeux de voiture, on coupe la musique en commençant, je me suis contenté de ce que j’avais fait. Pour le son des voitures, je fais du montage audio à partir de vidéos YouTube, c’est la partie qui mériterait d’être le plus travaillée.
Avez-vous des attentes en termes de vente pour ce jeu ?
Non, je n’en ai aucune, je peux vivre sans ça, car je vends mes compétences à des gens qui font des jeux pour qu’ils soient bien vendus. Quand je le fais pour moi, le nombre de ventes n’est pas mon objectif. Je ne dis pas que je ne vais pas évoluer, ce n’est pas innocent, ce n’est pas un one shot, mon projet futur, c’est de continuer à faire des jeux de voitures comme je l’entends, mais plus gros et avec plus de moyens et ça a commencé et ça sortira sur Nintendo Switch !
C’est en cours de production avec le studio Zero Games Studio avec Pierre-Luc Vettier. C’est un jeu plus sérieux, mais l’état des lieux est compliqué aujourd’hui : à l’époque, on avait des jeux qui mimaient la réalité, mais qui étaient drôles, on était dans un jeu, c’étaient les Need for Speed, les Gran Turismo, et maintenant tout s’est complètement coupé en deux. Il y a d’un côté ceux qui disent : viens dans le monde du simracing te confronter à une réalité austère et dure, et de l’autre côté, on a des jeux où l’on fait n’importe quoi dans des mondes bac à sable et au final au milieu, il n’y a plus personne. Il n’y a plus celui qui te dit vient, on fait un jeu de voitures qui propose du fun et reste quand même sérieux.
On va proposer un jeu qui dit, on va sur la piste, on va faire du sport auto, mais on y va pour s’amuser. Le simcade dans toute sa splendeur. On a des contacts dans le sport auto qui nous permettent d’avoir des facilités dans ce monde-là et d’essayer de les retranscrire au mieux.
En ce qui concerne Classic Racers Elite, si le jeu marche et qu’un éditeur nous demande un épisode 2, je fonce avec plus de moyens, donc plus de voitures, de vraies licences, de vraies courses de côte.
Le jeu sort sur Nintendo Switch fin juin, mais il sort aussi sur les consoles Playstation 4 et 5, pas trop inquiet de s’adresser à des publics très différents ?
J’appréhende un peu le retour des joueurs sur Playstation qui ne vont pas comprendre le concept du jeu. Sur console portable, le jeu fonctionne très bien, mais les attentes des joueurs de consoles de salon ne sont pas les mêmes. Le niveau d’attente n’est vraiment pas le même sur les différentes consoles, même si les retours sur YouTube sont excellents, notamment des joueurs espagnols et brésiliens étonnamment.
Avant de partir, Jonathan m’a permis de tester son nouveau projet, un jeu de course évidemment, et j’ai hâte de pouvoir y jouer et le tester sur Nintendo Switch en 2024 !