Previously on Cloud Gaming, après nous avoir nettement refroidis avec des versions très décevantes, et c’est peu dire, de A Plague Tale : Requiem et de Edge of Eternity notamment, le Cloud Gaming sur nos Nintendo Switch avait su redorer son blason grâce à Capcom et ses remasters des Resident Evil qui, pour le coup, étaient sublimes et parfaitement jouables via le nuage magique. D’où notre question, faut-il être un gros studio pour pouvoir mettre des moyens sur les solutions Cloud délivrées par la société Ubitus ? Eh bien il semble que la réponse soit oui et ce n’est malheureusement pas ce test de The Medium qui va venir changer notre avis sur ce sujet.
Le Cloud du trop peu de moyens
Contrairement à nos tests plus classiques, commençons celui-ci en évoquant la partie technique. Sorti en temps qu’exclusivité temporaire de six mois sur Xbox Séries avant de rejoindre les rangs de la PlayStation 5, c’est forcément à une claque graphique auquel nous nous attendons. Et malheureusement pour nous, le principe même du jeu des développeurs de la Bloober Team empêche tout effet wahoo. Reprenant le système de plan fixe des jeux d’horreurs des premiers temps tels Silent Hill, notre héroïne navigue dans des décors via une caméra précalculée et des chemins balisés.
L’impression de ne pas être gourmand en ressource est omniprésente pour le joueur que nous sommes. Alors quand en plus les effets de lumières semblent réduits à leur minimum tout comme les effets de particules, il ne nous reste plus grand-chose pour justifier un passage via le cloud tant l’impression de nous déplacer dans des plans fixes est grande. Cette impression est fausse, car c’est bien dans des décors en 3D que nous nous déplaçons, mais entre ces lieux fermés et cette caméra automatique, c’est bien le choix même des développeurs en termes de ressources qui interroge.
Alors si les responsabilités semblent partager entre Ubitus et la Bloober Team sur l’aspect graphique, l’ajout de lags réguliers, et cela malgré une bonne connexion fibrée et une Switch sur un dock avec prise RJ45, vient encore plus doucher notre enthousiasme et semble confirmer notre thèse sur l’adéquation entre les moyens du studio et la version que nous récupérons sur nos consoles hybrides. Ajoutons à cela un tarif de base de 50 € et il n’en faut pas davantage pour être plus que dubitatifs face à ce The Medium qui va devoir se montrer plus qu’accrocheur dans sa narration et son gameplay pour justifier notre achat.
So long Marianne
Tout commence pour nous à Cracovie, en compagnie de Marianne, une jeune fille élevée par un père adoptif thanatopracteur… un croque-mort quoi. Nous apprenons bien vite qu’il fût le seul à accepter sa fille adoptive telle qu’elle était, une demoiselle au pouvoir psychique capable, entre autres, de communiquer avec l’esprit des morts. Mais quand c’est à la mort de celui qui l’a aimé et aidé à grandir qu’elle doit faire face, même la capacité de mener les défunts jusqu’au repos éternel ne supprime en rien la peine.
C’est en plein milieu de ce drame que vit Marianne qu’un appel téléphonique va changer sa vie. Un homme prétend pouvoir faire la lumière sur son passé et lui expliquer d’où lui viennent ses pouvoirs. Mais pour lever le voile sur son histoire, elle devra se rendre au complexe hôtelier de Niwa et lui venir en aide. Nous voilà alors partis dans ce qui fut un camp de vacances de l’ex-URSS et qui n’est plus qu’une ruine abandonnée qu’il va nous falloir explorer. Nous y rencontrerons et affronterons des personnages personnalisant des émotions négatives telles la tristesse ou la colère.
Cette entrée en matière est suffisamment énigmatique pour nous faire plonger directement dans cette histoire prenante qui n’évite malheureusement pas les longueurs et qui ne décolle qu’à partir de la seconde moitié de l’histoire. Une fois lancée, notre plongée dans l’horreur et le malsain s’accélère jusqu’à la conclusion de ce récit qui sait alors nous apporter son lot de révélation. La mise en scène via la caméra préprogrammée est efficace et nous sentons toute la maîtrise et l’expérience de la Bloober Team. Notre vision limitée par cette volonté augmente la tension que nous ressentons, mais ce n’est pas la seule raison.
Na zdrovie, camarade
En effet, pour entrer en contact avec les esprits, Marianne passe du plan matériel au plan spirituel. Elle est alors à cheval entre ces deux plans, ce qui se traduit à l’écran par un partage entre ces deux mondes. Nous contrôlons alors ces deux incarnations de notre héroïne en même temps et chacune de ces actions a lieu simultanément dans les deux mondes. Une discussion dans le monde des esprits si elle semble naturelle dans celui-ci nous offre alors une Marianne gesticulante seule dans le monde matériel. L’effet produit est vraiment intéressant.
Les énigmes qui nous sont offertes jouent bien évidemment avec ce pouvoir de Marianne. Sans révolutionner le genre, elles sont toutefois sympathiques sans être jamais très difficiles à résoudre. Nous allons aussi pouvoir nous immerger entièrement dans le monde des esprits. Notre temps disponible est alors très limité et il va falloir comprendre rapidement quelles actions il nous faut mener avant de regagner notre corps. Marianne peut aussi utiliser ses perceptions pour faire apparaître les traces d’objets qui lui seront essentiels pour sa progression. Le tout est plutôt prenant et l’apparition d’une Némésis à la Silent Hill vient parachever l’ensemble pour nous offrir une expérience horrifique maîtrisée, mais qui ne révolutionne jamais le genre et se termine en une petite dizaine d’heures de jeu sans rien offrir en termes de rejouabilité.
Terminons avec ce qui restera comme la plus grande force du titre de la Bloober Team : son esthétique générale. En nous proposant deux visions parallèles d’un même monde, nous alternons entre le brutalisme architectural russe du monde matériel, faisant la part belle au béton, et les peintures surréalistes du polonais Zdzisław Beksiński pour le monde des esprits. Nous passons alors dans un monde aux colorations bien plus sanguines et chaudes. L’alternance entre ces deux visions renouvelle constamment notre approche des lieux.
Enfin les compositions collaboratives d’Arkadiusz Reikowski, déjà à la manœuvre sur les titres du studio polonais, et d’Akira Yamaoka, connu pour son travail, notamment, sur la série des Silent Hill, nous offrent des titres qui collent toujours parfaitement à l’ambiance des lieux que nous parcourons. Nous passons alors de titres calmes et tristes joués au piano ou au synthétiseur jusqu’à des pistes électroniques bien plus angoissantes. Le talent des deux compositeurs est toujours au service de la narration et certains titres bénéficient même de textes parfaitement interprétés.
Conclusion
Tenant plus du jeu d’aventure que du Survival, The Medium propose une expérience prenante bien que trop courte et qui peine à démarrer. Sa narration est toutefois solide et ses choix graphiques sont parfaitement maîtrisés et adaptés à notre expérience. Sa bande-son, composée par Arkadiusz Reikowski et Akira Yamaoka, est un modèle du genre qui vient toujours souligner les sentiments véhiculés. Malheureusement, le trop grand classicisme des énigmes ainsi que cette version Cloud laissent un sentiment bien trop mitigé. Loin d’être une claque technique de base, nous nous retrouvons avec un titre dont le cloud semble inutile et dont les lags réguliers sont pénibles. Avec en plus un prix fort de 50 € et une faible durée de vie, il est difficile d’être enthousiastes devant cette version du titre de la Bloober Team.
LES PLUS
- Les graphismes sont vraiment détaillés…
- Il y a de l’ADN de Silent Hill dans ce The Medium
- Les deux directions artistiques : réelle et imaginaire, se complètent parfaitement
- La bande-son souligne toujours ce qui se passe à l’écran
- La narration est maîtrisée et l’histoire sait se montrer touchante
LES MOINS
- … mais la caméra précalculée donne l’impression de ne pas avoir besoin du cloud
- aucun effet de lumière et/ou de particules dans cette version cloud
- Les déplacements de Marianne sont vraiment rigides
- Les énigmes sont bien trop classiques et faciles
- La durée de vie est assez courte et la rejouabilité est inexistante
- Les lags réguliers sont pénibles