Est-ce que l’interactivité fait le jeu vidéo ? Vous avez quatre heures pour répondre. Plus sérieusement, à l’heure où l’industrie vidéoludique est devenue l’art le plus lucratif, nous voyons beaucoup de jeux qui nous interrogent sur la définition même de jeu vidéo, surtout dans les visual novels. Alors que les jeux de DON’T NOD (Life is Strange, Harmony: The Fall of Reverie) propose en plus de la narration une vraie expérience utilisateur, d’autres sont juste des romans avec quelques images. The Sin fait partie de cette deuxième catégorie. Développé par Baba Nura et porté par Valkyrie Initiative, le jeu est sorti le 09 août 2023 sur l’eShop de la Nintendo Switch au prix de six euros.
Avant de commencer le test, nous tenons à préciser que le jeu ne propose aucune traduction française. Un niveau bon en anglais (la traduction est défectueuse) ou en russe est nécessaire pour jouer à The Sin.
Un visual novel avec une très mauvaise traduction anglaise
The Sin est un visual novel qui nous met à la place d’une famille slave qui vient voir leur grand-mère sur son lit de mort. Cependant, dès leur arrivée dans ce petit village de l’ancienne URSS, les avertissements sont de mises : leur grand-mère ne serait pas une femme, mais une sorcière. Il ne faudrait en aucun cas ouvrir les fenêtres ou la toucher.
La famille est perplexe face à toutes ces superstitions. Ils viennent de la ville et voient en ces recommandations des peurs dépassées, en inadéquation avec le monde d’aujourd’hui. Ils veillent cependant à respecter les consignes.
The Sin est un visual novel avec zéro interactivité et très peu d’images. Vous aurez à lire, lire, et encore lire pendant parfois plus de cinq minutes avant d’avoir une nouvelle image.
Le gros problème avec The Sin, c’est que sa traduction anglaise est bancale, pour ne pas dire médiocre. Le personnage principal est parfois appelé « Roma », parfois « Romka », nous passons d’une narration de la première à la troisième personne au milieu d’une seule phrase, et certains passages sont juste incompréhensibles / pas très bien écrits.
À partir de là, il est compliqué de suivre le récit ou de s’attacher aux personnages, surtout dans un visual novel où la lecture est la seule chose à faire. Si nous essayons de faire fi de tous ces obstacles, l’histoire est très sombre, peut-être trop sombre pour réussir à nous captiver.
Il y a de l’étrange, du mystérieux, du surnaturel… mais à force d’ajouter du mystérieux sur du mystérieux avec un nappage de mystère, nous finissons par faire une overdose. Les histoires et les récits se superposent et malheureusement, les éléments narratifs déployés sont trop grossiers pour nous tenir en haleine.
Il nous a fallu dix minutes pour deviner la fin. Dans le monde mystérieux de The Sin, les nœuds dramatiques sont trop clairs, trop faciles pour faire douter le lecteur. Dès que nous voyons un nouveau personnage, nous comprenons rapidement sa fonction, et surtout le rôle qu’il va avoir dans l’histoire.
Avec aucune interactivité et très peu de dessins
Le rythme du récit est très lent, mais là, il nous est vraiment impossible de savoir si c’est la faute à la traduction ou au texte lui même. Le manque d’interactivité, et surtout, le manque d’images est assez gênant dans un visual novel, même pour les habitués. Nous avons vraiment l’impression d’avoir une nouvelle et non un jeu vidéo avec quelques images pour agrémenter la lecture.
De plus, certaines images reviennent régulièrement. C’est un procédé certes utilisé dans l’animation à cause du nombre de dessins demandés mais qui passe beaucoup moins dans une visual novel avec des images fixes.
En parlant des graphismes, si la direction artistique est intéressante et plaisante, les dessins des personnages masculins sont eux ratés. Quand on nous dit qu’un personnage a douze ans, il a l’air concrètement d’en avoir vingt. Il y a aussi des problèmes de proportions qui nous sortent du récit. Ce manque de précision dans les traits nous perturbe et empêche une bonne compréhension de l’histoire.
Le style noir et blanc est pourtant une des forces du jeu, et son univers post-URSS aurait pu être vraiment passionnant. Après tout, c’est un folklore et des traditions que nous ne connaissons pas et que nous aurions été ravis de découvrir. Peut-être que ce jeu parlera aux russophones connaisseurs, mais il paraît hermétique aux joueurs d’autres cultures.
La bande-son est intéressante au début, elle nous met bien dans l’ambiance et réussit à nous insérer dans le récit. Les pistes sont tantôt stressantes, tantôt énigmatiques. Cependant, le manque de pistes finit par nous lasser et nous sort du récit.
La durée de vie pour le prix est intéressante. Vous avez deux à trois heures de lecture pour six euros. Le jeu est intégralement tactile et se joue agréablement en mode docké ou portable. La version sur PC est à quatre euros si le jeu vous intéresse.
Conclusion
The Sin est un « visual novel » pas très réussi. La traduction anglaise est bancale, l’histoire en elle-même est assez prévisible et lente, il n’y a que très peu d’images et les personnages masculins ne sont pas très bien dessinés. C’est dommage, car le jeu propose une direction artistique intéressante, une bande-son qui intrigue, et traite d’un sujet peu connu dans notre pays.
LES PLUS
- Une direction artistique intéressante
- Une bande-son qui aurait pu être intéressante
- Un sujet que nous ne connaissons pas vraiment
- Une bonne durée de vie pour le prix
LES MOINS
- Aucune traduction française
- Les dessins des personnages masculins un peu ratés
- Une traduction anglaise de mauvaise facture
- Trop d’étrange tue l’étrange
- Une histoire prévisible
- Un jeu qui semble réservé à ceux qui comprennent la culture russe
- Peu de dessins et aucune interactivité
- Les musiques se répètent