Il y a des éditeurs, qui, à force de publier d’excellents jeux indépendants, attirent le coup d’œil à chaque nouvelle sortie. C’est le cas d’Humble Games. Temtem, Slay the Spire, Unpacking, Forager, Void Bastards… La liste des incroyables jeux sortis par cet éditeur est longue, variée, du plateformer au roguelike en passant par le jeu zen, et fait des américains un acteur incontournable de l’industrie vidéoludique. Stray Gods: The Roleplaying Musical est leur nouveau bébé. Et autant le dire, avant même la naissance, l’enfant avait déjà de sacrées références.
Ce visual novel musical est développé par le jeune studio australien Summerfall Studios avec à sa tête le canadien David Gaider, que vous connaissez déjà peut-être pour son travail sur Baldur’s Gate II ou Star Wars: Knights of the Old Republic. Avec un casting XXL (Laura Bailey, Troy Baker, Khary Payton, etc.), et un compositeur de renommée (Austin Wintory), autant vous dire que les attentes sont élevées.
Et cela tombe bien, car disons-le de suite, Stray Gods: The Roleplaying Musical est le jeu narratif de l’année. Disponible depuis le 10 août au prix de trente euros, c’est une aventure avec un A majuscule que nous allons vous présenter.
Un concept génial et parfaitement exécuté
Avant de débuter le test, nous tenons à vous dire que nous avons lu les autres tests des magazines avant d’écrire le nôtre. Et soyons honnête, malgré son sous-titre « Roleplaying Musical » qui peut induire en erreur, ce jeu n’est pas du tout un RPG. Si vous n’êtes pas familiers avec les récits narratifs qui proposent peu ou prou d’interactivité, alors passez votre chemin.
Les autres, venez, nous allons vous parler de l’un des jeux narratifs les plus ambitieux de l’année.
Stray Gods: The Roleplaying Musical nous embarque avec Grace, une musicienne ratée et dépitée à qui rien ne sourit. Le groupe qu’elle a formé avec son amie de toujours et colocataire, Freddie, est assez miteux et ne semble mener à rien…
Pour couronner le tout, alors qu’elle rentre chez elle, Calliope, une fille assez mystérieuse rencontrée quelques heures plus tôt, frappe à sa porte pour mourir dans ses bras. Et là, quelque chose d’étrange se produit : une boule jaune sort du corps de la défunte pour entrer dans celui de Grace.
À peine quelques secondes plus tard, guidée par un certain Hermès, Grace est envoyée dans une réunion de la plus haute importance avec Athéna, Apollon, Aphrodite et Perséphone, des dieux grecs qui, avec les années, se sont fondus dans la masse. Grace est accusée d’avoir tuée Calliope, une muse, afin de récupérer son pouvoir. Après quelques tractations, il est décidé que la jeune femme ait une semaine pour prouver son innocence.
Le concept de Stray Gods: The Roleplaying Musical est accrocheur et vraiment ambitieux. Dans ce jeu aux airs de comédie musicale, Grace est la muse capable d’inspirer les gens. Concrètement, ça veut dire qu’elle peut inciter les personnages à pousser la chansonnette pour exprimer ce qu’ils ont eu sur le cœur. Les conflits sont alors résolus en musique et nous avons la possibilité de faire des choix pendant la chanson pour influencer sur les évènements en cours. La chanson changera donc en fonction de vos choix, qui se feront en temps limité.
Les quinze premières minutes sont dynamiques et le hook nous accroche d’emblée à l’intrigue en cours (c’est un pléonasme de le dire). Nous ressentons de plein fouet cette injustice que subit Grace et nous avons envie de mener l’enquête avec elle. Après tout, Athéna, qui cherche si vertement à nous condamner n’est-elle pas censée être la déesse de la justice ?
Si le concept fonctionne aussi bien, c’est avant tout parce que le jeu est musicalement parfait. Austin Wintory, compositeur déjà multi-primé (Journey, The Banner Saga, Pode, Assassin’s Creed Syndicate, etc.) réussit un tour de force en proposant des chansons qui s’adaptent à nos choix. Nous sommes subjugués par ces musiques variées qui réussissent à nous émouvoir, peu importent les décisions que nous prenons. Les transitions sont très bien amenées et nous n’avons quasiment jamais la sensation de musiques en kit car le tout forme un ensemble étonnamment cohérent.
Chaque chanson apporte quelque chose de narratif et d’émotionnel pour le joueur. Nous ne sommes pas en ce sens dans une comédie musicale « à l’américaine », avec de la danse, des chorégraphies et des chansons qui énoncent des faits que nous connaissons déjà (comme dans Chantons sous la pluie ou Grease). C’est certes joli visuellement, mais les chansons sont vraiment des moments de résolution de conflit qui nous permettent d’être avec les personnages afin de mieux les comprendre.
Un récit prévisible mais excellemment bien écrit et intense en émotions
Stray Gods: The Roleplaying Musical est un jeu narratif excellemment bien écrit. Le « visual novel » présente une galerie de personnages attachants, avec qui nous vivons les évènements. Nous pleurons, nous rions, nous angoissons et le jeu arrive à nous embarquer dans toutes ces émotions avec facilité.
Sans divulgâcher, l’histoire d’Aphrodite est particulièrement chargée en émotion et celle du Minotaure est truculente. Car Stray Gods: The Roleplaying Musical nous prouve que malgré le grand nombre récits sur la mythologie grecque, il y a encore et toujours matière à créer de nouvelles histoires sur ces dieux décadents.
Si le récit est finalement assez classique et même prévisible, ce dernier est savamment orchestré pour maintenir l’attention jusqu’à son dénouement. Le temps limité dans les chansons nous oblige à ne pas trop réfléchir, à être dans le feu de l’action, et ne pas penser aux conséquences de nos actes. Avec ce récit mené à tambour battant, nous n’avons pas le temps de nous questionner sur nos choix et donc de sortir de l’histoire.
Parfois nous pensons entrer dans un ventre mou, nous commençons à nous ennuyer, mais il y a toujours un évènement, un dialogue, une situation qui réussit à nous relancer dans la minute qui suit. Les dialogues excellemment bien écrits aident à maintenir cette tension dramaturgique. Si d’ordinaire sur d’autres visual novels nous avons la fâcheuse habitude de passer quelques dialogues dans les moments un peu lents, nous avons ici tout lu avec un enthousiasme certain.
Un casting 5 étoiles pour un jeu 5 étoiles
Le casting XXL du jeu est aussi une des forces de Stray Gods: The Roleplaying Musical. Avoir autant de grands noms du doublage n’est pas forcément gage de qualité, mais ici, ces comédiens sont parfaitement dirigés et donnent une couleur à chacun des personnages. Ils ne sont certes pas chanteurs professionnels, mais leur performance musicale est de très bonne facture et apporte quelque chose en termes d’acting.
Nous avons beaucoup aimé l’inclusion disponible dans ce jeu, une inclusion qui est faite discrètement et intelligemment.
Forcément, comme pour tout récit, si vous n’accrochez pas dès le début à Stray Gods: The Roleplaying Musical, il y a fort à parier que vous n’arriverez pas à suivre le wagon et vous passerez la majeure partie du temps à démêlez les fils au lieu des les vivre. L’histoire vous paraîtra forcément fade. En revanche, si vous vous laissez embarquer comme nous l’avons été, vous ne le regretterez pas. Nous ne sommes qu’au mois d’août, mais nous pouvons déjà dire que Stray Gods: The Roleplaying Musical est le jeu narratif de l’année.
Malheureusement, pour son prix de trente euros, le jeu a une faible durée de vie. Nous pouvons terminer le jeu en cinq-six heures et ce dernier n’a pas une si grande rejouabilité. Il y a toujours ces chansons que nous pouvons explorer, et donc explorer toutes les résolutions possibles (ainsi que les love interests) du récit, mais globalement, les suspects et le dénouement sera le même. Nous sommes cependant persuadés à titre personnels que nous retournerons sur le jeu dans deux-trois mois pour redécouvrir l’histoire une deuxième fois.
Nous pouvons aussi regretter les différents volumes parfois mal négociés entre la musique et les dialogues (même si c’est ajustable dans les menus) ainsi que des phrases qui ne sont pas encore traduites en français même après le patch day one. Pour les non-anglophones, cela peut être un frein tant que ce problème n’est pas corrigé. D’ailleurs, autre point assez important, mais nous perdons en information et en qualité d’écriture avec la traduction.
Concernant les graphismes, nous avons été perturbés dans un premier temps par les graphismes. Ils avaient l’air flou, et la Nintendo Switch a eu un downgrade assez important par rapport aux autres versions. Ce downgrade est très visible en mode docké, mais sans conséquence pour la version portable qui est d’ailleurs vraiment agréable. C’est le jeu que nous aurions voulu dans le train en partant en vacances.
Les graphismes, sinon, adoptent un style stop motion, avec des personnages qui se déplacent image par image mais pas en temps réel. Nous ne voyons pas les lèvres qui bougent quand les personnages parlent. Les habitués des visual novels ne seront pas dépaysés avec ce style qui pourra en revanche perturber les nouveaux venus. Les décors, les personnages, tout est magnifique dans ce jeu quand nous faisons abstraction du niveau en deçà de la Nintendo Switch par rapport aux autres consoles. Même sans voir les lèvres qui bougent, nous ressentons les émotions avec les personnages.
Conclusion
Nous ne sommes qu’en août, mais Stray Gods: The Roleplaying Musical est déjà le jeu narratif de l’année. Le jeu au casting XXL est excellemment bien écrit et réussit à nous faire passer des larmes aux rires en un claquement de doigt. La musique est excellente, les graphismes magnifiques, la direction d’acteur parfaite, et nous ne pouvons que vous recommander ce jeu. Il est juste dommage que le tarif soit un peu élevé pour la durée de vie, que certaines phrases soient encore en anglais et que la version sur la Nintendo Switch soit moins bonne graphiquement que les autres. Attention aussi aux joueurs qui espèrent tomber sur un RPG ou un jeu avec de l’interactivité, nous sommes là dans un visual novel pur et dur où nous n’avons finalement que peu de liberté sur le déroulement du récit.
LES PLUS
- Un concept génial et maîtrisé de bout en bout
- Quel casting de rêve !
- Une musique géniale
- Les passages avec Aphrodite et le Minotaure dans nos coups de cœur
- Des graphismes de qualité
- Une écriture parfaite, nous avons encore tant à découvrir sur la mythologie grecque
- Un récit qui nous transporte et nous fait passer par toutes les émotions
- Une galerie de personnages très bien écrits
- Une inclusivité placée avec subtilité
- La version portable est parfaite pour ce jeu
LES MOINS
- Un peu cher pour sa durée de vie
- Une histoire brillamment exécutée mais classique et prévisible
- La balance dialogues / musique parfois pas top
- Une traduction moyenne qui n’est parfois pas totalement terminée
- Une impression de flou sur la Nintendo Switch
- Ne plaira pas à tout le monde, notamment ceux qui cherchent de l’interactivité
Austin Wintory à la partition… pour un jeu musical, ça attise ma curiosité. Dans ma wishlist !