Furyu est un studio japonais spécialisé en RPG souvent de concept unique à défaut d’être équilibré et de bonne qualité. Le studio a créé plusieurs nouvelles licences du genre qui se font parfois une belle place dans la ludothèque d’un fan de RPG. En 2018, ils sont derrière la création d’un jeu répondant au nom de Crystar. Si l’œuvre est un one-shot, cela n’empêche pas l’équipe derrière de revenir cette année avec un nouveau jeu portant le même « préfixe », le dénommé Crymachina que nous avons pu parcourir sur Nintendo Switch.
Des larmes étoilées à des machines criant dans l’espace
Nous parlions de Crystar mais pas d’inquiétude nulle besoin d’y jouer pour faire Crymachina. Les jeux n’ont pas forcément plus de lien que ça au-delà de la similitude de leur nom et de leur genre. Ils ont une autre similitude, celle d’avoir un éditeur localisant le jeu en dehors du Japon mais uniquement en anglais. Ainsi, premier bémol de ce Crymachina pour toute personne intéressée française ou non d’ailleurs, si la traduction dans votre langue natale est essentielle à vos yeux alors la traduction uniquement anglaise du jeu sera indubitablement un gros point faible du titre. Sachant que comme Crystar et d’autres récentes œuvres de Furyu, les personnages du jeu parlent beaucoup, même pour rien dire, il vous appartient de juger si le jeu peut être fait selon votre niveau d’anglais ou votre motivation à progresser avec un dictionnaire.
De notre point de vue, Crymachina comme Crystar propose beaucoup de conversations du quotidien entre les personnages. Des conversations assez banales développant les liens et les personnages mais dont la banalité est telle que beaucoup préféreront passer ou lire en diagonale le texte. Sur cette partie, il n’est pas nécessaire d’avoir un niveau bilingue pour faire le jeu. Si vous avez une petite expérience de jeu en anglais, un niveau moyen/conversationnel ou même si vous êtes amateur de série en anglais, le jeu peut se faire. En revanche, la thématique science-fiction, les termes spécifiques du jeu et le lore inspiré de quelques mythologies font que ce n’est pas nécessairement une mauvaise idée d’avoir un traducteur à portée.
Après cette parenthèse sur le problème de localisation du jeu, venons justement plus en détail sur le propos de Crymachina. Commençons rapidement par le concept de Crystar et le récit d’un ancien scénariste du studio de Visual Novel, Key. Un studio japonais de Visual Novel très connu pour ses récits profonds et larmoyants. Les larmes étaient au cœur du récit de Crystar à travers son casting au cœur de divers drames humains justifiant les larmes de ses héroïnes pour les faire évoluer et acquérir la force de faire face aux tragédies qui les ont frappées. Si le “Cry” de Crystar représente les “larmes”, les développeurs confirment que celui de Crymachina représente le “cri”. Nous passons du récit d’une jeune fille cherchant à sauver sa sœur en faisant face à diverses émotions, à un récit de science-fiction dans lequel notre héroïne évolue dans le but d’être reconnue comme humaine.
Sur le calendrier de Crymachina en 2028, une nouvelle maladie nommée “Syndrome Centrifuge” frappe l’humanité. Aucun traitement n’est trouvé et rapidement plus de 20% de la population terrienne est décimée par la maladie. Au début, nous assistons aux derniers instants d’une jeune fille atteinte par le syndrome, haïssant l’humanité et elle-même. L’instant d’après, nous la retrouvons dans un étrange environnement mécanique et futuriste au côté d’une entité aux allures de petite fille nous considérant comme une élue. Après un début de jeu mouvementé, nous fuyons le complexe, faisons la rencontre de nouveaux alliés dans un genre de jardin idyllique. Les explications et les éléments de lore s’enchaînent. Nous sommes littéralement plus d’un bon millier d’années après l’extinction de l’humanité en 2028. Malgré ce que nous pouvons penser, ce n’est pas la maladie qui a décimé notre race mais une énième guerre mondiale.
Avant d’être totalement décimées, des chercheurs ont réussi à envoyer une station spatiale gigantesque et technologiquement très avancée, l’Eden. La station est soutenue par 8 immenses machines et I.A. qualifiées de Deus ex Machina. Ces machines ont une hiérarchie puis chacune a un programme bien précis de recherche et développement à poursuivre afin d’arriver à la reproduction d’un être humain. L’entité qui a recueilli notre jeune héroïne se présente comme étant la 8ème Deus Ex Machina, Enoa. Elle est chargée du développement du psyché, de la mémoire et des sentiments humains en manipulant les Données Personnelles des humains. Des genres de résidus, des sauvegardes de données d’anciens humains ayant véritablement existé. Enoa cultive et manipule ces données dans un espace virtuel favorisant le développement de la psyché humaine, un espace virtuel qui ressemble à un jardin idyllique.
Notre héroïne, considérée comme une élue, se nomme Leben. Contrairement à son apparence très humaine dans le monde virtuel, son corps est en réalité mécanisé. Dans le monde réel, les différentes structures de l’Eden sont arrivées à un point où un corps humain a pu être imité par les travaux de la 7ème Deus Ex Machina, Zoe. Ces corps sont des Chérubins, lorsqu’ils sont associés à des Données Personnelles et qu’ils ont une forte compatibilité ainsi qu’un fort potentiel à devenir humain, ces corps sont appelés des E.V.E. Etrangement, les E.V.E que nous rencontrons ne sont que des jeunes femmes, notamment nos alliées aux débuts du jeu Ami et Mikoto. Les E.V.E. ont le potentiel de devenir humain en accumulant des ExP, prononcé E cross P, et d’insuffler dans leur Donnée Personnelle par Enoa. Pour de mystérieuses raisons, les Deus Ex Machina semblent être entrées en conflit entre elles et Enoa concentre ses efforts pour faire de Ami, Mikoto et Leben des êtres humains qui pourraient reprendre l’administration de l’Eden.
Un conflit qui se développe à travers un récit possédant moins de longueur que Crystar et une formule plus convenable pour le genre. Une écriture et un développement du quatuor clé de l’histoire rivalisant avec celui de Crystar avec des développements et des rebondissements plus ou moins convenus comme d’habitude dans le genre. De plus, l’absence d’un genre de loop scénaristique est une des raisons de cette impression de longueur inutile en moins dans le rythme du jeu et de sa fin plus précipitée. En soi, l’écriture est potentiellement moins chargée en émotion que Crystar mais cela dépendra surtout des sensibilités de chacun. Nous avions tout de même l’impression d’un côté plus nunuche et naïf du casting avec moins de dramaturgie que Crystar. Crymachina tiendra tout de même son public sur une solide vingtaine d’heures de jeu voire plus pour ceux qui chercheront à tout compléter. La progression est mieux ainsi sans pour autant dire que tout est parfait.
Des machines bavardes et des missions courtes
D’ailleurs commençons par parler de progression en comparant encore avec Crystar. Le scénario de Crystar se développe à travers des cinématiques, quelques scènes coupant notre progression dans les missions du jeu et quelques discussions entre personnages en dehors des dites missions. Sur ce plan, Crymachina reprend le même format, la différence venant surtout de l’introduction du “Tea Time”, une catégorie du HUB dans laquelle les discussions apparaissent au fur et à mesure de notre avancement dans le jeu. Les discussions sont toujours présentées de la même façon, nos différentes héroïnes se parlent autour d’un thé dans le jardin idyllique. Il y a des discussions “importantes” et à voir pour débloquer les missions nous permettant d’avancer dans l’histoire puis d’autres discussions optionnelles développant plus ou moins les personnages.
Malgré la banalité des propos et cela même pour les discussions “importantes” ainsi que leur format très déséquilibré, chaque discussion rapporte de l’Ego, un élément sur lequel nous allons revenir. Du coup, l’apport en Ego ne nous permet pas de laisser les discussions en suspens, néanmoins il est possible de les passer si votre quota en nunucherie a été franchi. En ce qui concerne le format, nous disons qu’il est déséquilibré puisque certaines discussions durent longtemps avec de nombreuses répliques tandis que d’autres se limitent à 5 répliques avant de se conclure, discussions importantes ou optionnelles. Nous pouvons considérer que le rythme du jeu est ainsi haché par des discussions banales mais c’était aussi plus ou moins le cas dans Crystar, si ce n’est que les propos avaient l’air moins banals. Peut-être est-ce aussi dû au fait qu’il y avait moins de discussions. Crymachina nous tend surtout la carotte des points d’Ego pour nous motiver à jouer ces discussions et nous endormir devant.
Avant de lancer une mission, le jardin étant le HUB du jeu, nous pouvons nous attarder sur les préparatifs de notre casting. Il est possible de dépenser nos ExP pour faire monter nos personnages de niveau, équiper de nouvelles pièces d’équipement, attribuer des sentiments (plus connus sous l’appellation de compétences actives ou passives) puis utiliser de l’Ego pour renforcer différentes statistiques de nos héroïnes ou encore les attribuer au “Programme de soutien au combat” prodigué par Enoa et plus cher en Ego. Les programmes d’Enoa sont véritablement des capacités de soutien très utiles comme la capacité de soigner vos héroïnes ou activer l’éveil parmi d’autres possibilités. Les programmes ne sont pas nombreux mais peuvent être améliorés de différentes manières sur des paliers de niveau coûtant toujours plus en point d’Ego. Comprenez-vous ainsi l’importance de lancer les discussions même pour quelques pauvres points d’Ego faciles ?
Une fois nos préparatifs achevés, nous pouvons lancer une mission clé ou optionnelle. Crymachina tente de jouer l’originalité lié à son lore en proposant de nombreuses missions optionnelles dont le déblocage n’est pas nécessairement très clair. Le jardin idyllique de Enoa est situé dans une dimension virtuelle. A partir de cette dimension, c’est en enregistrant des genres de coordonnées ou adresse IP en 10 caractères que nous pouvons accéder à de nouvelles missions. Les missions clés sont enregistrées par défaut, en revanche les optionnelles demanderont aux joueurs d’en taper les coordonnées pour s’y rendre. La plupart des coordonnées se trouvent à travers des archives et documents de missions. Cependant, tout n’est pas clairement indiqué et osons dire qu’il est probable qu’une soluce soit utile pour ceux qui cherchent le 100%. L’autre possibilité est de perdre son temps à taper les combinaisons de chiffres et espérer tomber sur les missions. Une originalité qui devient un enfer pour les complétistes.
Notre mission sélectionnée, nous nous retrouvons sur un décor en 3D à la troisième personne. Sur cette partie, reprenons la comparaison avec Crystar. Dans celui-ci, nous évoluons à travers plusieurs étages de labyrinthe avec des salles remplies de monstres à abattre, des mini-boss puis en fin de chapitre un boss important. En tant qu’Action-RPG, les affrontements étaient en temps réel. Crystar proposaient un système basique dans le genre, légèrement mou dans ses enchaînements d’actions, répétitifs, faciles et traînant en longueur en nous égarant dans ses couloirs sans fin. A ce niveau, Crymachina améliore la formule et propose un Action-RPG avec beaucoup plus de peps ainsi qu’une progression bien plus expédiée. Donnant finalement ainsi l’impression que nous enchaînons beaucoup de discussions pour ne jouer que 5-10 minutes de mission.
Si Crystar traîne en longueur, Crymachina va parfois bien trop vite en besogne. Finis les dédales de couloirs et de culs de sac, dans Crymachina le couloir va littéralement tout droit avec quelques embranchements seulement pour un objet ou un niveau caché souvent impossible à faire à l’instant-T à cause d’un trop gros écart de niveau. A défaut de trop bifurquer, le couloir est divisé en plusieurs zones où des ennemis sont programmés pour apparaître et dans lequel nous pouvons nous défouler. Au bout du chemin, c’est un mini-boss qui nous attend ou un boss lorsque nous arrivons à une fin de chapitre. Les combats de Crymachina sont bien plus dynamiques avec plus de subtilités que Crystar. Tout d’abord, les héroïnes répondent au quart de tour, il est possible d’enchaîner très vite nos attaques faibles/puissantes tout en pressant sur l’esquive ou le contre en voyant l’attaque ennemie arriver. Crymachina utilise toutes les touches de votre manette, en plus des attaques faibles et puissantes ainsi que l’esquive et le contre, nous pouvons sauter pour continuer à enchaîner dans les airs.
Un Action-RPG plus dynamique, riche et réussi
Les gâchettes permettent d’activer nos armes auxiliaires qui sont limitées par une jauge d’énergie. Il y a une jauge pour l’arme auxiliaire gauche et une autre pour la droite. Elle se remplit automatiquement avec le temps et une fois que vous videz une jauge, l’arme est temporairement en surchauffe. La gâchette secondaire ZR permet justement d’esquiver tandis que l’autre permet de saisir une arme à longue distance avec un viseur et de tirer sur des ennemis ou des mécanismes. Attention, il y a également une notion de munitions attribuée à cette arme à distance. Ajoutons également une mécanique de brise garde en entamant la jauge de bouclier ennemie, une mécanique de bullet time sur une esquive parfaite, la possibilité d’éveiller le pouvoir latent de nos personnages pour booster temporairement leurs capacités puis un finish lorsque la garde ennemie est brisée et que vous le faites retomber au sol durant un enchaînement. De plus, le gameplay est subtilement différent selon l’héroïne que nous contrôlons.
Leben est armée d’une lance, elle est assez faible, elle enchaîne très vite, possède une portée moyenne et brise assez vite la garde ennemie. Mikoto attaque avec son sabre, elle est tout aussi rapide, se spécialise au corps à corps et en esquive mais aussi en coup critique brisant très rapidement la garde ennemie. Ami avec sa hache est très puissante, ses enchaînements sont moins fluides avec des coups chargés dévastateurs. Ses esquives en téléportation demanderont un timing parfait pour les réussir. Sa puissance lui permet quand même de potentiellement couper les offensives ennemies, bien que cela ne soit pas systématique. De plus elle possède des contres très puissants. Ajoutons que leurs stats sont évidemment différentes mais au-delà des statistiques classiques quelques statistiques subtiles changent le gameplay de nos 3 héroïnes. Par exemple, le fait que Ami ait bien plus de capacité à équiper des pièces lourdes.
Ceci étant dit, avec les points d’Ego, il est possible d’influencer ces stats donc il vous appartient de jouer et rejouer des missions pour engranger de l’expérience mais aussi de l’Ego puis de booster vos personnages. D’ailleurs à ce niveau, nous engrangeons des points “ExP” pour que nos héroïnes deviennent humaines dans le scénario mais c’est également ces points que nous utilisons pour monter de niveau dans le jeu. Pour être plus clair dans le scénario, ces “ExP” rapprochent nos personnages de leur condition humaine sans aucune autre incidence in-game tandis que nous, en tant que joueur, notre intérêt est surtout de monter de niveau. La montée de niveau n’est pas automatique, elle s’effectue dans le jardin idyllique de notre propre chef dans le menu dédié à l’attribution des ExP ainsi qu’aux points d’Ego sur nos personnages.
Nos personnages partagent un pot commun, puis surtout il y a un système de level cap. En fait, Enoa est au cœur du développement de nos personnages et elle a également perdu une partie de ses capacités. Autrement dit, en plus de chercher à se rapprocher de notre condition humaine, nous explorons Eden pour récolter des Idea Code permettant à Enoa d’avoir plus de ressources. Cela permet de repousser le level max de nos personnages. Ainsi, ceux qui aiment engranger l’expérience peuvent le faire mais il faut garder en tête que dépendamment de votre avancée dans le scénario, il est probable que vous ne puissiez plus monter de niveau et que vous ne faites que cumuler pour la prochaine occasion de level up. Cette customisation assez poussée par l’équipement, les sentiments pour les passifs et les stats avec le système d’Ego en plus des capacités de soutien de Enoa font que globalement Crymachina a un système bien plus riche, dynamique, réussi, et maîtrisé que n’a pu l’être celui de Crystar.
Des défauts frustrants et idiots
Pourtant, malgré ses qualités qui nous prennent dès les premiers instants, nous sommes au regret de devoir relever des imperfections parfois bêtes et rendant l’expérience frustrante sur des points que nous aurions voulu ignorer sans pouvoir le faire. Au niveau du système de combat, alors même que nous venons de faire l’éloge de celui-ci en comparaison à Crystar, peut-être est-ce notre gameplay qui était mauvais, mais il nous semblait noter que nos personnages manquaient cruellement de défense. Si cela est dû à une mauvaise customisation de nos personnages alors cela signifie que les indications sont confuses. Toujours est-il que si c’est “normal” sachez que les ennemis peuvent nous tuer en 1-2 coups alors même que nous avons plusieurs dizaines de milliers de PV. Si cela est intentionnel, alors autant mettre un système de cœur plutôt qu’un système de calcul de PV. Nous serions bien mieux informés et serions préparés à crever en 2 coups plutôt que d’avoir la fausse impression de pouvoir encaisser des dizaines de coups.
Alors les malins nous disent déjà que tout va bien en esquivant, c’est vrai mais encore faut-il que notre personnage esquive comme nous le souhaitons. Les esquives de nos héroïnes suivent une ligne précise plus ou moins longue dépendamment du personnage. Il suffit qu’un objet du décor, un autre ennemi ou les limites de la zone de combat soient en travers de notre route pour que l’esquive se heurte dessus. Cela signifie que notre esquive nous fait faire un surplace et que nous prenons ainsi le coup. Les téléportations d’esquives d’Ami n’y changent rien, elle suit cette même espèce de ligne d’esquive et se heurte de la même manière aux obstacles physiques sans aucune logique dans son cas. Par ailleurs, lorsqu’une esquive parfaite est effectuée, il n’y a pas toujours du “bullet time”. Il peut y avoir des cas de téléportation derrière l’ennemi pour contrer ou juste une animation d’esquive ultra rapide.
En soi, c’est stylé mais la réalité c’est qu’à un certain point les combats deviennent plus confus que dans Crystar et son rythme plus posé. Il y a un système de couleur des attaques ennemies pour savoir quelles attaques esquiver ou contrer mais la réalité c’est que nous finissons par spammer les esquives dans tous les sens, surtout lorsque nous sommes face à une embuscade ennemie. Une embuscade ennemie rime toujours avec confusion et bordel puisque nous nous faisons attaquer dans tous les sens et nos esquives deviennent aléatoires en priant que ça fonctionne et que nous ne nous heurtions pas à une unité. Ce qui finit souvent par un coup encaissé au hasard et un game over. Le système de ciblage est aussi confus que le jeu, difficile même après plusieurs dizaines d’heures de jeu de comprendre comment fonctionne le changement de cible.
Autre défaut, nous le mentionnions, mais après avoir brisé la garde ennemie et après l’avoir envoyée dans les airs, nous pouvons activer un genre de finish puissant en revenant au sol. Cependant, l’animation du mouvement provoque un genre de stop sur notre personnage jusqu’à la fin complète de l’animation. Autrement dit, lors d’une embuscade, alors que nous sommes concentrés sur un ennemi, que nous enchainons jusqu’au finish et que nous voyons un coup d’un autre ennemi sur le point de nous frapper, nous ne pouvons que prier que notre spam de l’esquive fonctionne. Ce qui n’arrive jamais, nous prenons juste le coup après le finish et nous finissons souvent en game over pour ce genre d’idiotie. En soi, le game over peut éventuellement être associé à une difficulté plus élevée de Crymachina par rapport à Crystar avec une IA des ennemis plus réactive. Une difficulté qui grimpe d’un coup sur la dernière partie du jeu et qui amène un autre défaut qu’on aurait préféré oublié et qui gonfle juste artificiellement la campagne solo, il s’agit du farm de XP.
Au-delà du farm, l’autre véritable problème vient du fait que nous sommes obligés de reprendre la mission du début en cas de défaite. Le seul checkpoint existant étant surtout face à un mini boss ou boss de fin de niveau. D’ailleurs, uniquement en mission importante du scénario puisque les missions annexes nous demanderons toujours de tout recommencer. Ainsi, si Crystar est répétitif à travers ses labyrinthes et ses missions inutilement longues, Crymachina devient répétitif en nous faisant recommencer encore et encore nos missions en cas de défaite. Du coup, le fait que les missions soient courtes est finalement une très bonne chose en cas de game over répété. Heureusement que les phases de plate-forme chiante et inutile de certains niveaux ne nous enlèvent pas de vie en finissant dans le vide.
Par ailleurs, le jeu tente de donner du sens à l’ensemble des éléments de gameplay proposés et nous finissons face à des passages que nous aurions bien voulu passer : comme le fait d’être obligé de tuer des boss uniquement en utilisant nos armes longues distances généralement faibles pour des combats ainsi ultra long. Ceci dit, il est vrai, il faut l’avouer que ces armes deviennent inutiles sauf face à ces boss ou à quelques mécanismes de couloir à activer. Peut-être était-ce une mauvaise idée de les mettre ou peut être valait-il le faire autrement afin de permettre un ciblage des ennemis plus efficace ? Ajoutons aussi un bestiaire global assez limité au-delà des boss uniques. Parmi ce que nous venons d’énumérer, au-delà de la structure de progression hachée, les défauts que nous mettons en avant ici sont assez débiles et maladroits. Cela ne nous fait pas nécessairement plaisir de devoir relever ceux-ci en soulignant encore une fois que l’expérience est pourtant bien plus dynamique, jouissive et meilleure à jouer que Crystar.
Plus beau ou plus pauvre?
En restant sur cette comparaison, sur l’idée d’améliorer et de surpasser Crystar, la présentation globale de Crymachina est à première vue meilleure. Le moteur et la modélisation des personnages rappellent un peu The Caligula Effect 2, autre récente licence du studio Furyu. Un rendu des personnages moins chibi, pour quelque chose à échelle plus réelle avec pas mal de détails. La réalisation est Cel-shading 3D classique et revue dans le genre mais colorée, propre et séduisante. Des illustrations en 2D accompagnent les dialogues pour nous donner une meilleure impression de l’expression faciale difficilement visible in-game de chacun des personnages. Certaines illustrations et le chara-design sont très étranges, notamment des personnages avec des fronts très larges. La seule explication pour justifier cela de manière intentionnelle, serait de dire que ce sont des machines et que leur physique est imparfait.
Pour le reste, en comparaison à Crystar, les animations sont bien moins rigides et mieux maîtrisées pour les personnages en combat avec quelques effets visuels stylisés. Des décors plutôt propres avec tout de même un genre de flou de temps à autre. Le tout tournant très bien en TV comme en portable. En vue de l’action plus dynamique, il était légitime de s’attendre à des baisses de régime mais il n’en est rien. Toutefois, l’explication est peut-être liée à ce choix de réalisation et nous ne parlons pas ici de modélisation ou de chara-design mais de level design. Nous en parlions, mais les niveaux ne sont que des couloirs avec des salles ou des genres d’arènes. Le lieu le plus travaillé, détaillé et coloré de Crymachina, c’est le HUB donc le jardin idyllique. Le jeu justifie ça par son récit puisque le HUB est un monde virtuel créé par Enoa et la réalité est finalement un environnement de base spatiale de SF. Nous sommes ainsi sur des successions de restes de structures spatiales, des éléments de technologie futuristes avec le vide spatial en arrière-plan.
N’oublions pas de souligner que si beaucoup de décors se ressemblent, alors pour les annexes il n’y a parfois même pas d’effort en reprenant simplement la même zone de jeu qu’une autre mission. Il y avait moyen de proposer plus de variété visuelle et même de changer légèrement le récit pour permettre plus de folie. Faire en sorte que les combats se déroulent également en zone virtuelle dont les dénouements ont un effet sur la réalité par exemple. Alors même que Crystar ne proposait pas beaucoup de variété visuelle à travers ses longs labyrinthes. Nous pouvons affirmer sans se risquer que Crystar avait définitivement bien plus d’identité, de folie, de couleur et de variété visuelle que Crymachina. Ceci étant dit, Crymachina sait reprendre quelques bons points de Crystar comme les mises en scène de quelques passages clés façon étrange comic creepy.
Il y a aussi des cinématiques et des saynètes très belles à regarder dont les passages d’analyse de code avec Enoa où nous constatons que c’est elle qui gagne de plus en plus en humanité en avançant dans le jeu. Nous avons également toujours des ennemis importants possédant des souvenirs humains dont des termes clés entrent dans notre vision une fois vaincus comme dans Crystar. Nous parlions de rendu moins chibi et mignon, Crymachina semble vouloir assumer sa réalisation plus adulte. Certaines cinématiques sont bien plus crues et sanglantes que dans Crystar, tranchant ainsi directement avec le mignon. Pourtant, d’un autre côté, la tonne de banalités qui sort de la bouche de nos héroïnes et qui allège totalement le propos semble aussi vouloir gommer ce côté plus dramatique pour rester dans le mignon. Autrement dit, Crymachina est plutôt “le cul entre deux chaises” comme nous pourrions dire vulgairement dans notre langue, et les développeurs ne semblent pas avoir voulu clairement trancher sur cette question.
Ainsi, visuellement, Crymachina est plus réussi que Crystar en terme brut, avec une certaine modernité et des combats très bien réalisés. Pour le reste, Crystar a plus de variété, plus d’identité, de mignon qui ne casse son propos et une certaine âme que nous ne retrouvons pas sur Crymachina. Nous ressentons le changement de personne sur la partie artistique puisque la précédente personne a avoué ne pas être confortable avec la SF et préférant ainsi déléguer à quelqu’un d’autre. Pour faire une comparaison plus imagée, Crystar est une étoile qui scintille d’elle-même dans le ciel d’une lueur imparfaite mais unique. Crymachina est une étoile virtuelle qui tente de reproduire le scintillement de celle-ci. La technologie arrive à reproduire une étoile encore plus belle mais nous voyons les filtres virtuels autour, des filtres qui nous rappellent que ce n’est qu’une imitation, que cette lumière ne vient pas d’une véritable étoile et qu’elle n’a pas grand-chose de propre à elle.
La présentation d’un jeu ne tient pas que sur son visuel mais également sur sa partie sonore. A ce niveau-là, Crymachina s’en sort plutôt bien avec une bande sonore de qualité à quelques thèmes timides près. Contrairement à son visuel, l’OST possède une identité propre au jeu avec des sonorités électroniques collant avec son lore SF. Il y a également contre les boss des musiques accompagnées d’une voix qui reste discrète pour certainement coller à la thématique de machines cherchant leur voie vers l’humanité. Cela fait ainsi partie de l’identité sonore du jeu et les chansons restent suffisamment discrètes pour ne pas prendre le risque de nous faire sortir du jeu et même plaire à des joueurs qui n’apprécieraient pas trop les chansons japonaises, puisque les paroles sont en japonais. D’ailleurs à ce propos, le doublage du jeu est uniquement en japonais et la majorité du casting étant féminin, certains pourraient déjà s’imaginer des choses. Toutefois, encore une fois, les dialogues sont remplis de banalités et il n’y a pas tant de “gémissements de collégienne” que certains adorent critiquer. Ainsi, le doublage fait son travail en donnant de la vie et de la personnalité à chaque personnage du jeu.
Conclusion
Si vous êtes à la recherche d’un Action-RPG dynamique et d'une expérience défoulante à jouer en cette fin d’année 2023 sur Nintendo Switch, Crymachina peut avoir une place dans votre ludothèque. Il y a plusieurs conditions à placer à ça : aimer les discussions banales, ne pas se soucier d’avoir un casting nunuche, pouvoir aller au-delà de défauts idiots de gameplay puis ne pas s’arrêter à la traduction uniquement anglaise du jeu. En acceptant ça, alors Crymachina peut vous faire passer un bon moment et potentiellement décrocher quelques larmes aux plus sensibles d’entre vous. Les connaisseurs de Crystar constateront une expérience globalement meilleure avec quelques ratés idiots. Malgré le côté plus générique et moins unique de Crymachina, ces mêmes fans sauront tout même apprécier ce nouveau jeu à sa juste valeur. Malgré tout, si le studio Furyu cherche à faire de “Cry” une série durable de leur répertoire de RPG, Crymachina montre que le studio est sur la bonne voie et qu’en corrigeant encore quelques points le prochain essai pourrait bien être une référence solide du genre.
LES PLUS
- Une réalisation 3D propre en Cel-shading
- Très belle cinématique
- Beau et solide en TV et portable
- Des phases d’action dynamiques et défoulantes
- Un système très riche avec beaucoup de customisation
- Les annexes à débloquer avec le système d’IP à rentrer
- Une durée de vie convenable pour un 100%
- Un lore plutôt riche à explorer
- Un scénario avec des moments crus et surprenants
- Une bonne OST avec une belle identité
- Un doublage japonais de bonne facture
LES MOINS
- Un level-design pauvre et peu de variété visuelle
- Quelques éléments flous
- Une identité visuelle moins présente que Crystar
- Un chara-design parfois bizarre
- Un bestiaire assez pauvre
- Un déséquilibre et des défauts idiots de gameplay
- Quelques éléments de gameplay maladroits et imposés
- La confusion de l’action
- Une difficulté qui grimpe d'un coup et du farm XP
- Court en ligne droite
- Une progression hachée et des missions expédiées
- Beaucoup de discussions pleines de banalités
- Des héroïnes nunuches
- Une écriture déséquilibrée entre sérieux et niaiserie
- Des musiques parfois trop discrète
- Il y en aura toujours pour critiquer le doublage japonais
- La localisation uniquement anglaise
J’étais très hypé sur ce jeu, jusqu’à la sortie de la démo jouable. Trop de dialogues, pire qu’un Senran Kagura. Je passe mon tour !