Une ville mystérieuse, des personnages hauts en couleur et des disparitions inquiétantes, voilà le cocktail prometteur que nous propose Pinku Kult : Hex Mortis. Créé par la marque du même nom – qui construit son univers graphique sur un ‘lore’ bien singulier – avec l’aide de Valorware, studio connu pour la série de jeux 9th Dawn, ce petit jeu saura-t-il ainsi se démarquer ?
Un début prometteur
Dès le menu principal, on peut de suite comprendre ce dans quoi on se plonge : une histoire cryptique, une énigme à résoudre et un personnage inconnu qui retient l’attention nous accueillent. La musique est sympathique, les illustrations bien réussies, et on se retrouve rapidement à customiser le personnage que nous incarnerons.
Les options sont assez variées, avec un joli style qui retranscrit bien celui si spécial des illustrations du jeu, une sorte de ‘gothique’ aux tons acidulés (parfois appelé ‘creepy-cute’ ou ‘kowaï’ dans les subcultures internet) reflétant la marque Pinku Kult. On se retrouve ainsi à choisir parmi plusieurs options qui nous laissent une certaine liberté : les habits, cheveux, couleur de peau, et trois masques aux thèmes animaliers. Nous pourrons changer tout cela à n’importe quel moment du jeu.
Dès que ce choix est fait, le jeu commence. La police d’écriture choisie n’est pas la plus attirante, mais l’introduction du jeu est joliment illustrée, nous plongeant encore une fois dans une ambiance très mystérieuse : notre personnage, cherchant un travail, tombe sur l’annonce de Shokan Corp, qui souhaite trouver quelqu’un pour étudier les inquiétantes disparitions ayant lieu dans Razore City – ville elle-même assez spéciale, dont la plupart des habitants ne se souviennent pas de leur arrivée.
Une ambiance étrange enveloppe l’entretien qui suit cette annonce, celui-ci étant mené dans un immeuble quasiment abandonné, à l’intérieur d’une salle ne contenant qu’une télévision. Aniel, personnage mystérieux, représentant de Shokan Corp, apparaît à l’écran et nous explique que nous sommes le candidat idéal car nous ne sommes ‘personne’, que personne ne nous connaît et qu’ainsi, nous n’aurons aucun mal à nous débarrasser de la possible raison des disparitions. Le suspect principal est selon l’agence une fille au masque de renard, qui semble être la raison de tout ceci – sans trop d’explications données.
Même si nous sommes instantanément engagés, c’est avec un goût amer que nous acceptons, cette industrie nous faisant clairement comprendre qu’ils connaissent tout de nous et pourraient aisément eux-mêmes nous faire disparaître si nous nous rebellions.
Cette séquence d’introduction est plutôt agréable, peut-être un peu longue pour certains, mais agrémentée de jolies illustrations, d’un sentiment réussi de malaise avec l’impression d’être pris au piège, et la présence de véritables photographies qui rendent le tout plus recherché. Les trois masques parmi lesquels nous devions choisir sont ainsi expliqués, ceux-ci faisant partie de l’uniforme de Shokan Corp.
Un environnement recherché
Dès la fin de cette séquence, nous devons aller enquêter en ville, et découvrons ainsi la fameuse Razor City. La musique, entraînante, change à chaque nouvel endroit découvert, ce qui est une touche que j’apprécie particulièrement et qui aide, à mes yeux, à donner de la personnalité à chaque lieu. Il y a également la présence intéressante d’un système de temps avec un compte des jours et l’alternance entre le jour et la nuit.
On découvre ainsi la carte du monde sur laquelle on peut se déplacer entre différents lieux importants, ceux-ci étant débloqués au fur et à mesure de notre aventure.
Le premier lieu que l’on découvre après le fameux entretien, à part notre appartement, est la rue principale (High Street). Il y a un effort notable dans les détails : les lieux sont d’une couleur bleutée, différents magasins sont à notre disposition et des PNJ avec lesquels on peut interagir se promènent. Les poubelles sont pleines, des tags sont présents sur les devantures, signes d’une ville vivante, et la musique donne une impression très mystérieuse, mêlant piano et musique électronique, rappelant vaguement l’époque d’Evanescence aux oreilles des joueurs.
Tout cela dresse le portrait d’une ville peuplée de personnes uniques et de mystère, nous mettant directement dans l’ambiance. Chaque endroit a ainsi ses propres petits détails, que ce soit des statues disséminées partout, un jardin géant, des panneaux montrant la vie sauvage de l’endroit…
Les objets à ramasser sont très clairement indiqués par une grande flèche verte, et il n’y a donc pas d’élément de recherche de secrets. Quelques petites erreurs grammaticales se promènent, mais sont si mineures qu’on peut aisément passer outre.
La notion de choix
On a la possibilité, de temps à autre, de choisir entre différentes options durant les dialogues, sans réelle conséquence après coup, mais ajoutant ainsi plus d’occasions pour le joueur de se démarquer. Néanmoins, le jeu tire aussi l’une de ses forces dans le choix de comment s’occuper des « démons » : devra-t-on leur montrer de la pitié ou se contenter de les éliminer, comme demandé par Shokan Corp ? Nos actions auront ainsi des conséquences plus tard dans le jeu, que je ne peux vous révéler mais que l’on découvre assez tôt. Saurez-vous les assumer ?
Des personnages uniques
Les noms des personnages découverts sont associés à une couleur dans une langue (Jade, Rosso, Azul, Shiro, Weiss…), et parfois à des chiffres japonais, le style du jeu s’appuyant énormément sur les codes visuels de ce pays, avec l’utilisation du visuel des masques, des vêtements, du ‘kowaï’ et d’autres éléments que nous vous laisserons découvrir par vous-même.
Le ‘character design’ est très bien fait, et nous pensons que c’était un des points les plus importants aux yeux de la marque, la plupart représentant des personnages déjà présents dans leurs ventes. Au-delà du visuel, un effort est mis sur la personnalité de chacun, et malgré la longueur du jeu, chacun arrive à se démarquer sans (complètement) tomber dans des clichés trop peu flatteurs, certains même positivement (Félice, par exemple). Les personnages sont donc bien faits, mais malheureusement pas spécialement attachants. Nous ne nous voyons pas repenser quelques semaines après à certains d’entre eux ou à rechercher du contenu les concernant sur Internet, comme j’ai pu le faire pour des personnages d’autres jeux.
Chaque personnage possède également son propre thème musical, montrant encore plus efficacement son caractère et son univers, et ceci même pour des personnages auxquels on a besoin de ne parler que très peu pour avancer (Verde, on pense à toi).
Le visuel reste ainsi un élément important, des illustrations prenant tout notre écran complétant ainsi parfois la narratologie effectuée.
Une écriture assez ambivalente
Les dialogues, non contents de nous en apprendre plus sur les personnages, possèdent réellement une sorte de poésie mélancolique. Chaque phrase a ainsi été recherchée, chaque description d’endroit est faite afin que l’on ait l’image la plus vive possible en tête. On sent réellement que les créateurs et écrivains ont souhaité partager aux joueurs le monde qui a longtemps vécu dans leur esprit et leur marque, et c’est très agréable.
Les nombreuses références au Japon permettent également la création d’un univers intéressant, notamment au niveau des représentations monstrueuses, qui s’avèrent ainsi inspirées parfois du folklore de certains endroits, et ajoutant une autre dimension au bestiaire.
Là où il y a plus de lacunes, c’est au niveau des puzzles, qui sont très peu recherchés et difficiles. On se contente ainsi de chiffres à retenir ou de réponses très logiques à un peu tout, et les puzzles semblent avoir été mis là plus pour rajouter des éléments que pour réellement nous faire réfléchir. Après, leur absence aurait été plus désagréable que ces quelques moments de recherche.
Des tableaux qui s’enchaînent
Le jeu est assez court, avec 7 heures de jeu grand maximum. Néanmoins, dans ce laps de temps, quatre ‘tableaux’ sont dressés sous la forme de chapitres. On a ainsi à chaque fois un nouveau lieu, lié à un des personnages qui, durant notre exploration, rejoindra notre équipe. Ces tableaux ont tous leurs caractéristiques spécifiques ainsi que leur bestiaire personnel, tous évidemment liés à une problématique plus grande que l’on reconstitue au fur et à mesure que les pièces tombent en place.
Les ambiances de ces lieux sont ainsi très bien réalisées, même si une très forte inspiration peut être retrouvée parfois, notamment celle d’Alice au Pays des Merveilles. Les créateurs se rattrapent néanmoins par leurs personnages hauts en couleur et aux visuels fascinants.
Certains lieux sont particulièrement sinistres, des corps parsemés par-ci par-là et sur lesquels des illustrations s’attardent, des dialogues à vous faire froid dans le dos et des descriptions beaucoup trop détaillées pour ne pas réussir à imaginer ce qui est donné de voir aux personnages nous sont proposés.
On a également accès à des cartes, nous aidant à nous repérer dans les lieux, ce qui peut s’avérer pratique. Les ennemis sont aussi visibles, nous donnant ainsi le choix de les affronter ou non. La musique des combats, et surtout des combats de boss, est entraînante et nous met bien dans l’ambiance tendue d’un combat.
Un RPG accessible
Bien que les premiers combats s’avèrent compliqués, étant donné que nous perdons pas mal de vie, le gain de niveaux aisé nous permet rapidement de pouvoir tourner le jeu en notre faveur. A mes yeux, ce jeu contient tous les éléments d’un RPG classique, mis à part la présence d’équipements, et n’est pas trop difficile pour des novices. Les personnages ont ainsi le choix d’attaquer à la main ou bien d’utiliser des attaques magiques offensives ou défensives, utilisant des MP, rechargeables en attaquant. Tous les effets des attaques sont constamment affichés, afin de ne pas se perdre. Notre personnage principal obtient aussi rapidement la possibilité d’invoquer certains démons, selon les choix qu’il effectuera…
On peut également voir les tours qui viendront, ce qui nous permet de calculer toutes nos actions efficacement.
Le premier personnage que l’on obtient nous sert ainsi à nous soigner, facilitant grandement les choses, les objets de soin étant plutôt chers au départ. Chaque personnage aura ainsi ses points forts et faibles, et les habitués de ce genre de jeu sauront ainsi très rapidement tout prendre en main, sans pour autant perdre les novices.
Nous avons personnellement trouvé que les combats n’étaient pas très difficiles, peut-être même pas assez au bout d’un moment, mais cela en fait le candidat idéal pour quelqu’un qui souhaiterait avoir une première expérience de ce genre de jeu. La seule petite difficulté est le fait de ne pas pouvoir voir la barre de santé des ennemis, mais cela est contre-balancé par un grand avantage : on ne peut être tué sur le coup. Même si un coup aurait dû nous achever, si il nous restait plus d’un PV, on ne mourra pas, nous permettant ainsi de constamment rattraper les éventuelles erreurs faites.
La porte ouverte aux interprétations
De nombreux éléments contextuels dans le jeu nous mènent à nous poser des questions sur cette fameuse fille au masque de renard, et des indices sur la raison qui l’a poussé à faire tout cela sont ainsi disséminés. Néanmoins, la fin m’a, pour ainsi dire, laissé sur ma faim quant à son histoire à elle. Nous l’avons un peu ressenti comme un grand désir de créer une histoire complète avec énormément d’éléments, mais qui aurait malheureusement dû être écourtée, peut-être par manque de moyens.
On pourrait se dire que les indices nous permettent de, nous-même, reconstituer la totalité de l’histoire, ce qui n’est pas un problème et même une bonne chose dans certains jeux, mais j’ai un peu eu l’impression de ne pas en savoir assez à la fin, chose plutôt frustrante. Pareil pour certaines actions, qui supposément auraient tendance à avoir des conséquences sur la suite, et que l’on aborde plus du tout par la suite. Felice nous demande également de lui ramener des artéfacts, mais n’y prête aucunement attention lorsque l’on revient avec divers objets, se contentant de réagir deux fois seulement.
La fin est malgré tout plutôt bien, avec un plot-twist que l’on voit malheureusement venir à des kilomètres mais qui reste relativement bien réalisé. Le combat final est un peu plus difficile, mais si l’on calcule tout bien, ce n’est au final pas beaucoup plus compliqué qu’une suite de combats habituelle. On nous laisse, un peu dubitatifs, sur un cliffhanger qui appelle une suite, ou bien simplement qui joue sur la vague des fins ouvertes qu’il y a en ce moment. J’ai obtenu deux fins sur les trois ou quatre qui (nous supposons) existent, ce qui est une touche plutôt agréable pour un petit jeu comme celui-ci.
Pinku Kult: Hex Mortis est disponible sur l’eShop au prix de neuf euros.
Conclusion
Pour conclure, je dirais que Pinku Kult : Hex Mortis possède des éléments convaincants pour un RPG. L’histoire est intéressante, les personnages bien réalisés, avec de temps en temps quelques traits d’humour qui allègent le tout. C’est simple, c’est efficace, et le tout est mené avec une direction artistique incroyable, que ce soit au niveau des illustrations, animations ou bien de la musique, qui permet vraiment de se plonger dans le jeu. On sent que le but était de partager le monde créé par la marque, mais heureusement l’histoire et le système de combat n’en pâtit pas. Un peu trop facile peut-être, un peu trop rapide sur la fin, et aussi un peu ‘niche’ dans son style visuel qui ne plaira pas à tous (le mélange sinistre et mignon, l’utilisation parfois abusive de couleurs très vives…), ce jeu contient hélas quelques défauts qui, en plus de sa longueur, le tirent vers le bas. C’est une expérience sympathique mais qui, malheureusement, ne laisse pas un souvenir impérissable.
LES PLUS
- Une remarquable direction artistique
- Une écriture efficace
- Un RPG facile à prendre en main
- Des personnages mignons
LES MOINS
- Durée de vie
- Pas d’élément le faisant réellement se démarquer
- Des combats qui perdent rapidement leur difficulté
- Des puzzles trop simples