Au Japon, le Visual Novel est un genre de jeu misant surtout sur un scénario plus ou moins intéressant et qui est souvent prisé pour les adaptations de nouvelles, d’animes ou mangas japonais en jeu vidéo. Autrement dit, le gameplay ne consiste souvent qu’en un simple point-&-click et rares sont les jeux du genre qui se démarquent sur d’autres points forts. Pourtant certains gros studios du jeu vidéo ont réussi à se démarquer avec leur propre Visual Novel, c’est par exemple le cas de Capcom qui propose en 2001 sur Game Boy Advance leur jeu, Ace Attorney (sortie sous une version plus complète en 2005 sur DS en Europe). Depuis, la série a vu naître plusieurs opus principaux et spin-off avec un scénario toujours plus ou moins lié. Pour sa première entrée sur 3DS au Japon, l’avocat de Capcom a choisi de s’allier au gentleman anglais de Level-5 dans le Cross-over intitulé Professeur Layton VS Ace Attorney sorti en 2012. Il en sera autrement pour l’Occident où l’avocat choisi de se présenter dans son propre jeu avant de faire équipe avec le gentleman anglais. Précisons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir joué aux anciens jeux DS pour vous procurer ce cinquième opus 3DS, qui est non seulement le cinquième jeu phare de la série mais qui marque également le retour du héros Phoenix Wright ainsi que d’anciens personnages, mais aussi le retour en Europe d’une licence en perte de vitesse. Est-ce un retour triomphal ? Le procès opposant notre rédaction et l’avocat de Capcom est désormais ouvert.
Le Cabinet Wright & Cie contre le chaos judiciaire
En 2007, le nouveau héros Apollo Justice ne réussissant pas à capter le cœur des fans d’Ace Attorney, la mission du procureur Benjamen Hunter avec deux spin-off DS au Japon (dont un sorti en Europe uniquement en anglais) était de faire survivre la licence. Capcom décide alors de décrasser son ancien avocat fétiche, qui entre temps avait presque pris le rôle d’un clochard, et le refaire revenir à la tête de son cabinet d’avocat vêtu de son costard bleu habituel. D’ailleurs, pour Capcom c’est l’occasion de tirer sur cette corde sensible aux fans en y introduisant le plus d’ancien personnage apprécié de la série. Entre autre, on retrouve avec plaisir Vérité Wright, la fille adoptive de Phoenix Wright et Apollo Justice mais également le procureur Benjamen Hunter ou encore le procureur Klavier Gavin. Par ailleurs, on accueille également les nouveaux personnages de Athena Cykes fraîchement diplômée en droit en Europe et qui rejoint donc le Cabinet Wright en disciple de notre héros et en collègue d’Apollo. Également de l’autre côté de la barre après l’original Godot et sa célèbre tasse de café, c’est un samouraï menotté qui souhaite trancher cette nouvelle ère de chaos judiciaire qui est appelé à être procureur. Autant dire que le casting en personnages de ce cinquième jeu est tellement dense qu’on l’apprécie mais en même temps le rythme des affaires semble parfois si rapide qu’on a l’impression que certaines apparitions sont aussi brèves que regrettables tant on aurait aimé plus.
Pour en revenir sérieusement au scénario, on peut littéralement dire qu’on commence de façon explosive avec une cinématique en animation japonaise. D’ailleurs, pour commencer, soulignons directement qu’on apprécie beaucoup l’ajout de ces scènes réalisées par le studio d’animation Bones qui nous permet vraiment d’apprécier comme jamais chacun de ces moments clés du scénario, que ce soit en début d’affaire, au milieu même d’un chapitre ou à la fin de ceux-ci. La première affaire nous projette directement dans une histoire à l’ambiance assez renversante, sombre et étonnante. En effet, un individu vient de faire sauter une des salles de procès du tribunal faisant à première vue une victime. À ce moment dans cette salle, une audience était déjà en cours et Apollo Justice est alors blessé par cet incident. Il ne reste donc plus qu’Athena Cykes pour prendre la défense de sa meilleure amie Juniper Woods, accusée d’avoir fait exploser la bombe, face au procureur Gaspen Payne. Pourtant face au stress d’Athena assez intimidée par l’ambiance de cour, Phoenix Wright arrivera très tôt grâce à un appel d’Apollo Justice pour reprendre le début maladroit de notre nouvelle héroïne.
Le scénario globale du jeu est à la fois solide, rempli de rebondissements souvent même très surprenants. Même quand on pensait avoir la réponse, il s’avère que tout bascule et pas forcément pour se retourner contre vous mais pour en fait mieux comprendre l’affaire en question.
Toujours est-il que l’histoire globale du jeu tourne autour de cette première affaire d’explosion liée à une étrange et sombre « ère de chaos judiciaire ». C’est dans l’optique de mettre fin à cette ère que Phoenix Wright semble avoir une nouvelle fois endossé son badge et son costume bleu. À partir de cette première affaire, l’histoire retournera en arrière à partir de l’arrivée d’Athena au sein du Cabinet Wright & Cie et sera développée de sorte à ce que vous ayez les armes nécessaires pour comprendre le présent et mener le groupe de Phoenix, Apollo et Athena à la fin de cette sombre ère. Un scénario dont la qualité surpasse sûrement ce qui a été fait par le passé dans la série. Avouons peut-être que certains n’apprécieront pas les nombreuses tournures Deux Ex Machina des cinq affaires de cet opus mais il n’en reste pas moins que globalement la qualité n’est pas à remettre en cause et que vous ne lâcherez plus Ace Attorney pendant une bonne trentaine d’heure.
Cependant, on ne vous parle que du gameplay classique de la série et de la nouveauté lié à Athena. Si on devait parler du gameplay global de ce cinquième opus, c’est à la fois ce classicisme et cette nouveauté liés à tous les mécanismes de gameplay originaux des opus passés de la série, aussi bien opus phare que spin-off. Bien que ce soit le scénario qui vous impose d’incarner tel ou tel personnage, chacun des trois avocats de la défense que vous incarnez a un pouvoir particulier. On vient de vous parler du Mood Matrix avec Athena Cykes. Revenons en arrière avec Apollo Justice et son don de détection des tics nerveux. Celui-ci possède un bracelet qui se resserre à son poignet lorsqu’un mensonge important est entendu. Cela l’amène donc à faire preuve d’une telle concentration qu’il est alors capable de détecter le tic nerveux d’un témoin pour lui faire avouer son mensonge et apprendre de nouvelles choses. Autrement dit, la déposition du témoin se déroule alors au ralentie et vous contrôler alors le regard d’Apollo Justice focalisé sur le témoin, il faudra alors détecter la partie de la déposition qui déclenche une réaction physique particulière du témoin, une réaction qui est signe d’un mensonge. Par exemple, un léger plissement de l’œil ou une petite toux qui soulève la cravate d’un uniforme scolaire. Des signes pas forcément bien visibles dont il faudra faire preuve d’une concentration aussi fine qu’Apollo pour les repérer et mettre à jour les mensonges. Concernant Phoenix Wright, il est bien en possession du Magatama que lui avait donné Maya Fey depuis le premier opus de ses aventures.
Qui dit Magatama, dit alors Verrou-Psyche et secret dont il faudra forcer l’accès à coup de pièces à conviction. Autrement dit, il s’agira lors de ces passages d’écouter les personnages parler et leur présenter des faits et des pièces à conviction qui mettront un coup à leur propos brisant progressivement les chaînes placées autour de leur cœur et ainsi entendre ce qu’ils cachent. Cette vérité est toujours un élément important à la compréhension et à la progression du jeu. Puis évoquons un élément très intéressant inspiré du système de « Logique » amené par le spin-off Ace Attorney : Investigations. Lors d’un procès, lorsque vous approcher du point final de l’affaire un zoom est alors effectué au niveau du front de votre personnage et se déroule alors une phase de concentration extrême de celui-ci et un grand brainstorming de toute l’affaire pour ainsi mettre en évidence la solution de tout le débat. C’est d’ailleurs souvent à ce moment, que vous pensez être bloqué et ne plus savoir réellement comment aborder le sens de l’énigme. De ce fait, en remettant tous les éléments logiques de cette affaire en place, vous finissez par comprendre en même temps le réel déroulement des faits et vous vous surprenez vous-même à démonter votre précédent argumentaire pour le proposer sous un nouvel angle, le bon angle. C’est une phase de gameplay où de nombreuses possibilités défilent les unes après les autres et où il faudra faire les bons choix pour recoller de manière logique tous les faits et arriver à la conclusion. Passé ce moment-là, vous tenez le fin mot de l’histoire, du moins dans votre raisonnement, il faudra soutenir tout cela à coup de pièces à conviction.
Enfin, passons sur un autre élément du jeu. Ace Attorney c’est certes beaucoup de phases de dialogues et de procès mais c’est également une aventure et des investigations. Il faudra aller enquêter et recueillir des témoignages et des preuves en allant sur les scènes de crime et en parlant aux différents témoins ainsi qu’à vos clients. Cependant, que ce soit en procès ou durant ces phases d’investigations, on ne peut qu’applaudir l’équipe de développement pour ce passage à la 3D de la série Ace Attorney très réussi. On ne parle pas forcément de 3D stéréoscopique qui reste tout même assez réussie dans sa profondeur mais juste de 3D globale. Précédemment, tout cela était en plan fixe et en 2D, la 3DS amène donc un passage en 3D couplé à un cell-shading maitrisé. Les décors et les personnages sont fidèlement reproduits. L’interface globale est également bien réalisée, nous avons également la possibilité de relire facilement une cinquantaine de lignes de dialogues récemment passés. Idéal, si vous avez interrompu votre aventure pour quelques raisons et pouvoir reprendre rapidement. L’humour visuel et textuel de la série est toujours conservé et pour ceux qui en avaient peut-être peur, ce passage en 3D ne dénature en rien la série. Brièvement dit, la réalisation est impeccable et propre autant dans le jeu que pour les cinématiques.
Au niveau de l’apport dans le gameplay, cela permet surtout lors des investigations d’avoir des angles de vues différents sur les scènes du crime et pouvoir mieux visualiser les lieux et relever des pièces à conviction qu’on n’aurait pas pu relever auparavant dans la série. En procès, la 3D permet d’avoir des angles de caméra dynamiques lors des confrontations entre la défense et l’accusation. Elle permet également un beau défilement par moment en vue globale de la salle d’audience. Par ailleurs, la 3D stéréoscopique permet par moment d’apprécier les répliques phares telles qu’ « Objection » flotter en dehors de l’écran, si nous pouvons dire cela ainsi. Terminons par évoquer la bande sonore, qui est signée Noriyuki Iwadare. Celui-ci avait déjà composé pour le troisième opus de la série et le premier spin-off avec le procureur Hunter. On peut dire que l’homme était donc déjà bien apprécié pour son travail pour la série et son retour pour ce cinquième opus est également agréable à l’écoute. Notamment grâce à un hardware qui permet un meilleur instrumental. Notons également un doublage anglais des cinématiques, pas sensationnel mais pas médiocre non plus.
Pour résumer, Ace Attorney 5 condense tout ce qui a été fait dans la série en un seul jeu tout en réussissant l’exploit de faire évoluer la réalisation globale de la série de manière remarquable et en y incorporant des nouveautés bien appréciables. Une expérience qui plaira et qui se prendra en main directement pour les habitués mais qui ne demandera pas grand temps d’adaptation pour les nouveaux. L’expérience Ace Attorney dans toute sa splendeur !