Il y a plus de 20 ans, Shu Takumi et une petite équipe chez Capcom tentèrent de renouveler l’expérience du Visual Novel en donnant naissance à la licence Ace Attorney. Une expérience du genre bien plus dynamique sous la thématique judiciaire et policière avec un soupçon de mystique. Une licence qui est désormais selon l’éditeur, une de ses licences fortes et qui revient dernièrement sous forme de compilation HD sur les plateformes modernes sortant partout à travers le monde avec un effort de plus en plus conséquent sur la traduction des jeux en différentes langues dont le français. Alors que la licence est souvent associée à son protagoniste et avocat de la défense Phoenix Wright, il y a 15 ans l’équipe de développement tente une autre approche en proposant sur DS deux expériences avec le rival de Phoenix, le procureur Benjamin Hunter. Capcom rectifie l’erreur du manque de traduction à l’époque en proposant en 2024, Ace Attorney Investigations Collection en toutes les langues. Un dossier que nous avons pu boucler sur Nintendo Switch !
Objection ! L’accusation mène l’investigation !
Commençons par féliciter une nouvelle fois, les efforts de localisation de Capcom. En proposant une traduction en plusieurs langues dont le français pour Ace Attorney Investigations Collection, 80% des expériences Ace Attorney disponibles à ce jour deviennent accessibles à tous à travers le monde. Il n’est jamais trop tard et c’est désormais à Capcom de décider de viser ou non le 100% en patchant la collection The Great Ace Attorney. Revenons toutefois sur Ace Attorney Investigations Collection et quel plaisir de simplement constater le menu principal en français et la traduction officielle du sous-titre du second jeu Ace Attorney Investigations 2: Le Pari du procureur. Ceux qui ne jurent que par la critique souligneront quelques terribles fautes d’orthographe ou encore des fautes de localisation comme le nom de Hunter en français qui redevient anglais avec des apparitions du nom Edgeworth alors que le reste est en français. Pourtant, il vaut mieux ces quelques imperfections et une traduction en plusieurs langues qu’une traduction en une seule langue.
Tout comme les précédentes collections, le menu principal nous permet de gérer diverses options de jeu, d’accéder à un musée avec de nombreux extras et bonus ou de lancer un des deux jeux. Beaucoup d’éléments bonus sont à débloquer en jouant et en terminant les différents chapitres de la collection. Certains extras sont consultables d’entrée de jeu et peuvent spoiler si vous n’avez jamais joué à Ace Attorney Investigations, soyez donc vigilants. Comme les autres collections de la série Ace Attorney, les deux jeux sont disponibles d’emblée et ils sont découpés en épisodes eux-mêmes découpés en plusieurs parties. Un confort non négligeable pour accéder à une session précise d’un chapitre, notamment pour débloquer les “distinctions” du jeu, sorte de trophée pour les amateurs de 100%. Une fois le jeu lancé, préparez-vous à une durée de vie dans la moyenne de la série entre 20 et 30 heures de jeu pour chacun des jeux, soit une bonne quarantaine ou soixantaine d’heures de jeu pour terminer la collection.
Après avoir complété les différentes affaires de Ace Attorney Investigations, il faut reprendre l’historique de la série et resituer tout ça. En considérant les précédentes collections, si The Great Ace Attorney se déroule au XIXème siècle et se place comme étant le point de départ chronologique de la licence Ace Attorney, cette chronologie se poursuit avec Phoenix Wright: Ace Attorney Trilogy suivi de Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy. En ce qui concerne Ace Attorney Investigations Collection, il se situe entre les trilogies Phoenix Wright et Apollo Justice, durant les 7 ans séparant les deux collections citées. Plus précisément, le début de Ace Attorney Investigations Collection semble nous situer quelque part de bien plus proche de la fin de la trilogie Phoenix Wright que du début d’Apollo Justice.
La première affaire que nous jouons dans Ace Attorney Investigations Collection est une affaire de meurtre survenant dans le bureau du procureur Benjamin Hunter. Nous le soulignons à nouveau mais le rival de Phoenix Wright et procureur Benjamin Hunter est désormais le protagoniste principal de cette collection. Alors que celui-ci revient d’un voyage d’affaires à son bureau en pleine nuit, il s’aperçoit du chaos survenu dans son bureau et de la présence d’un cadavre. Par ailleurs, un mystérieux individu pointe une arme sur lui. Dans l’obscurité, notre héros ne parvient pas à distinguer le visage de son agresseur mais celui-ci tire un coup de feu à l’opposé de la pièce avant de lâcher son arme et prendre la fuite dans le dos de Hunter. Notre première enquête pour faire la lumière sur ce premier meurtre commence alors avec la présence de l’inspecteur Tektiv comme assistant.
Une première enquête d’une belle collection développant comme jamais le personnage de Hunter, explorant le passé du personnage avec les Von Karma, sa rencontre avec l’inspecteur Tektiv puis le second jeu nous emmène même sur un passé légèrement plus lointain. Un passé présentant des personnages en lien direct ou non avec Hunter. Sans développer ce que nous venons d’évoquer pour éviter le spoil, globalement l’intrigue des deux jeux fait intervenir des visages connus des fans et bien d’autres personnages inédits. Une intrigue entre passé et présent avec de nombreux rebondissements avant d’arriver à la conclusion de chaque affaire. Un petit bémol sur ce que certains peuvent considérer comme une légère incohérence : les investigations de Hunter se déroulent toujours avant les procès. Et notre procureur finit par résoudre les différentes affaires et à identifier les coupables avant le procès, ce qui nous fait vraiment douter de la qualité du travail de la police et du procureur dans les jeux où nous jouons la défense.
Eurêka ! Échec et Mat, inspecteur !
Dès la première affaire, le jeu nous présente ce qui sont les bases de l’expérience des jeux de la collection Investigations. Une expérience qui propose quelque chose à la fois similaire et différent de ce que nous connaissons à travers les autres Ace Attorney. Premier point allant dans le sens de nos propos : les phases d’investigations. Nous ne faisons plus face à des décors juste présentés sous forme d’illustration avec un point de vue à la première personne. Autrement dit, des décors à faire défiler sur plusieurs plans parfois en 3D et à devoir passer au peigne fin avec notre curseur pour obtenir de nouvelles informations ou de nouvelles pièces à conviction. Dans Investigations, nous contrôlons directement Benjamin Hunter à travers les scènes de crime et nous menons l’enquête comme dans un Point’n click.
Lorsque l’investigation commence, nous déplaçons le procureur Hunter à travers les décors puis nous interagissons avec les PNJ ou les éléments de décor afin de recueillir de nouvelles informations et de nouvelles pièces à conviction. Nous pouvons nous dire qu’au-delà de ce changement de point de vue et de contrôle de personnage, l’expérience est la même. Mais c’est sans compter la présence de la mécanique de réflexion logique. En effet, en interagissant avec les éléments et en obtenant de nouveaux éléments, certaines réflexions du procureur Hunter sont conservées en mémoire. Ces réflexions sont liées les unes aux autres et permettent à Hunter ainsi qu’au joueur de parvenir à de nouvelles hypothèses sur l’affaire en question. Par exemple dans la première affaire, en liant la réflexion de l’objectif inconnu du tueur avec la présence d’un coffre-fort poussiéreux mais nettoyé à certains endroits précis dans le bureau de Hunter, nous émettons ainsi l’hypothèse d’une piste de vol.
De réflexion en réflexion et d’hypothèse en hypothèse, nous mettons aussi à jour des informations sur nos pièces à conviction et nous pouvons même nous en servir pour mettre en avant des contradictions avec certains éléments du décor. Certaines phases de réflexion interviennent inévitablement lorsque nous sommes au climax d’une affaire. Pied au mur, le procureur Hunter émet quelques ultimes pistes de réflexion à lier entre elles pour parvenir à la vérité. Ajoutons d’autres éléments de gameplay inédits lors des investigations comme ceux apportés par le personnage de Cléa Faraday qui se présente comme la prochaine Yatagarasu, la prochaine grande escamoteuse. Elle contribue à un renouvellement de gameplay avec l’utilisation du mini-faussaire, une machine permettant de reconstituer des scènes de crime à un instant-T. Ces reconstitutions du mini-faussaire peuvent être examinées en profondeur pour obtenir de nouvelles pièces à conviction ou de nouvelles pistes de réflexion, nous menant toujours plus près de la vérité.
Dans le second jeu Investigations, la mécanique est même poussée au point de nous proposer deux moments différents d’une même scène à examiner. En parlant du second opus, celui-ci introduit également la mécanique d’échiquier mental. Une phase d’interrogation dans laquelle les gens que nous interrogeons cachent des informations. Lors de ces phases nous pouvons sélectionner des questions ou des choix de réponse à faire aux témoins. Nous avons une jauge de temps qui s’écoule lorsque nous devons justement sélectionner quelque chose à faire. Une mauvaise sélection nous fait perdre du temps. Chaque témoin réagit différemment à une question et une réponse que nous donnons, il s’agit d’analyser ces réactions, trouver les bonnes réponses pour obtenir des indices permettant de progresser encore plus loin dans l’interrogatoire puis parvenir à faire parler les témoins et terminer cet échiquier mental par un échec et mat.
Pas si vite ! L’investigation est encore imparfaite !
La réflexion logique, le mini-faussaire et l’échiquier mental permettent d’avoir des interactions bien plus poussées et encore plus de fun lors des phases d’investigations. Un fun rarement atteint lors de ces phases dans les autres jeux Ace Attorney. Autre point différent avec l’expérience Ace Attorney classique : l’absence de phases de procès. Cela signifie-t-il plus de témoignage à écouter, de contre-interrogatoire à mener et de témoin à briser à travers ceux-ci ? Loin de là, puisque nous avons parlé de la mécanique d’échiquier mental qui est une phase d’interrogatoire légèrement plus dynamique. Cependant, même s’il n’y a plus de passage dans une salle d’audience face à une cour d’audience, nous avons toujours des phases similaires de contre-interrogatoire classique des Ace Attorney. Reprenons le cas de la première enquête : nous faisions face au procureur Jacky Bertin qui nous exposait ses raisonnements logiques allant même jusqu’à accuser Hunter ou d’autres personnages.
Nous menions ainsi des contre-interrogatoires ou plutôt des “Réfutations” qui se jouaient de la même façon que lors des phases de procès de Ace Attorney. Attaquer le témoignage et raisonnement de notre adversaire, exploiter une faille que nous pouvons exploiter pour mettre en avant une contradiction et détruire ses arguments puis nous rapprocher de la vérité pour conclure une affaire. Le rythme du jeu se divise entre les Investigations et les Réfutations pour une expérience qui, nous le répétons, est à la fois similaire et différente d’un Ace Attorney classique. Par ailleurs, le découpage des chapitres est suffisamment bien fait pour profiter de chaque affaire même sur des courtes sessions sans avoir à user de l’option de sauvegarde à n’importe quel moment.
Comme les autres collections, nous avons également la présence d’un backlog pour éventuellement relire les dialogues les plus récents et se sentir moins perdu lors d’une reprise. Le jeu possède également un slot de sauvegarde automatique pour ceux qui ont une tendance à oublier de sauvegarder manuellement. Les commandes à la manette sont similaires aux autres collections Switch et permettent à n’importe qui de jouer convenablement. Pour faire court, les habituelles options de confort apportées à travers les différentes collections de la série sont toujours de la partie. Petite absence étrange : la fonctionnalité tactile en mode portable, pourtant présente dans les autres collections. Peut-être une fonctionnalité ajoutée plus tard par patch, une absence qui est loin de rendre le jeu injouable mais qui reste sympathique à avoir pour une expérience plus proche du jeu original au moins en mode portable.
En allant plus loin que le gameplay, Ace Attorney Investigations Collection nous propose un travail visuel HD très propre et proche du travail effectué sur Phoenix Wright: Ace Attorney Trilogy. Des décors et des illustrations en HD mais aussi le choix d’avoir les sprites de nos personnages en pixel art proche du rendu DS d’origine en HD ou encore d’avoir de nouveaux sprites inédits lissés tout propres et en HD. Un choix sympathique pour les fans bien que nous préférons jouer avec les nouveaux sprites pour apprécier notamment les expressions faciales bien plus visibles des personnages. Ajoutons aussi les décors bien plus variés que n’importe quel Ace Attorney, notamment lors des contre-interrogatoires et des réfutations en comparaison aux phases de procès habituelles de la série se situant toujours dans une salle d’audience. Tout aurait pu s’arrêter sur une bonne note si les développeurs avaient réussi à stabiliser techniquement la collection. Lors des phases d’investigations, il nous arrivait de bouger Hunter et d’avoir des chutes de framerate inexplicables.
Le jeu est très propre mais le style 2D et illustré façon Visual Novel du jeu ne permet pas de justifier ces chutes au-delà d’un travail d’optimisation insuffisant. Certains seront satisfaits de retrouver la mise en scène d’époque DS lors des débuts d’affaires mais ce retour en HD était peut-être l’occasion de proposer une mise en scène moderne avec des cinématiques inédites en animation comme dans les Ace Attorney les plus récents. De même, le charme des sprites 2D d’époque est indéniable mais nous comprenons les éventuels fans qui auraient préféré un travail 3D similaire aux jeux les plus récents. Accompagnant tout ça, la bande sonore propose également le choix entre jouer avec les musiques originales ou arrangées. Toutes les musiques n’ont pas bénéficié d’arrangements, ce qui est dommage, mais seulement les musiques clés. Dans un monde idéal, nous aurions voulu avoir ce traitement sur l’ensemble de la bande sonore mais nous ne bouderons pas notre plaisir d’écouter des arrangements de thème de contre-interrogatoire ou d’objection. Incomplet certes mais cela reste une belle initiative de proposer quelques arrangements et ce choix audio.
Les plus pointilleux n’aimant pas la lecture bouderons l’absence de doublage, bien que les différentes interjections connues de la série aient été doublées comme les fameux “Objection”. Par ailleurs, en allant dans le musée, nous pouvons profiter de toutes les musiques du jeu avec même la possibilité d’écouter les arrangements orchestraux provenant des concerts joués au Japon. Nous pouvons également profiter d’un atelier pour admirer et jouer avec les sprites et interjections doublées du jeu ou profiter également des différents concept arts habituellement publiés dans des artbooks officiels. Une collection de jeux et un musée au contenu dense que nous vous laissons découvrir !
Conclusion
Ace Attorney Investigations Collection bénéficie du même soin et du même traitement que les précédents travaux effectués par Capcom pour les collections de jeux Ace Attorney. De plus, un des deux jeux de cette collection sur le procureur Hunter arrive pour la première fois officiellement en occident sans oublier de dire que les deux jeux sont traduits pour la première fois en de nombreuses langues dont le français ! Nous aurions pu terminer sur une excellente note en fermant les yeux sur les erreurs de traduction, les quelques défauts techniques injustifiés et les quelques étranges absences de fonctionnalités de gameplay. Il est vrai que l’expérience Ace Attorney Investigations Collection est bien plus réfléchie avec des éléments de gameplay plus dynamiques dans le genre du Point’n click et Visual Novel. Des éléments ont été mis en place afin de capter le public et le motiver à jouer jusqu’à la fin. Pourtant, l’autre réalité c’est que Ace Attorney Investigations Collection comme tout le reste de la série propose des expériences qui peuvent rebuter ceux n’appréciant que très peu la lecture. En allant au-delà de ça et en tant que fan de la série, notre joie de pouvoir enfin jouer à Ace Attorney Investigations traduit en français reste incommensurable. Si vous êtes également un fan de la série ou du genre, nous ne pouvons que vous recommander de vous lancer dans cette investigation de très grande qualité et remise au goût du jour par Capcom !
LES PLUS
- La réalisation colorée et les sprites en HD !
- Les breakdowns des témoins toujours légendaires
- Le choix entre des sprites HD ou en pixel art
- Une expérience Ace Attorney riche en investigation
- L’apport du mini-faussaire, la logique et l’échiquier mental
- Les options de conforts, la densité des bonus du musée et éléments à débloquer
- Plus de procès mais des réfutations aux décors variés
- Un découpage des chapitres bien effectué
- Une écriture des affaires maîtrisée et riche en rebondissements
- Le plaisir de retrouver l’humour de la série et des visages familiers !
- Le casting global toujours haut en couleur et bien développé
- Une durée de vie exemplaire pour deux jeux
- Une OST de grande qualité et quelques pistes arrangées
- Le choix entre les pistes originales et les arrangements
- Une traduction des textes et des interjections en français !
LES MOINS
- Des chutes de framerate inexplicables
- Le charme des sprites 2D qui peut ne pas fonctionner
- Ça manque de mise en scène plus moderne
- L’absence de fonctionnalité tactile
- Il faut aimer lire pour mieux apprécier les jeux
- Ou alors proposer un doublage intégral
- Quelques incohérences pas bien méchantes
- On aurait aimé avoir une OST complètement arrangée
- Des fautes et erreurs de localisation
Vous êtes un des seuls à avoir mentionné les chutes de frame rate sur cette version switch.
Je suis au chapitre 5 du 1er volet, et l’expérience de jeu devient très pénible. Les saccades sont constantes, il y a un input delay de malade pour passer les dialogues et ouvrir le menu, le son n’est pas non plus parfaitement synchronisé avec l’image. C’est absolument catastrophique !!
Merci du commentaire
Je ne peux pas comparer avec les autres versions et je ne suis pas un expert technique mais effectivement comme je ne suis pas un expert, si j’ai pu noter ces défauts techniques je pense qu’ils sont assez grave. Même si à titre personnel ça m’a pas tuer mon plaisir de jouer au jeu. Je souligne juste leur existence et je pense que c’est surtout le 1 qui souffre de ça. C’est peut être une impression mais les défauts sont moins présent sur le second 🙂