Civilization a désormais plus de trente ans. Trente ans où la licence n’a cessé d’évoluer, cherchant toujours un juste équilibre entre les bases des anciens opus et les nouveautés. Cette lente évolution divise souvent les fans. Civilization V avait été critiqué à sa sortie pour son absence de religion (rajoutée par un DLC), Civilization VI désarçonnait par ses graphismes « cartoon » dans l’univers du 4X et son gameplay moins accessible. Et nous voilà avec Civilization VII, où nous lisons (comme à chaque nouvelle sortie) des retours qui citent le jeu comme le pire opus de tous les temps, qui volerait allégrement le gameplay de Humankind pour en retirer toute sa saveur.
Nous avons reçu Civilization VII dans les mains et avons pris le temps de le tester en profondeur. Qu’en est-il vraiment de cet opus ? Est-ce le pire ? Le meilleur ? Quelles sont les nouveautés et sont-elles bien implémentées ? Voici notre test pour la version Nintendo Switch où le jeu est disponible à soixante euros (en standard) sur l’eShop comme en physique depuis le 6 février 2025.
Un jeu qui change la formule tout en gardant ses bases
Sid Meier’s Civilization, pour les néophytes, est une des licences les plus connues de jeu de stratégie 4X. Nous partons avec un simple colon, et notre objectif est de fonder l’un des plus grands empires de l’Histoire.
Pour ce nouvel opus, Civilization VII ne déroge pas à la règle. Nous démarrons avec un colon au milieu d’un vaste territoire pour l’instant grisé. Les habitués se sentiront en territoire connu, car malgré les nombreux changements (que nous allons vous détailler), la prise en main est accessible et rapide.
Le but est toujours le même : fonder des villes afin d’agrandir notre territoire et dominer les autres empires que ce soit militairement, culturellement, scientifiquement ou économiquement.
La première grande nouveauté vient du rythme des parties qui est dorénavant coupé en trois phases : l’Antiquité, l’Exploration et la Modernité (ce qui rappelle Humankind).
L’Antiquité est globalement le temps de la découverte, où nous fondons nos premières villes, nos premiers bâtiments et agrandissons le territoire. C’est une phase plutôt calme mais stratégique où nous posons les premières briques de notre empire tout en échappant aux peuples barbares.
L’Exploration est, comme son nom l’indique, la période où nous partons à la conquête des océans. Nous fondons de nouvelles colonies éloignées, et surtout les peuples se battent à coup de religions afin d’obtenir de très beaux bonus.
La Modernité est le chemin final pour accéder à la victoire. Les usines et les chemins ferroviaires font leur apparition, avec l’opportunité d’exploiter les ressources à la chaîne. C’est un temps de combat aussi où les dirigeants n’ont plus d’autres choix que de s’affronter pour continuer à grandir (et pour empêcher les autres de gagner).
Nous possédons un dirigeant qui nous accompagne pendant toute notre aventure, mais à chaque phase, nous changeons de civilisation. Nous avons fait une partie où nous débutions en tant que José Rizal, héros national des Philippines mais nous avons été successivement Mississippiens, Chinois et Mexicains.
Des choix qui peuvent surprendre de prime abord
Chaque dirigeant possède ses propres compétences et ses attributs. José Rizal a par exemple des bonus diplomatiques. Chaque civilisation possède ses unités, ses bâtiments, sa compétence mais aussi ses doctrines exclusives (nous reviendrons plus tard dessus). Certaines civilisations ont aussi des quartiers exclusifs (quand nous construisons deux bâtiments spécifiques sur la même case, nous reviendrons aussi dessus plus tard).
Le changement de civilisation peut surprendre de prime abord ; être un dirigeant égyptien et se transformer en Chinois ou en Russes est décontenançant, notamment pour les passionnés d’Histoire.
Cependant, en termes de gameplay, c’est un changement intéressant qui nous amène à des choix drastiques : que faire quand nous voulons jouer scientifique et que la seule civilisation adéquate est la Russie, spécialiste de la toundra, climat où nous ne nous sommes pas installés ?
Les changements d’âge sont un peu comme des « mini-resets ». Les relations diplomatiques sont (presque) réinitialisées, les amis d’hier pouvant devenir les ennemis d’aujourd’hui ; la plupart des bâtiments deviennent obsolètes ; nous démarrons un nouvel arbre technologique et dogmatique ; les cités-états évoluent ; nous avons de nouvelles quêtes d’âge et nos villes (exception faite pour la capitale) redeviennent des communes.
Ce concept de changement d’âge perturbe, en tout cas au début, mais nous nous y habituons assez rapidement. Il équilibre le jeu en régulant les joueurs. Il n’est désormais plus possible de rusher les technologies pour avoir un avantage conséquent sur les adversaires. Chaque âge possède ses propres règles et l’adaptation sera de mise afin de briller jusqu’à la fin de partie.
Cependant, les plus avancés, même s’ils ne peuvent plus écraser les autres comme avant, gagnent tout de même des bonus conséquents à chaque fin d’ère. Après tout, n’est-ce pas un sérieux avantage de commencer une ère avec de grosses réserves d’or ?
Comme susmentionné, il y a aussi des objectifs (militaires, économiques, scientifiques, culturels) à chaque âge. Nous allons devoir posséder un certain nombre de villes avant la fin de l’ère ou encore réussir à produire un certain nombre d’éléments (production, science, etc.) sur plusieurs cases.
Une refonte complète de la ville et la disparition des ouvriers
Même si le fonctionnement global reste similaire, les villes changent entièrement par rapport aux précédents opus. Désormais, les colons fondent des communes. Les communes, ce sont des villes… qui ne produisent pas de bâtiment ! Il faut dépenser une somme d’or de plus en plus grande pour transformer nos communes en villes.
L’emplacement de la commune / ville est important car chaque case, en fonction de sa tuile, génère une quantité de production (pour construire des bâtiments / unités) et de nourriture différente. De plus, les ressources rares qui jonchent la ville peuvent vous amener à vous installer dans des territoires inhospitaliers.
Les ouvriers ont disparu et désormais la nourriture permet d’installer des bâtiments ruraux (comme une ferme) qui exploiteront les ressources d’une case. Quand nous installons un bâtiment rural sur une case, le territoire s’agrandira automatiquement en grignotant les cases adjacentes.
Au bout d’un moment où votre territoire ne pourra plus s’agrandir, nous pouvons installer des spécialistes qui boostent nos cases en échange d’un peu de bonheur et de nourriture.
En plus des bâtiments ruraux générés par notre nourriture, nous pouvons créer des bâtiments urbains. Nous pouvons installer deux bâtiments urbains par tuile qui créent un quartier. Les bâtiments urbains apportent de nombreux boosts de production, de nourriture, de science, etc.
Certaines constructions comme le grenier sont intemporelles, cependant, la plupart des bâtiments perdent une partie de leurs bonus avec le changement d’ère. Il faudra alors construire par-dessus afin de faire évoluer notre empire.
Nous pouvons aussi construire des merveilles qui auront de puissantes capacités et qui peuvent faire pencher la balance. Les merveilles sont communes à toutes les civilisations et il faudra être le plus rapide.
Il y a une toute petite part RPG dans Civilization VII. Notre dirigeant peut gagner des points de compétence en fonction des quêtes réalisées et des merveilles créées. Il peut aussi augmenter des niveaux qui lui débloqueront des bonus pour les prochaines parties.
La culture permet de déverrouiller des dogmes. Ces derniers permettent de débloquer des merveilles, des unités, mais surtout des doctrines. Les doctrines sont globalement des bonus que nous assignons à chaque ère.
Il y a les doctrines d’ère mais aussi des doctrines exclusives à chaque civilisation. Ces dernières sont gardées à chaque changement d’ère, ce qui rend le choix de sa civilisation encore plus stratégique.
Accessible mais vraiment complet
Le bonheur occupe lui aussi une place importante : pour qu’un peuple travaille efficacement, il doit être heureux. Un peuple mécontent aura tendance à détruire ses propres infrastructures et peut même se révolter.
La diplomatie a été repensée. Nous gagnons des points de diplomatie qui permettent de lancer des initiatives diplomatiques (ou de soutenir celles de nos alliés). Nous pouvons nous donner des bonus culturels, agrandir le nombre de routes commerciales ou même espionner notre concurrent avec les points diplomatiques.
L’exploitation des ressources a elle aussi évolué. Désormais, les ressources peuvent être assignées à la ville de notre choix. Une route commerciale sur une ville étrangère nous permet d’importer ses ressources (tout en donnant de l’or à l’adversaire), ce qui amène à choisir avec prudence nos alliés.
L’aspect militaire a peu changé. Outre une certaine hémogénie des unités militaires à chaque changement d’âge, nous continuons à attaquer (presque de la même façon), avec des unités maritimes, à distance, de la cavalerie, des infanteries…
Le véritable changement s’opère autour des commandants d’armée, des unités capables de réunir mais aussi de renforcer les armées adjacentes. À chaque combat, nos soldats fournissent de l’expérience à notre commandant qui va lui permettre de gagner des niveaux. Ces niveaux permettront de spécialiser notre chef des armées en donnant des bonus par exemple d’infanterie.
Le commandant a en revanche peu de résistance et ne peut pas attaquer. Il faudra donc l’utiliser avec intelligence afin qu’il puisse soutenir les militaires sans se faire tuer.
La religion a été très simplifiée par rapport au sixième opus. Désormais, il n’y a qu’une seule unité et si vous étiez habitués aux apôtres et aux guerres de religion, vous risquez d’être décontenancés. Pour convertir une ville, il faudra réussir à prêcher à la fois dans les zones rurales et urbaines afin de plaire à toute la cité.
Il y a encore d’autres petits détails, comme les merveilles naturelles, les catastrophes, les limites de colonie, les évènements narratifs ou encore la navigation sur l’océan que nous vous laissons découvrir.
Un très bon opus axé plus sur la stratégie que la découverte
Malgré les critiques parfois virulentes des joueurs, la réalité, c’est que Civilization VII est un très bon opus. Il est imparfait, il respire le jeu à DLCs (certains points de gameplay sont volontairement sous-exploités), et pourtant, le plaisir est là.
Cet épisode est plus accessible que le précédent. Outre les explications disséminées çà et là, il est plutôt simple de comprendre les bases du gameplay et de s’amuser, même en faisant des erreurs.
En même temps, le jeu est aussi bien plus stratégique et nous ressentons le poids de chacune de nos décisions, même les plus minimes. En d’autres mots, cet épisode résume bien le « simple à apprendre, dur à maîtriser ».
Le jeu réussit le bon équilibrage entre nouveautés, gameplay inspiré d’autres jeux (surtout Humankind) et bases d’anciens opus. Il y a énormément de belles idées et les changements d’ère apportent un coup de boost au rythme de chaque partie.
Il y a de quoi passer des dizaines et des dizaines d’heures sur cet opus pour découvrir toutes les subtilités du gameplay, et surtout, pour réussir à briller au plus haut niveau de difficulté.
Les développeurs arrivent encore à nous trouver des nouveaux dirigeants, créant un éventail très complet entre les nouvelles têtes (José Rizal, par exemple) et des habitués (Isabelle d’Espagne, toujours et encore elle).
Les messages des évènements qui avaient tendance à nous submerger dans les autres opus ont été cachés. Dorénavant, nous avons le choix de les lire ou non, ce qui fluidifie l’expérience.
Un jeu qui est malgré tout loin d’être parfait
Le recentrage du jeu autour de la stratégie pure et dure pourrait aussi frustrer certains habitués de la licence. À force d’être dans la réflexion pure et dure, nous perdons cette sensation de découverte et d’exploration que nous apportaient les précédents opus.
Il n’y a plus le même plaisir à fonder une merveille, les citations à chaque technologie découverte sont pertinentes mais manquent d’un petit côté narquois, et comme nous sommes tous à la même enseigne, le plaisir d’être les premiers à voguer sur l’océan n’est plus le même. Il n’y a pas non plus ce côté extatique quand nous découvrons que les terres que nous considérions comme inutiles recèlent en réalité de l’uranium ou de l’aluminium.
À vous de voir quel type de joueurs vous êtes et ce que vous préférez dans cette licence. Si vous aimez la stratégie, le jeu saura vous ravir mais si vous êtes plutôt un explorateur dans l’âme, alors peut-être vous sentirez-vous déçus.
Le jeu est plus accessible que jamais mais certains points sont encore pas très clairs voire mal expliqués et nécessitent certainement quelques patchs pour plus de lisibilité. La religion est parfois un peu floue, certaines quêtes sont mal expliquées (littérairement parlant, et heureusement Internet nous a sauvé), et l’impact concret lorsque nous remplaçons des bâtiments obsolètes n’est pas très clair.
Il est impossible de nier que, malgré ses qualités, le contenu paraît parfois chiche (même si en réalité il est conséquent), surtout sur Nintendo Switch. Il y a peu de cartes et nous sentons le côté DLC (certains payants et gratuits sont déjà prévus) qui viendra renforcer le gameplay de base.
C’est frustrant mais le jeu de base est déjà très fourni, et si vous êtes prêts à la nouveauté, vous trouverez une expérience avec beaucoup de qualités que, à titre personnels, nous recommandons vivement.
Autre point négatif, mais la fin des parties, hormis la cinématique, est un peu légère. Elle manque de statistiques, de choses qui nous permettent de réaliser le travail que nous avons accompli pendant toute notre partie et qui faisait le sel de la licence.
Et sur Nintendo Switch ?
La version Nintendo Switch nous laisse sur un sentiment mitigé. Il y a une réalité très positive : il n’y a quasiment plus de lags ni de latence sur le jeu, même en fin de partie. Nous avons connu « seulement » deux crashs de toute l’expérience. Par rapport à l’opus précédent, c’est un vrai bond en avant.
Malheureusement, pour arriver à cette fluidité, les développeurs ont décidé de restreindre la taille des cartes et les joueurs Switch n’ont le droit qu’aux cartes de taille « petite » et « minuscule », ce qui, par la même occasion, réduit drastiquement les possibilités.
Le jeu est toujours tactile rendant Civilization VII très agréable sur portable, cependant, la maniabilité laisse parfois à désirer, notamment pour la répartition des ressources dans chaque ville (et surtout pendant l’ère Moderne avec les usines) et pour les routes commerciales, où la console semble avoir du mal à suivre.
Les textes sont parfois trop petits en portable, notamment pour ceux qui n’ont pas une vue irréprochable. Certaines informations sont aussi peu lisibles avec des couleurs qui se superposent.
Pour terminer sur les spécificités de la Nintendo Switch, sachez que le jeu est (enfin !) jouable en ligne en multiplateforme. Nous n’avons pas pu tester encore cette option, mais c’est déjà une très belle nouveauté.
Les graphismes, décriés à la sortie du sixième opus pour son aspect « enfantin », sont revenus à quelque chose de plus réaliste, simples mais agréables à l’œil. Ils font parfaitement le travail, avec quelques animations réussies en plus.
La bande-son, elle, n’a pas évolué d’un iota. Nous retrouvons des pistes traditionnelles de chaque civilisation, qui nous baignent dans un pan de l’Histoire. Certains ne peuvent jouer sans, d’autres la coupent, et ce sera exactement la même chose cette fois-ci. Elle est malgré tout de très bonne facture même si quelques sautes étranges de musique sont à noter.
Nous vous joignons une vidéo de gameplay d’une heure réalisée lors de la dernière ère afin que vous puissiez vous rendre compte des performances de la console en fin de partie.
Conclusion
Civilization VII est un très bon cru du 4X rendant l’expérience encore plus stratégique que jamais. Il y a beaucoup de belles idées et nous avons pris du plaisir à accompagner nos dirigeants jusqu’à la victoire finale. Les changements peuvent décontenancer certains habitués (notamment ceux qui préfèrent la découverte), cependant, il est impossible de nier les qualités de cet opus qui rendent l’expérience autant accessible que complexe. Impossible aussi de nier cette sensation de jeu à DLCs, avec des passages peu poussés en termes de gameplay (comme la religion ou la technologie) qui fait malheureusement partie de chaque expérience Civilization. Sur Nintendo Switch, le jeu est fluide (même en fin de partie) et jouable en ligne, cependant, pour ce faire, les développeurs ont dû drastiquement réduire la taille des cartes.
LES PLUS
- Un opus apportant des changements très intéressants
- Le changement de civilisation à chaque âge, perturbant au début mais bien réalisé
- Un épisode à la fois très stratégique mais accessible
- La gestion des ressources
- La disparition des ouvriers
- Des heures et des heures de jeu prévues
- Une version Switch stable et jouable en ligne multiplateforme
- Une bande-son toujours efficace
LES MOINS
- Un jeu qui pourrait frustrer ceux qui préféraient la découverte à la stratégie
- Une sensation de jeu à DLC par endroits (religion, technologie)
- Certains aspects ne sont pas bien expliqués
- Certaines informations manquent pour bien prendre nos décisions
- Certains textes sont trop petits en portable
- Certains moments sont mal calibrés sur Switch
- Des concessions frustrantes de cartes pour notre console