Après avoir exploré le jeu du Twin Stick Shooter et du Beat’Em All, le développeur solitaire Tony De Lucia nous revient avec son nouveau projet, Broken Mind. Toujours seul aux commandes de son studio 2BadGames, il gagne en ambition avec un passage à la troisième dimension. Si ses deux premiers jeux avaient su nous plaire via leurs mécaniques de jeu solides et une narration rappelant le cinéma des années 80, qu’en est-il de cette dernière production ? Comme d’habitude avec le monde du jeu indépendant, la perfection n’est pas dans les hommes, mais dans leurs intentions.
Une histoire à vivre
Si le test de ce troisième jeu n’arrive qu’une année seulement après la sortie de Brutal Rage sur nos Nintendo Switch, sa réalisation a débuté dès l’année 2017 en parallèle de ses autres titres. Ce sont bien cinq années complètes qui ont été nécessaires à Mr De Lucia pour mettre un terme à ce qui représente son projet le plus ambitieux. Pourquoi un tel temps fut-il nécessaire ? La gestion de la profondeur n’explique pas tout.
En effet, la première chose qui nous collera à notre écran sera la narration. Le premier chapitre est un modèle du genre qui ne nous donnera plus qu’une envie, allez au bout de cette histoire. Nous apprenons dans celui-ci que nous incarnons l’agent Frank Morgan, un détective qui tente de survivre à un traumatisme dont la recherche de la rédemption est la seule chose qui le maintient encore debout.
Entre les phases se déroulant dans le temps présent, à mener notre enquête, les phases de flashbacks et celles prenant la forme de visions ou de cauchemars se déroulant dans l’esprit de notre héros, nous naviguons dans un univers sombre et prenant. Le rythme connaît des hauts et des bas et certains passages sont clairement plus lents et moins oppressants que d’autres, mais régulièrement la tension que nous subissons est relevée d’un cran.
Encore une fois, le cinéma des années 80 semble être une source inépuisable d’inspiration pour Mr De Lucia, mais il est capable de l’adapter aux exigences de notre époque. Il nous faudra donc mener à bien l’enquête pour retrouver Laura, une jeune adolescente kidnappée durant un live sur un quelconque réseau social. Nous retrouverons tout de même le sempiternel coéquipier qui donnerait tout pour nous, le chef bougon et obtus et, bien sûr, les agents de la police des polices. Ouf.
Les personnages que nous allons rencontrer sont cousus de fil blanc, mais ils sont à leur place et ne dénotent jamais. Notre expérience se focalisera bien plus sur Laura et sur Frank. Dans les deux cas, ils sont parfaitement écrits et il est toujours plaisant de les incarner. Leurs réactions sont toujours logiques et nous ne sortons jamais de cette histoire prenante, bien que trop courte.
En effet, il ne faut pas plus de deux à trois heures pour connaître le dénouement de cette histoire en mode normal. Un mode difficile est aussi disponible, tout comme un mode facile et un mode narratif, mais recommencer depuis le début n’apporte rien de nouveau. Seule la découverte de boite à musique cachée peut faire office de challenge, mais leur nombre étant très faible, et le jeu étant assez court, il est facile de tomber dessus dès la première tentative.
La fin justifie les moyens
Toujours concernant cette narration. Il faut noter la volonté de nous offrir une expérience de qualité avec un doublage de tous les textes, qu’ils soient des dialogues ou des monologues. Chaque personnage est doublé avec qualité dans la langue du chat qui expire, les sous-titres sont quant à eux en français, le tout nous permet d’avancer facilement dans cette histoire.
Si la narration est clairement le point fort de ce Broken Mind, qu’en est-il de ses phases de gameplay. Là encore, Mr De Lucia a cherché à piocher dans toutes les influences pour nous offrir un melting pot de mécaniques. Entre les phases d’enquête, rappelant les point’n click, les phases de FPS, touchant à ce que fut Wolfenstein 3D et les passages d’infiltration, notre expérience de jeu est sans cesse renouvelée.
Tous ces passages ne sont pas pour autant de la même qualité. Les moments où la furtivité est de mise sont les plus prenants, mais ils sont très courts tandis que les passages durant lesquels nous devons trouver les objets disséminés dans la nature, pour ensuite les utiliser judicieusement, sont d’un rythme assez lent et bien trop facile. Au pire nous devons gérer deux objets plus une trousse de soin récupérée plus tôt. De même, les puzzles à résoudre sont trop peu nombreux, à peine trois sont disponibles et leur difficulté est anecdotique.
Toutes ces phases s’enchaînent trop rapidement, certains chapitres durent à peine quelques minutes. Là encore, si le résultat est plaisant, le manque de moyen est toujours criant. La prise en main de notre arme en mode FPS ne vient malheureusement pas nous contredire. Les différents ennemis que nous aurons à rencontrer sont d’un nombre trop peu nombreux. Ils ne sont que de trois formes différentes, dont l’une n’est autre que celle de l’unique boss final.
Nous avons toujours à tirer ou à trucider à coup de pied, de poings ou de couteau les mêmes avatars qui nous font face. Les combats se ressemblent tous et seul le dernier d’entre eux profite d’un gros pic de difficulté qui nous prend d’ailleurs totalement au dépourvu. Pour le reste, une balle dans la tête tant qu’il nous reste des munitions suffit à nous en défaire. Dans le cas d’un manque de balles, frapper, reculer et recommencer nous permet de les vaincre assez facilement une fois le rythme pris.
Comment faire ce qu’on peut avec ce qu’on a ?
D’un point de vue technique, le même constat de manque de moyen va aussi rapidement s’imposer. La partie graphique est plutôt réussie avec un style bande dessinée assumé rappelant ce que pouvait proposé un XIII avant de tenter un comeback catastrophique. Chaque élément est modélisé en 3D avec une texture dessinée posée dessus. Nos personnages sont quant à eux des images posées dans des décors à la manière d’un Paper Mario. Le résultat nous emmène dans un monde qui se parcourt facilement.
Testé sur une Nintendo Switch OLED, nous avons pu profiter des décors sombres dans de très bonnes conditions d’affichage, augmentant encore davantage le côté angoissant du titre de 2BadGames. Seuls quelques petits bugs de collision avec des murs nous ralentissent inexplicablement et la détection de certains objets, comme les pierres, est parfois approximative, nous demandant de nous y reprendre plusieurs fois en adaptant notre distance, pour avoir alors la possibilité de les déposer dans notre sacoche pour les utiliser par la suite.
Des options d’accessibilités sont de la partie pour simplifier la vie du joueur. Nous pouvons ainsi activer une assistance QTE, pas vraiment nécessaire, vu que ceux-ci consistent en une succession d’appuis sur un bouton. Nous pouvons aussi activer une aide à la visée, les ennemis étant assez lent, elle n’est pas non plus nécessaire et limite nos mouvements notamment face au boss de fin, la possibilité de modifier la difficulté du jeu face à ce dernier aurait été bien plus agréable. Malheureusement, celle-ci est fixée dès le début de la partie, et il nous faut en recommencer une pour la modifier.
Terminons ce test en évoquant la bande-son. Point noir des deux dernières productions de Mr De Lucia, celui-ci a fait appel à un compositeur extérieur. Le résultat est bien plus probant, mais lors des phases d’enquêtes, il arrive souvent que nous soyons à court de bande-son et que seuls nos pas viennent raisonner dans ces lieux clos et sombres.
Conclusion
Broken Mind, le dernier titre de Mr De Lucia, est un titre complexe à noter tant il fourmille de bonne volonté, mais manque de moyen. Avec une narration intéressante, mais souffrant de longueur, il arrive toutefois à nous maintenir accrochés jusqu’à un dénouement qui semble malgré tout arriver trop tôt. De même, les multiples phases de gameplay sont intéressantes et s’enchaînent rapidement, mais sans jamais être poussées à bout. Sa partie graphique au style bande dessinée est réussie, mais le nombre limité de visuels disponibles nous fait vite tourner en boucle. Ce Broken Mind a tout du projet énorme et Mr De Lucia a eu le mérite de le mener seul à son terme, rien que pour cela, il mérite largement un coup d’œil.
LES PLUS
- Les graphismes en mode bande dessinée sont soignés…
- La bande-son pose parfaitement l’ambiance…
- Les différentes phases disponibles s’enchaînent rapidement.
- La narration est très soignée avec ses différents lieux et époques.
- Le doublage en anglais est de qualité tout comme les sous-titres en français.
- Réaliser tout cela seul est un vrai tour de force à saluer.
LES MOINS
- … mais ils se renouvellent trop peu.
- … mais elle est parfois trop courte.
- Juste trois puzzles très faciles et un seul boss, c’est trop peu.
- Le pic de difficulté que représente le boss final est énorme comparé au reste du titre.
- Les limites de détection d’objets sont parfois frustrantes.
- La durée de vie est assez courte.